J'étais troublée, et un silence effrayant s'était installé dans la pièce. Tout le monde attendait avec une impatience et une angoisse palpables. L'homme reprit difficilement son souffle en s'appuyant sur une chaise. Il s'y affala et une fille se leva précipitamment et revint, un verre d'eau entre les mains. Ce dernier but avec difficulté, puis s'essuya la bouche avec le coin de sa manche, avant de lâcher ces quelques mots qui résonnèrent dans le silence pesant comme un sinistre présage :
– Haley et ses sbires sont à proximité. J'ai surpris leur campement environs deux kilomètres plus loin. Ils sont beaucoup, presque autant que nous, et, elle...
Je déglutis en le fixant, les sourcils froncés.
– Elle ? Dit l'une des personnes présentes.
– Elle m'a chargé de te donner ceci. Elle paraissait très confiante.
Il me tendit un bout de papier froissé qu'il tenait fermement entre les doigts de sa main droite.
Dessus, il y avait, griffonnée, la promesse d'une guerre sombre et inévitable ; tout y était, l'heure l'endroit et le jour. Nous ne pouvions plus fuir ; nous n'avions plus le choix.La confusion régnait en maitresse des lieux. Malgré tous mes efforts pour paraitre forte et courageuse, le rythme endiablé de mon cœur résonnait dans mes oreilles sans relâche. Sans expérience, à seulement dix sept ans, j'étais maintenant dans l'obligation de mener une guerre contre une sorcière dont l'expérience dépassait de loin la mienne, et, pour la première fois depuis le jour où ma vie avait basculé, le doute me saisit.
Devant le miroir brisé des toilettes, j'étais en train d'enrouler mes poignets dans des bandes, mais j'avais suspendu brusquement mon geste. Je regardais devant moi le reflet d'une adolescente dont l'esprit était accaparé par un million de préoccupations importantes, une adolescente qui avait grandi trop vite, et dont l'existence menaçait de se terminer en une seule nuit. Je sentais sur mes épaules la responsabilité de toutes les personnes qui menaient cette guerre à mes côtés, je ressentais le besoin d'honorer ma génitrice, et j'avais peur pour l'avenir du monde, si jamais tous mes efforts finissaient par être vains, si jamais j'échouais...
Quelqu'un frappa à la porte, mais les coups me semblaient lointains, j'étais accaparée par des centaines de pensées négatives, et mes yeux s'étaient embués de larmes.
Aidan apparut sur le seuil de la porte, et aussitôt avait-il fait quelques pas qu'un murmure s'échappa de mes lèvres :
– J'ai peur.
Pour la première fois dans toute cette aventure, j'osais avouer ce que je ressentais au plus profond de moi, mais cela ne m'apaisa point, au contraire cela ne fit que confirmer mes soupçons, et à nouveau, je me sentis impuissante.
Il s'approcha de moi et me prit doucement dans ces bras. J'appuyai ma tête contre son torse, et me laissai aller quelques secondes à ce bonheur fugitif que je ressentais quand il était à proximité, puis il déposa un baiser chaste sur mon front. Seulement, cette allégresse ne dura que quelques secondes, car très vite Athéna entra dans la salle de bain, la mine préoccupée. La présence d'Aidan ne l'interpella guère.
– Prête ? Fit-elle.
Je hochai la tête en déglutissant. Ma meilleure amie était aussi résignée que moi, mais son regard trahissait une grande anxiété. Nous étions tous fébriles, mais personne n'osait clamer haut et fort que notre triomphe ne pendait qu'à un seul fil ; fil qui menaçait de briser.
Pour la première fois depuis un certain temps, le silence était complet, et durait depuis un long moment. En masse, nous avions entamé notre marche quelques minutes auparavant. Minutes qui semblaient durer une éternité. Je me soupçonnais moi-même de faire en sortes de ralentir la cadence, tant j'étais dans un état d'hyper-conscience.
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MILLENIUM
FantasíaC'était supposé être un été comme les autres. Un été où, à l'aube de ma rentrée à l'université, je me serais libérée de mes chaînes, et je me serais enfin permis de commettre le plus grand des impairs. Un été où j'aurais oublié mes souvenirs brûmeux...