CE QUE L'ETAT NOUS CACHE...(juillet 844)Nile Dork

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Pixis est bien joyeux

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Pixis est bien joyeux. Après quelques verres dans le nez, il lui arrive de se laisser aller. Shadis n'est guère plus frais ; je suppose que se souler lui permet d'oublier un peu tous ses tracas.

Je ne suis pas ici de gaieté de coeur. Si le bataillon nous apportait de véritables résultats positifs, j'en serais pas là. C'est moi qui ai le rôle du méchant à chaque fois... C'est moi qui doit m'assurer que le budget alloué au bataillon est utile jusqu'au dernier sou, et juger si tout cela doit être revu à la baisse. Ca m'embête, c'est pas à moi de faire ces trucs-là. Pixis a une tendresse particulière pour les explorateurs, il leur fera jamais de reproche ; et puis, contrairement à moi, il en a déjà fait partie, donc il connaît la chanson...

Shadis lâche un rot, les joues empourprées, mais Erwin reste digne, comme toujours. Il semble impossible de le rendre ivre. Il l'emportait toujours en concours de beuverie du temps des brigades. C'est à peine s'il transpire... Pourtant, ce vin de Krolva, c'est du lourd ! Je me sens un peu parti...

Keith reprend un peu ses esprits et me demande solennellement s'ils ont une chance de repartir en expédition avant la fin de l'année. Je lui réponds qu'elles se sont pas mal enchaînées ces derniers temps, grâce à leur travail de démarchage. Mais il y a peu de chance que l'Etat finance une autre expédition de sitôt... A moins qu'Erwin n'arrive à tirer le gros lot niveau donations. Je sais que c'est lui qui gère ça.

Je le regarde à la dérobée. Il n'apprécie pas particulièrement de frayer avec les grands de ce monde, il n'a jamais été un aristocrate. Mais il est prêt à pas mal de sacrifices pour le bataillon, et il donne de sa personne. Shadis baille en s'enfonçant dans sa chaise et confirme que sans Erwin, le bataillon serait dans la merde. Je saisis le soupçon d'énervement dans sa voix ; ce n'est pas dû au vin...

Je fais remarquer à Shadis qu'il devrait lui aussi honorer quelques soirées mondaines de sa présence, au lieu de tout refiler à Erwin. Il me répond qu'Erwin sait y faire, et que c'est pas tout son rayon. Et que si les gens finissent par penser que c'est lui le major du bataillon, et bien, pourquoi pas... Les langues se délient... Shadis envisage de laisser tomber ? Ou bien il est réellement saoul ?

Erwin coupe son supérieur pour affirmer que le bataillon ne peut se restreindre à des questions d'argent ; que sa mission est trop importante pour que des préoccupations si terre à terre continuent de l'entraver. Que tant que les secrets et les mystères entourant les titans n'auront pas été découverts, les expéditions continueront, quoi qu'il en coûte, qu'il s'agisse d'argent ou de vies humaines. Et bien, tu dis ça avec une telle assurance...

Il est clair que son discours est celui d'un chef. Je l'ai déjà entendu maintes fois... et même davantage. Je sais quel est son but. Il regarde tous les laquais du gouvernement comme de potentiels traîtres prêts à le vendre au moindre mot de trop... Me voit-il comme ça, moi aussi ? Si j'avais voulu dénoncer ses théories hérétiques, je l'aurais fait dès mon intégration dans les brigades spéciales. Malgré mon statut, j'estime que chacun a le droit de penser ce qu'il veut. Tant que cela ne trouble pas la paix sociale... et les intérêts d'Erwin ont toujours convergé avec ceux du bataillon. Donc que puis-je dire à Erwin ?

Que le gouvernement cache lui aussi des secrets inavouables sur le passé, et les raisons de notre situation ? Qu'il sait à propos des titans des choses jamais dites officiellement ? Ca ne serait pas nouveau pour lui, ces convictions sont les siennes depuis longtemps. Mais que sais-je de tout cela ? Je ne suis qu'un fonctionnaire soumis comme lui aux ordres venant d'en haut. Je dois mon allégeance au roi et jusqu'à ce que j'ai une bonne raison de m'en détourner, cela restera mon travail.

J'ai une famille à charge, Erwin. Alors, ta croisade, tu la mèneras sans moi. Essaie juste de pas en faire trop, ça me ferait mal de devoir t'arrêter un jour... Quant au fameux Livaï, c'est ton affaire maintenant. Mais s'il te pose problème un jour, il ira au trou, crois-moi.

Je me lève de table - Pixis est déjà en train de ronfler de contentement - et Erwin m'accompagne à la porte. Il l'ouvre et derrière, adossé au mur d'en face, se tient Livaï, les bras croisés et une jambe repliée, visiblement en attente. Erwin ne semble pas surpris de le voir. Mais moi, il me met mal à l'aise. Erwin a beau dire, il a vraiment l'air d'un truand, et la lumière des torches le rend encore plus patibulaire...

Je garde contenance, tout en ne pouvant m'empêcher de me dire qu'il écoutait notre conversation...

Erwin me précède dans le couloir jusqu'à ma chambre. Avant de me détourner de Livaï pour le suivre, celui-ci fait un curieux geste. Il indique ses yeux de ses deux doigts puis les pointe sur moi ! J'y crois pas, c'est une menace ?! Qu'est-ce qu'il veut dire par là ?! Je recule en transpirant et en appelant Erwin pour qu'il m'attende. Je me garde bien de faire allusion à ce qui vient de se passer, mais... par sainte Rose, c'est comme s'il avait pu lire dans mes pensées !

Erwin, apprends à ton roquet à bien se tenir devant ses supérieurs ! Ce genre de chose n'est pas tolérable ! C'est ce que j'ai envie de lui crier, mais je ravale mon indignation...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now