Chapitre 14

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Les quelques minutes qui suivirent cette prise de parole se déroulèrent dans une atmosphère feutrée, les dames discutaient avec grâce et les groupes se formèrent peu à peu. Une douce musique s'éleva et la piste de danse fut bientôt remplie de couples amateurs, mais qui, curieusement, attendaient un certain signal avant de commencer.

Ce fut Dame de Caprisan qui ouvrit le bal, au bras d'un homme dont le masque comportait plusieurs plumes d'un noir ébène qui couvraient la partie supérieure de son visage.

Je fus rejointe par un jeune homme dont le masque bleu saphir laissait voir au grand jour deux yeux bleus que je connaissais parfaitement. Cependant, je restai sceptique, mais ce fut un sourire de sa part qui furent s'envoler toutes mes craintes. Je ne pouvais pas être plus sure de lui. Un sourire fendit mon visage, alors que, malgré moi, je jubilais intérieurement.

Aidan s'inclina alors légèrement vers moi, une main sur le cœur et l'autre tendue vers moi. Cette formalité m'arracha un petit rire.

– M'accorderiez-vous cette danse, ma gente demoiselle ? Dit-il en me faisant un clin d'œil.

Mon cœur bondit dans ma poitrine et je crus que les battements de ce dernier résonnaient dans l'immense salle tant ils étaient forts. Oubliant toutes bonnes manières, je pris sa main, incapable de prononcer mot.

Je sentis mon visage virer au rouge pivoine alors qu'il m'entraina gentiment vers le milieu de la salle ou les couples s'apprêtaient à danser. La musique s'éleva dans les airs, un air de valse, une musique que j'avais rarement pris le temps d'écouter sur terre. Sa main vint se poser légèrement sur ma taille tandis que l'autre agrippait la mienne.

Instinctivement, ma main libre vint se poser sur son épaule alors qu'il m'entrainait avec lui dans un autre monde. Nous tournoyions comme dans un rêve, grisés par le bonheur, seuls, lui et moi. La musique et le reste des invités avaient disparus, nous dansions à présent sur un air connu de nous seuls. Du moins, on essayait, car je peinais toujours à suivre le rythme, sous le regard amusé d'Aidan.

– Tu n'as jamais dansé de valse ? demanda-t-il.

– Non, pas depuis que je suis sur terre. Et même si je l'avais fait ici par le passé, je ne m'en souviendrais surement pas.

– Moi, je m'en souviens. Tu étais une excellente danseuse. Tu prenais toujours plaisir à venir me déranger pendant mes heures d'études pour danser. Et j'avoue que j'appréciais autant le fait de te regarder.

Il se mit à me narrer les longs après-midi qu'on passait ensemble, et la manie que j'avais de toujours détourner son attention sur quelque chose de beaucoup moins important que ses entrainements. A force de réfléchir, je finis par ne voir que du brouillard. Brouillard qui se dissipa quelque temps plus tard pour me plonger au cœur de mon passé oublié...

Que fais-tu ? dis-je.

Je travaille, Kathleen, je travaille...

Je m'approchai de lui. Il était effectivement absorbé dans quelques formules auxquelles je ne comprenais que le strict minimum. Cela faisait plus de cinq heures qu'il était terré dans son antre, à expérimenter je-ne-sais quel sortilèges. Il était fatigué, mais refusait obstinément de l'admettre. J'avais trouvé le moyen de l'obliger à prendre une courte pause, c'était pour son bien, même s'il n'appréciait pas toujours que je lui fasse perdre son précieux temps.

Je voudrais te montrer quelque chose. Fis-je.

Je n'en ai pas le temps, Katy.

S'il te plait...

Il s'avoua vaincu en levant les mains en l'air, luttant contre l'envie de sourire. Je mis de la musique, et me lançai dans une de ces danses libres qu'appréciait secrètement ma génitrice. Les convenances de la société ne me donneraient surement pas le droit de danser de la sorte, mais à l'abri des regards, j'affectionnais particulièrement le fait de pouvoir me mouvoir au rythme d'une musique fluide et différente de celle de la valse, sans chaussures inconfortables ni robes encombrantes...

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