UN TEMPS DE PAIX(décembre 844)Livaï

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La tasse de thé me brûle les doigts mais c'est agréable

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La tasse de thé me brûle les doigts mais c'est agréable. Après le bon bain chaud que je me suis permis il y a une heure, je pense que je dois pas être loin de la notion de bonheur absolu. Le simple fait d'évoquer cette sensation me fait tout drôle, elle n'est pas familière. Je me méfie toujours des moments qui ont l'air parfaits, simple habitude...

C'est la quatrième nuit que je passe dans cette piaule mais j'en reviens toujours pas. La première fois que j'y suis entré, j'ai cru qu'Erwin me faisait une blague, mais il était très sérieux. La suite du généralissime. Qui ne servira pas de tout l'hiver, et donc vacante. La plus confortable de toutes, qu'il a affirmé. J'ai pas su quoi dire, à part que j'allais sans doute avoir besoin d'un plan détaillé pour pas me paumer dans ce lit de géant... On pourrait y dormir à quatre ou cinq sans problème. Quand il m'a parlé de la salle de bain, j'ai détalé au fond de la chambre et ouvert la grande double porte. J'ai failli tomber à la renverse : une salle de bain, c'est ça, un palais dédié à la toilette, oui ! Cela faisait au moins la taille de la chambre d'Erwin, si bien que sa salle de bain m'a parue tout d'un coup minuscule... Ce truc doit occuper au moins toute la longueur du couloir...

Il va sans dire que j'ai quand même pas hésité trop longtemps à accepter. Putain, cette baignoire...

Savoir que quelqu'un que je connaissais pas avait déjà dormi ici, dans ce lit - même si la literie était propre -, utilisé le mobilier, la cheminée, les fauteuils, me fait un drôle d'effet ; j'ai l'impression de m'être introduit chez quelqu'un et d'avoir pris mes aises. Pas que ça me gêne mais... Enfin, je suis pas embêté par le passage, cette suite est plutôt en retrait du reste de la forteresse, donc je suis tranquille. Enfin, quand la binoclarde décide de se calmer, parce qu'elle est juste au-dessus. Quand elle se met à galoper, ça fait un boucan de taré, et si jamais je choisis de pioncer un jour ou l'autre, il faudra bien que j'aille lui dire deux mots.

Si ce Zackley peut supporter ce bordel, c'est qu'il doit pas être si bourge que ça. Ou il est doué d'une patience infinie...

Greta et Steffen sont partis hier. Ils ont pris la diligence pour Trost - avec un changement pour Yarckel - et je revois encore Greta penchée à la fenêtre nous faisant signe de la main. Mike, Erwin et moi ne sommes pas restés longtemps dehors car ça pelait grave. Mais Erwin est resté à regarder par la fenêtre de la cambuse jusqu'à ce que la diligence disparaisse derrière les collines. Il avait vraiment l'air mélancolique...

Donc, me voilà, pour ma quatrième nuit dans une chambre totalement disproportionnée, dont j'aurais même pas eu l'audace de rêver. Quand je pense à mon dernier hiver, avec eux tous... Comment on se les gelait... Et combien sont-ils encore à grelotter en bas tandis que je me chauffe les fesses au bon feu de cette gigantesque cheminée ? Qu'ai-je fait pour mériter ce confort finalement ? Tuer des titans... Ca vaut vraiment tout ça ?

Je suppose que pour les pontes de la capitale, ce confort serait tout à fait insuffisant. Je le trouve excessif pour ma part. Mais pourquoi bouderais-je mon plaisir ? On ne sait jamais quand tout cela s'arrêtera. Vêtu seulement de ma chemise, les cheveux encore humides mais séchant lentement grâce à la chaleur du feu, un thé chaud à portée de main et recroquevillé dans un immense fauteuil à haut dossier, je reste pendant des heures à regarder la neige tomber dehors. Oui, il neige, ça y est. Au jour dit. Ils sont forts, ces experts.

Il fait nuit mais le paysage se couvre progressivement de blanc. C'est étrange de voir la neige tomber de cette façon. Quand j'étais petit, je pensais que c'étaient les gens du dessus qui nous la balançaient par politesse ; pour que l'hiver soit moins triste... Mais elle tombe bien du ciel, comme la pluie. Je bois une gorgée brûlante et laisse le liquide me réchauffer encore un peu. Je me sens somnolent... Peut-être que j'essaierai de dormir cette fois. En essayant de pas m'étouffer dans ces kilomètres de draps.

Mais je reste encore un peu à regarder la neige. Il doit faire si froid dehors... Je l'ai déjà éprouvé tant de fois, ce froid... Cela me permet sans doute de mieux apprécier encore la chance que j'ai d'être ici, au chaud, séparé de l'extérieur par une simple vitre qui semble si fragile, et qui pourtant m'isole totalement de ce gel... A y regarder de plus près, ça paraît dingue. Un des avantages de la civilisation, j'imagine.

Pourtant, cette seule constatation me fait penser que c'est sans doute le plus grand luxe qui soit, et que tout le monde devrait pouvoir en profiter. Si je le pouvais, je les ferais tous revenir, tout le gang, et on vivrait ici pour toujours. Ce serait génial...

... Et les titans iraient se faire foutre. J'aimerais bien être un peu en paix avec le monde, pour changer...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now