UN CHOIX SANS REGRET(juillet 845)Heiner Jorg, soldat de la garnison

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Le commandant Pixis nous a donné de nouvelles affectations ce matin, et mon boulot consiste à coordonner le ravitaillement en gaz

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Le commandant Pixis nous a donné de nouvelles affectations ce matin, et mon boulot consiste à coordonner le ravitaillement en gaz. Les gars transportent des bonbonnes pleines jusqu'aux entrepôts et je dois faire en sorte que personne ne s'engueule ou se rentre dedans. Difficile quand on culbute un explorateur pratiquement à chaque coin de couloir !

Ils se sont rassemblés autour des réserves et font le plein avant de partir pour leur entraînement, à l'extérieur de la ville. Ils se sont pas reposés longtemps... J'ai entendu dire que c'était pour pas perdre la main en cas d'attaque. Ils aiment surtout parader en ville avec tout leur barda. Ils ont beau pas être nombreux, on ne voit qu'eux par ici. Et le généralissime les a à la bonne on dirait.

J'essaie de me faire tout petit pour éviter de tomber sur des visages connus... Mais ils sont toujours si occupés, la tête dans des papiers ou en train de discuter de stratégie, ils font à peine attention aux autres. Y a l'autre, la scientifique, elle, on l'entend arriver de loin, elle sait pas se taire deux minutes d'affilée. Je crains surtout le petit teigneux, Livaï. J'ai appris dans le journal qu'il avait survécu. Je sais pas ce qu'il est advenu de la fille mais ils doivent pas me porter dans leur coeur ; autant éviter les ennuis.

Je vois arriver une jeune femme en uniforme croulant presque sous le poids de son chargement ; ses jambes flageolent dans tous les sens et elle me semble sur le point de s'écrouler. Elle m'a l'air d'une petite nouvelle, ses bottes sont toutes neuves. Et bien, soldat, du nerfs ! Donne-moi ça, tu vas tout faire tomber ! J'attrape une bonbonne avant qu'elle ne se fracasse par terre, et la fille se met à souffler bruyamment. T'as pas fini, petite ! Il t'en reste à aller chercher. Si c'est trop dur, il faut faire un autre métier !

Elle me salue - je ne suis même pas son supérieur - et file dans le couloir chercher d'autres bouteilles de gaz. J'amène celles-ci dans l'entrepôt éclairé par des torches et les aligne contre le mur avec les autres. D'autres soldats manipulent le monte-charge afin de faire descendre des provisions de toutes sortes, et il se plaque contre le sol avec un bruit sourd.

Je me mets à compter les minutes ; est-ce qu'il me reste encore du temps pour les aider ou pas ? Non, je crois pas, j'ai fini mon service. J'en ai bien assez fait et puis je suis attendu. J'ai donné rendez-vous à Leonore ; elle doit patienter devant le QGR avec la petite. Je me frotte les mains sur mon pantalon - qui se couvre instantanément de traces noires - et je tourne les talons sans demander mon reste.

Je continue de raser les murs jusqu'à la sortie, et fait en sorte d'éviter les vestes marquées des ailes de la liberté. Pas facile, il y'en a un peu partout et je dois prendre des chemins détournés. Ce sera pire quand ils auront refait leurs rangs. Ce serait bien s'ils se barraient d'ici... Ils peuvent bien se trouver un autre quartier général ailleurs, non ?!

Je débouche dans la vaste cour carrée, en plein soleil, et je m'étire un moment, pas fâché d'être sorti de ce bâtiment trop bondé à mon goût. J'ai juste à traverser cet espace et je serais libre pour la soirée. J'avance à grandes enjambées, bien heureux à l'idée de retrouver Leonore et ma petite fille. On est pas encore mariés mais je compte bien faire ma demande bientôt, en espérant que sa famille aura de meilleurs sentiments à mon égard. C'est pas très bien vu de faire un gosse à une femme qu'on a pas épousée... Mon salaire de soldat ne suffira peut-être pas mais Leonore pourra peut-être trouver un petit boulot quand la petite aura grandi...

