Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]

UN SOMMEIL SANS RÊVES(août 844)Livaï

La porte de la cité de l'est est moins imposante que celle de Shiganshina ; le danger n'est pas le même, faut dire. La binoclarde est super excitée comme à chaque fois, mais j'espère qu'on verra pas trop de titans.

Elle et Erwin ont finalement réussit à décider le major. Tout le bataillon compte sur nous pour relancer l'intérêt des grosses têtes pour les expéditions. A nous neuf, et si tout se passe comme prévu, ça devrait le faire. J'en ai marre de faire le planton à surveiller des échoppes les jours de marché... J'ai pas envie de rouiller.

L'escouade d'Hanji est en avant et nous restons derrière, prêts à intervenir si des titans s'approchent de trop. Nous sommes tous chargés de sacoches de cheval pleines de ces petites bombes soporifiques au cas où les gars d'Hanji seraient à court ; ainsi que d'un petit matériel de minage qui pèse pas trop lourd. Greta s'est quand même montrée inquiète à l'idée de sortir sans chariot - c'est la première fois apparemment ; si ça tourne mal, nous n'aurons aucun recours. T'en fais pas, on est les meilleurs. Si la dingue nous emmène pas dans les ennuis et qu'on suit la route tracée, y aura aucun problème.

Seulement les titans sont imprévisibles. Mais les trucs imprévisibles, j'en fais mon affaire.

Erwin se retourne et s'assure que nous sommes tous prêts. Les habitants de la ville nous regardent avec de grands yeux étonnés tandis que la porte s'ouvre lentement. Cela veut dire qu'il n'y a aucun titan à portée. Dès l'arche passée, on longera le Mur vers le sud-est, et ensuite en ligne droit jusqu'à destination. En espérant que la route soit dégagée... mais l'idée de me battre un peu me plaît. Mike aussi semble piaffer d'impatience de retrouver nos vieux copains.

L'escouade d'Hanji s'élance et nous suivons peu après. Erwin est devant, Greta à mes côtés comme d'habitude, Mike et Steffen sur l'aile gauche. C'est agréable de galoper de nouveau hors des Murs. Et comme aucun ennemi ne nous tombe dessus, on oublierait presque qu'on se trouve en territoire ennemi. La chaleur de l'été est assez accablante mais le vent qui me fouette le visage me rafraîchit.

Nous parcourons ainsi quelques kilomètres, quand les premiers titans se pointent dans notre champ de vision. Nos ordres sont simples : n'attaquer qu'en dernier recours s'ils se rapprochent trop vite et que l'escouade d'Hanji ne peut pas les gérer. En clair, pour l'instant, on observe. J'ai jeté un oeil sur le nouvel équipement dont on dispose : des petites sphères transparentes remplies de liquide, ajustables sur les pistolets, de différentes tailles avec des chiffres marqués dessus correspondant aux gabarits. J'espère vraiment que la bigleuse s'est pas trompée dans les dosages, sinon tout ceci se terminera très vite...

On atteint une zone parsemée de bouquets d'arbres. Les titans se promènent sans nous apercevoir. Nous sommes peut-être trop peu nombreux pour les attirer... J'ai parlé trop vite, en voilà un qui se ramène. On ne dirait pas un déviant, il a juste senti notre odeur appétissante... On garde le cap et Hanji, en tête, se prépare à donner l'ordre de tir. Ils se sont entraînés dur pour réussir à balancer ces nouveaux joujoux dans les gueules ouvertes des titans. C'est une question de timing et de patience...

Le titan se précipite sur Hanji, bras en avant. Elle fait une embardée et le titan trébuche une fois. Sa bouche s'ouvre pendant la chute et Moblit lui envoie une bombe avec le pistolet. Elle atterrit dans sa gorge et à partir de ce moment nous comptons les minutes. Moins de trois, elle a dit. Nous dépassons le monstre en train de se relever, et quand je me retourne pour constater le résultat, je le découvre de nouveau affalé, ne présentant plus aucun danger immédiat.

