UN TEMPS DE PAIX(novembre 844)Greta Elfriede

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Ce sont les derniers moments de l'année que je passe avec mes compagnons

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Ce sont les derniers moments de l'année que je passe avec mes compagnons. Je me sens un peu triste de ne pas passer Yule avec eux... Même si je vais revoir Steffen, tous les autres -Livaï, Mike et Erwin - vont rester ici, isolés dans cette forteresse qui paraîtra bien vide et froide une fois que les explorateurs l'auront quittée.

J'ai beau savoir qu'il n'y a pas à s'inquiéter, c'est toujours la même émotion, le même sentiment d'abandon, de désertion. Alors pour briser le sort, je fais et refais des inspections afin de m'assurer qu'il y a assez de nourriture pour la douzaine de personnes qui restera. Cela doit être mon... cinquième passage depuis quelques jours. Je pénètre dans la réserve de la cambuse et encore une fois, l'odeur forte de la levure me prend la gorge. Je regarde les rangées de volailles et de gibier saupoudrés de cette poudre rouge qui permet de les conserver sur une très longue durée ; les huches remplies de pain qui s'épuiseront sans doute vite ; les conserves de fruits secs, de graines, de légumes ; les sacs de féculents, indispensables pour garder la forme, de farine pour refaire du pain sur place ; les caisses qui dégueulent de fruits de la saison précédente... Il y en a bien assez, ils ne manqueront de rien. Et puis ils pourront toujours se rendre en ville si le temps le permet.

Il y a aussi un certain nombre de boîtes de thé - surtout du vert, le moins cher, mais aussi du noir - et de café, des caisses de vin militaire, mais aussi du plus raffiné. L'eau n'est pas un problème, le domaine regorge de puits, il faudra seulement faire en sorte qu'ils ne gèlent pas trop en les recouvrant.

Je m'étire, satisfaite de constater pour le énième fois que tout est en place et que je peux partir tranquille.

Nous serons rentrés dans nos familles d'ici la fin de la semaine. Les masseurs professionnels devraient passer d'ici là, et j'irais en profiter. Les autres iront aussi sans doute. Ce sera le moment de tous nous retrouver une dernière fois avant la séparation. Ensuite, je pourrais me prélasser dans les bains de Yarckel pendant tout l'hiver. La vie civile a ses luxes dont il serait stupide de ne pas profiter...

Mike et Livaï vont aussi déménager dans la forteresse pour la saison. Elle est mieux isolée et chauffée, en hiver les baraquements sont vraiment inconfortables. Mike en a l'habitude mais c'est une première pour Livaï. Je me demande quelle chambre on va lui attribuer. Comme le major s'éloigne aussi de la forteresse cette année, c'est Erwin qui le remplacera ici donc ce sera à lui de décider.

Mon ultime inspection terminée - je n'y reviendrais plus, promis -, je retrouve Livaï à l'entrée des dortoirs des hommes. Il est en train d'étendre les draps à l'extérieur sur une corde, la bouche pleine de pinces à linge. Même s'il n'est pas censé revenir y dormir sur le long terme, je sais qu'il fera son lit au carré et chassera toute trace de poussière avant de s'en aller. Mike surgit à son tour, un énorme panier de linge dans les bras, grommelant que Livaï est un vrai tyran domestique et qu'il risque de ne plus pouvoir le supporter longtemps. Livaï lui répond, la bouche encombrée, que bientôt ils auront chacun leur chambre et qu'il sera libre de vivre dans un bordel dégueulasse si ça lui chante, mais qu'ici, dans le baraquement commun, c'est lui qui fait les règles. Mike ne moufte même pas. Ha ha, ça promet de pas être triste !

Dis, Livaï, tu promets de bien t'occuper de mes deux chevaux, d'accord ? Il hoche la tête en restant concentré sur la dernière pince à placer, et se détourne en se frottant les mains, satisfait de son oeuvre. Il enlève le foulard de sa tête - signe que le ménage a déjà été fait - et me demande s'il aura le droit de choisir où dormir. Je réponds que je ne pense pas, car certaines parties de la forteresse sont aussi condamnées pour l'hiver parce qu'on ne peut pas les chauffer convenablement. Qu'il ne s'inquiète pas, Erwin lui en dégotera une très bien, j'en suis sûre !

Je suis venue vous aider à emballer vos affaires. Oui, je sais, c'est un peu tôt, mais le moment approche, et je veux encore me rendre utile ! Steffen me crie depuis le baraquement que j'ai juste envie de mater leurs sous-vêtements, et que c'est pour ça que je suis si serviable. Mais n'importe quoi ! Comme si je vous avais jamais vus en slip ! Et bien plus souvent que j'aurais voulu ! Arrêtez de vous croire irrésistibles, et laissez-moi faire ! Mike murmure qu'il a surtout hâte que les masseurs arrivent, parce que Steffen et Livaï se débrouillent bien mais ont de trop petites mains pour être efficaces. Steffen se met à râler et Livaï renifle sans rien dire.

On ira tous ensemble, avec Erwin ! On le tirera de force de son travail ennuyeux pour prendre du bon temps avec nous.

Nous nous dirigeons tous ensemble vers le bâtiment administratif afin de proposer tout ça au chef. C'est comme ça que j'aimerais toujours me souvenir de nous...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now