Je descendis du lit et suivis l'adolescent qui ouvrait déjà la porte de la petite pièce. Il attendit que je sorte pour la refermer derrière lui et me devancer pour me conduire vers un salon plus entretenu. Ce dernier gardait tout de même un aspect rustique. Au milieu trônait une petite table basse en bois clair ayant été rongée par les mites par endroits, recouverte par un napperon en dentelle blanche.
Le salon été vide, excepté la présence d'Asher, qui semblait se tourner les pouces en nous attendant. Lorsqu'il nous aperçut, il se redressa avant de s'exclamer:
– Enfin! Je commençais à m'inquiéter! Cela nécessitait-il tout ce temps ?
– Apparemment oui, répondit une voix qui ne m'était pas familière.
Je me retournai. Derrière moi se tenait une jeune fille singulière. Dès le premier regard que j'eus posé sur elle, j'eus à nouveau la sensation qu'être en sa compagnie allait lentement nous guider vers une damnation indubitable.
Elle était d'une beauté dénuée de charme, sans chaleur. Son visage repésentait le genre de perfections trompeuses qui attireraient n'importe quelle personne. Sa voix se voulait grave, contrairement à la mienne, basse, douce, et quelques fois fluette, mais qui savait se faire autoritaire le moment voulu. Elle était dépositrice de courbes prononcées, d'atouts généreux et d'une assurance à toute épreuve. De longs cheveux noirs venaient encadrer son visage carré, et ses yeux marron étaient extrêmement expressifs. Tout chez elle semblait constamment orchestré, calculé pour que l'attention générale soit uniquement portée sur sa personne.
Elle se saisit d'une chaise dans un coin, la tira jusqu'en face de nous, puis s'assit ensuite dessus. Elle nous ordonna de nous installer en lui faisant face. Elle se pencha vers nous:
– Bon, à présent pouvez-vous me dire comment vous en êtes arrivés là ?
Bien que je n'eusse du mal à l'admettre, elle m'inpressionnait autant qu'elle m'inspirait un étrange mal-être. Naturellement, je me méfiais d'elle. Je ne la connaissais pas encore, mais l'intuition concernant l'âme d'une personne que j'avais héritée de ma mère ne se trompait jamais. La première chose que je voyais en elle était la malice et l'hypocrisie. J'étais persuadée que c'était tout ce qui la caractérisait. Et autant je me méfiais d'ores et déjà d'elle, j'avais la certitude que le temps n'allait que me donner d'autres raison d'alimenter ma méfiance à son égard.
Je n'avais nullement l'intention de lui conter notre aventure. Face à mon mutisme, ce fut Aidan, à mon grand étonnement, qui s'attribua volontairement la tâche de lui faire le récit de tout ce qui s'était passé. Il n'avait rien omis, depuis mon arrivée calamiteuse à Libra Sincera jusqu'à aujourd'hui, en passant par la mort de Haley, sa mère, que j'avais tuée de mes propres mains.
– Eh bien, j'aurais dû me douter que dès ton arrivée, fit-elle, tout se bousculerait. Tu en as causés, des ravages.
Je ne répondis rien. Je le savais, et je n'avais nul besoin d'une personne pour me le rappeler. J'avais du sang sur les mains, j'en étais consciente et je portais ce fardeau chaque seconde de ma vie, mais j'étais également consciente que je n'étais pas la seule à avoir une part de sombre en soi. Tout le monde se battait chaque jour pour finir vainqueur d'une compétition qui déterminerait qui serait la meilleure à la cacher. Personne ne pouvait prétendre être une blanche colombe.
– J'aurais été surprise si, dans le cas échéant, tu étais arrivée saine et sauve. Ce que tu as fait était dépourvu de toute réflexion. Stupide et immature. Étrangement, cela correspond à ta façon d'être, dit-elle d'une voix suave.
– Tu me vois ravie d'avoir satisfait tes espérances, répondis-je avec un soupçon d'ironie.
– Jamais je n'oserais espérer qu'il t'arrive du mal, voyons, sussura-t-elle.

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MILLENIUM
FantasyC'était supposé être un été comme les autres. Un été où, à l'aube de ma rentrée à l'université, je me serais libérée de mes chaînes, et je me serais enfin permis de commettre le plus grand des impairs. Un été où j'aurais oublié mes souvenirs brûmeux...