J'entends Hanji hurler de joie devant. Perds pas ta concentration, la dingue, y a d'autres casse-pieds qui se ramènent ! Si on a affaire à des déviants, pas sûr que ce soit si simple ! Et ceux-là m'ont l'air vachement pressés de nous becqueter ! Ils se rapprochent très vite, trop peut-être pour qu'ils puissent les gérer. Je prépare mes lames et attend qu'Erwin me donne l'ordre d'intervenir... mais il ne le fait pas. Il semble faire confiance à la stratégie de la dingue. Ok, voyons. Mais si ça barde, j'irais quand même.

Trois bombes jaillissent ensemble dans les airs, deux retombent dans les gosiers de nos assaillants ; ça leur apprendra à courir la bouche ouverte. La troisième se perd. Le dernier titan s'est écarté de sa trajectoire initiale et fonce de nouveau sur nous, je vois Hanji charger très vite un nouveau tir, mais je sens qu'elle va pas être assez rapide. Erwin, donne l'ordre, je m'en occupe !

Mais c'est lui qui se rue à l'assaut. En même temps qu'il s'élance de sa monture, il fait le signe de décollage à l'aile droite. Il va s'occuper de ses jambes, et moi de sa nuque. Greta comprend et reste sagement à sa place. Erwin était plus près de la cible et il veut gagner du temps, c'est bien joué. Il est déjà en train de tourner autour des genoux du titan quand je m'élance à mon tour. Je file à côté d'Hanji en lui gueulant qu'on va s'en charger et qu'elle ferait mieux d'avancer pour endormir les prochains.

L'équipe d'Hanji s'éloigne et le reste de notre escouade reste en soutien en tournant autour du titan - ce qui a le don de les déboussoler en général. Erwin parvient à sectionner les chevilles de l'ennemi tout en évitant de justesse ses mains, et je prends le relai. J'agrippe son épaule avec mon câble tandis qu'il s'affaisse sur lui-même et se retrouve à genoux. Sa chute me catapulte en l'air et j'utilise la force de traction pour me propulser vers le bas. On doit économiser le gaz alors je m'en tiens au strict minimum. une coupe rapide, précise, nette, et c'est fini. Je dois dire que ça fait du bien de se remettre au boulot ! Erwin et moi rejoignons l'escouade et nous reprenons la formation.

Hanji est partie devant mais est toujours dans notre champ de vision. Je distingue quelques titans endormis sur les côtés, signe que leur stratégie fonctionne bien. Mais il faut vite les rejoindre avant qu'un autre déviant fasse des siennes. Nous sommes encore loin de notre but - que nous devrions atteindre en fin d'après-midi normalement - mais si ça continue à ce rythme, on devrait s'en sortir.

Nous arpentons maintenant un nouveau terrain plus rocailleux, sans ennemi en vue. On se paie même le luxe de ralentir l'allure, afin de ménager nos montures. Même si elles sont entraînées pour supporter un galop rapide sur la durée, autant ne pas pousser.

Le fait de ne pas avoir de chariot à défendre est appréciable, on se sent plus libres de nos mouvements, moins inquiets. Même Greta qui se faisait du mouron là-dessus semble confiante. En attendant la prochaine vague d'ennemis, Erwin s'assure que nous avançons toujours dans la bonne direction. Il a le chic pour consulter des cartes à dos de cheval tout en repérant des détails géographiques spécifiques. Il crie à Hanji que nous avons dévié un peu et que notre destination se trouve plus sur notre gauche ; si on continue comme ça, on va croiser le flux de titans venant du sud. Hanji rectifie la trajectoire et nous reprenons notre course comme prévu vers la carrière.

Espérons qu'il y ait quelque chose d'intéressant là-bas, ça me mettrait de travers si ce déploiement d'ingéniosité et de travail d'équipe ne donnait rien.