Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]

LES BAMBOUS D'ACIER(septembre 844)Mike Zacharias

Nous entrons enfin dans Trost en fin d'après-midi. Le voyage fut long et pas très confortable, entassés comme nous l'étions dans la diligence. Pas fâché de sortir... J'irais bien manger un bout dans un resto, même une gargote ferait l'affaire.

Je sors de la diligence et m'étire avec bonheur. Nous irons sans doute dormir au QGR ce soir. En attendant, nous aurons sans doute quartier libre. L'air est plus sain ici, et je dois bien dire que cette expérience n'a pas été très agréable pour moi, malgré les arguments de Steffen. Intéressante, mais nauséabonde... Livaï doit penser la même chose, mais lui c'est la saleté qui a dû le gêner. En même temps, nous l'avons cherché, nous ne tenions pas à laisser Erwin se rendre seul dans cet endroit. Il n'était pas si malfamé que je l'avais crains. Mais je ne me vois pas y vivre.

Steffen et Livaï ont acheté tout un tas de babioles inutiles qu'ils ont dénichées dans les échoppes du quartier résidentiel. Steffen surtout ; il a ramené des joujoux, des bijoux bon marché, tout ça pour sa famille. Livaï a jeté son dévolu sur une brosse à dents dernier cri, avec un genre de mécanisme qui la fait bouger toute seule. Je mettrais jamais ce truc dans la bouche si j'étais lui... Je me contenterai de mes bons vieux cure-dents, ça fait le boulot.

Erwin est resté assez évasif sur le chemin du retour. Son entretien avec Maja a dû porter ses fruits car il paraissait satisfait. On va l'entraîner dans un café et il nous en dira peut-être plus. Y en a justement un par là, que je connais ; j'avais même pensé à y emmener Nanaba...

On s'y installe tous les quatre et au moment de la commande, Livaï demande s'il y a du thé. La serveuse s'excuse platement en répondant que non, et le nain se renfrogne un peu. Mais il décide de se rabattre sur le cidre et finit par se détendre. Tandis que nous sirotons nos boissons, j'essaie de faire parler Erwin. Allez, dis-nous un peu : on doit s'attendre à un refus ou bien c'est une affaire qui marche ? Me dis pas qu'on a fait tout ce chemin pour rien...

Il répond à voix basse que Maja a accepté oralement de nous octroyer un rabais exceptionnel pour les prochaines livraisons si on accepte de faire un peu de minage pour lui. Pour lui seulement. Il ajoute qu'il a vu un nouveau type de bobine pour les câbles, et qu'il a même pu l'essayer. Apparemment, ça fonctionne, mais la formule peut être affinée. A terme, ça pourrait être tout bénéf pour le bataillon de disposer de ce matériel optimisé.

D'accord, mais... pour le minage, on fait comment ? Nan, parce que avec un seul chariot, ça risque d'être compliqué. On a déjà la réappro à transporter... Evidemment Erwin y a déjà pensé. Il faudrait en amener plus. Je manque de m'étouffer dans mon café. Tu sais bien que c'est pas faisable ! Ca a déjà été tenté ! Protéger plus d'un chariot est très compliqué. Il me répond que oui, mais que si le bataillon tout entier participe à l'expédition, on devrait pouvoir diviser les forces pour couvrir plus de chargement.

J'aime pas quand il sourit comme ça, ça veut toujours dire qu'il prépare un coup d'éclat... ou qu'il se prépare à nous précipiter dans les ennuis. J'ai l'habitude depuis le temps, mais le major risque de pas accepter. S'il le fait, je serais vraiment étonné. Shadis est pas au mieux de sa forme ces temps-ci, c'est Erwin qui se charge un peu de tout à sa place. Il pourrait céder... Je suis prêt à suivre si Erwin est vraiment sûr de lui. Notre fine équipe va reprendre du service.

Livaï s'avachit sur la banquette et soupire que ça va encore être pour sa pomme et qu'il se chargera de faire leur fête aux titans qui voudront nous bouffer. Eh là, ne crois pas que tu seras le seul à t'illustrer ! T'as intérêt à m'en laisser ! T'inquiète, Erwin, on les ramènera, tes cailloux ! Mais je suppose que c'est juste une étape, et que notre but sera de pousser plus loin. Au-delà de cette mine, nous ignorons ce qui se trouve ; un village peut-être, un bourg, ou un simple bâtiment. Les carrières sont rarement éloignées des lieux d'habitations. On pourrait se trouver un repaire encore plus avancé dans les terres inconnues, ce serait un autre grand pas pour l'humanité !

Livaï et moi, on veillera sur le bataillon ; car si ça se passe mal, c'est tout le régiment qui pourrait disparaître... Mais on en est pas encore là. Ca ne se fera pas dans l'immédiat. Il y a les recrues à former correctement, le matériel à réceptionner et vérifier, les vivres à entreposer.

Et plus que tout, l'autorisation du généralissime, lui-même soumis aux décisions des députés. On est pas encore partis...