J'en suis là de mes pensées quand je stoppe net. Juste à l'entrée, sous l'arche qui mène à l'extérieur, j'aperçois deux silhouettes familières. Le plus grand, c'est celui qui a le grand nez et les cheveux dans les yeux ; l'autre, c'est Livaï. Ils semblent engagés dans une discussion animée, mais si je passe à côté d'eux, ils vont me voir, ils sont dans le passage ; les gens font des détours pour les éviter. Merde ! Manquait plus que ça ! Le teigneux va me repérer, c'est sûr ! Je cherche une autre issue des yeux, mais je sais qu'il y en a pas. Et puis Léonore est de ce côté, elle m'attend ! Bon sang, il faut que je passe sans me faire voir.

J'avise un grand brigadier à la stature imposante qui se dirige vers la sortie. Allez, mon vieux, on va s'en servir ! Je me glisse à ses côtés l'air de rien et quand il arrive à la hauteur des deux explorateurs, j'essaie de me caser entre lui et le mur afin de passer incognito. Mais on passe pas à deux ! Il joue des coudes pour me faire dégager, grogne et me balance presque dans les bras de Livaï qui m'attrape sans le vouloir et se met à me dévisager.

Ca pouvait pas être pire...

Il réagit au quart de tour. Il me reconnaît, resserre sa prise sur mon bras et me fusille de son regard de tueur. L'autre comprend pas et je secoue ma manche pour qu'il me lâche. Rien à faire, ce nain démoniaque reste agrippé à ma veste ! Rien à foutre, garde-la si tu veux ! Je l'enlève prestement et m'enfuis en direction des faubourgs. Je sais qu'il est sur mes talons, je l'entends me traiter de tous les noms dans mon dos. "Enfoiré", "salaud", "fils de..." Non, celui-là, t'as pas intérêt !

J'arrive en soufflant à l'angle de la rue et j'aperçois Leonore qui court vers moi avec notre fille dans les bras. J'ai à peine le temps de me redresser que le teigneux est sur moi. Il me flanque un coup de pied dans le dos et je vais m'étaler contre la façade d'une maison. Un truc craque dans mon nez, et je m'attend à pisser le sang mais rien ne vient. Il me redresse et me plaque contre la pierre en me fourrant son poing sous le nez.

C'est alors que Leonore se met à crier. Ce qui a pour effet d'immobiliser mon assaillant. Ce cri de femme lui fait un effet inattendu. Il me lâche et se tourne vers Leonore, qui a caché les yeux de la petite afin qu'elle ne me voie pas me faire tabasser. Mais je l'entends sangloter... Je m'écroule de nouveau par terre, mais je me relève vite. Les touche pas, elles t'ont rien fait, elles !

Son regard s'est totalement transformé, il semble choqué et indécis sur ce qu'il veut faire. Je me mets entre eux et lève les mains vers lui. Tu croyais que je te mentais quand je disais que j'avais une famille ? Tu sais que non, maintenant ! Tu veux me casser la gueule ? Si tu y tiens, alors fais-le à la loyale au moins, et pas devant elles !

J'agite mes poings serrés devant lui mais il ne réplique pas. Il semble hypnotisé par Leonore et ma fille. Le grand blond apparaît juste derrière lui et demande ce qui se passe. Leonore lui dit que ce soldat m'a agressé mais bien évidemment, il va pas arrêter son camarade.

Seuls Livaï et moi savons ce qui se passe réellement. Et j'en déduis alors que la fille est morte. Sinon il s'en prendrait pas à moi comme ça. Enfin, qui sait...

Il détourne le visage et rétorque que c'est rien du tout, qu'il m'a pris pour quelqu'un d'autres et qu'il s'excuse. La vache, j'ai bien entendu ?! Il tourne les talons et s'éloigne d'un pas énervé, rapide, décidé à mettre le plus de distance possible entre lui et moi. C'est ça, te retourne pas ! T'as pas à t'en prendre à moi, bordel ! J'y suis pour rien, c'est elle qui... !

Je... je suis désolé, d'accord ?...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now