Chapitre 5

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Assise seule dans la chambre qu'on m'avait assignée, je contemplais le magnifique spectacle du soleil dansant devant moi. Je n'arrivais toujours pas à croire que j'avais bel et bien voyagé d'une dimension à une autre. D'ailleurs, je n'étais même pas au courant de l'existence d'autres dimensions. A vrai dire, je refusais simplement d'y croire.

A cause de cela, tant de changement avait opéré dans ma vie. Au lieu d'être dans ma chambre à San Francisco, je me retrouvais dans une autre qui n'avait aucun rapport avec l'ancienne. En effet, celle que j'occupais ce jour-là était trois fois plus vaste que celle que j'estimais déjà grande il y a quelques jours seulement. Les murs y étaient peints d'une teinture blanc cassé sur certaines parties, recouverts de tapisseries sur d'autres, qui lui donnaient un style plutôt raffiné, le sol était couvert d'une moquette gris clair faite d'un tissu incroyablement doux au toucher.

Une coiffeuse en bois de chêne blanc surmontée d'un miroir ovale se trouvait adossée à un mur en face du lit, près de laquelle gisait un fauteuil en velours. A l'autre bout de la pièce, un balcon, dont les barrières avaient été construites en plâtre moulé, offrait aux hôtes le loisir de profiter d'un bon bol d'air frais. C'était comme si j'avais été transportée vers une autre époque, une époque lointaine, passée, vers les débuts du 19eme siècle, tout en conservant la modernité actuelle.

Je me levai précipitamment, et me dirigeai vers l'armoire pour me changer, avant de descendre au hall d'entrée. À ma grande surprise, je trouvai Athéna assise sur l'un des fauteuils de la bibliothèque du manoir.

Du bruit retentit en haut, de la précipitation, des bâillements, la frénésie des domestiques, et une demi-heure plus tard, nous fûmes rejointes par nos hôtes de la veille. On nous proposa une promenade, histoire de découvrir les nouveaux horizons dans lesquels on avait atterri. Après un petit déjeuner dans une atmosphère des plus singulières, nous sortîmes du manoir tous les quatre.

Il n'était pas possible de faire une promenade ce jour-là. La chaleur torride de l'été avait arrêté le vent en pleine course. J'en étais heureuse, je n'avais jamais aimé les longues promenades par les froids après-midi d'hiver. Je redoutais le retour à la maison dans le crépuscule mordant, le cœur attristé par l'oppression qui s'infiltrait en vous dès les débuts de l'hiver.

Une fois dehors, ce fut à mon grand étonnement que je constatai que tout paraissait normal, à part quelques menus détails qu'on ne risquait absolument pas de retrouver sur terre. Des bâtiments immenses entièrement en cristal bordaient les allées sablées, reflétant au passage les rayons du soleil, en séparant d'autres, tellement qu'on avait l'impression de marcher en plein arc-en-ciel. On pouvait aussi distinguer plusieurs moyens de locomotion qui n'avaient strictement rien en rapport les uns avec les autres, entre des sortes de calèches d'une richesse extravagante et d'une modernité sans nom, et des charrettes pauvres et miteuses, on en voyait de toutes les couleurs. Mais ce qui attira le plus mon attention, fut la tête des passants qui m'apercevaient. Certains s'arrêtaient même en plein chemin pour me faire une révérence.

Selon mes piètres connaissances, j'étais considérée ici comme étant la sauveuse qui ferait disparaitre le Seigneur des Ombres en un coup de baguette magique, et ainsi, délivrer tout un peuple de l'emprise archaïque d'un souverain sans pitié ni scrupules. Seulement, comment tenir la promesse silencieuse d'une libération que je constituais pour tous ces gens, si moi-même je ne savais guère à qui je m'opposais.

Les accoutrements qu'arboraient les passants différaient considérablement de l'un à l'autre. Si certaines personnes étaient vêtues de robes ou de costumes élaborés et coûteux, datant d'une époque passée, d'autres quand à elles se contentaient d'habits normaux, venant de mon époque. Avec un peu de recul, j'arrivai à la conclusion hasardeuse que la façon de s'habiller devait en quelque sorte définir la classe sociale à laquelle on appartenait.

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