Chapitre 21

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"Bien" serait un piètre mot pour décrire comment je me sentais.

Sauf preuve du contraire, tous les éléments étaient réunis pour que la soirée promette d'être inoubliable. La brise était néanmoins froide à mon goût. Mais ce n'était qu'un faible fait auquel je n'allais nullement permettre de gâcher cette soirée idyllique.

Par ailleurs, le froid faisait bien vite de disparaître lorsque j'étais en compagnie d'Aidan. La chaleur de notre étreinte m'enveloppait dans un doux cocon de sérénité qui me fit pousser un soupir de bien-être.

Il ne restait plus que quelques minutes avant que l'aube ne vienne nous baigner dans un halo de lumière orangée. Perchés sur la branche d'un châtaigner près de la falaise, nous attendions dans un silence serein l'apparition complète de l'astre du jour.

Les rayons du soleil à moitié émergé de l'inconnu se reflétaient sur quelques mèches des cheveux d'Aidan, leur conférant un aspect presque mythique.

Inhabituellement, ce dernier était crispé, et son regard, quoique perdu dans le vide, semblait préoccupé. En l'observant à son insu, je parvins à la conclusion hasardeuse qu'il y avait quelque chose qui le turlupinait.

Je me jetai à l'eau, incapable d'attendre:

– Aidan, quelque chose ne va pas?

Il se rendit brusquement compte de ma présence, se racla la gorge nerveusement, puis répondit, trop vite à mon goût pour que ses propos soient vrais:

– Non, tout va bien. Pourquoi cela n'irait pas? On a gagné, n'est-ce pas?

– Oui, j'imagine...

Je n'étais pas tout à fait sereine. C'était vrai, on avait gagné, mais à un tel prix...

Cela n'était pas encore fini. Une lutte sans relâche nous attendait toujours, et j'en étais découragée.

Aidan resserra sa prise sur moi et je posai ma tête sur son épaule.

– On gagnera encore, ne t'en fais pas, murmura-t-il.

Il déposa un chaste baiser sur ma joue, et je souris.

Mon sang charriait le feu des sentiments que j'éprouvais pour lui chaque jour dans mes veines, et à chaque fois, ils se manifestaient avec toujours plus d'intensité.

– C'est tout à fait ce qu'a dit Athéna, tout à l'heure, fis-je remarquer.

– Alors ton amie a raison.

Il m'embrassa et je lui rendis son baiser. Quand nous nous écartâmes, un sourire radieux fendait son visage angélique.

Il descendit de l'arbre et m'aida à faire de même. Nous nous promenâmes un peu, main dans la main, avant de nous diriger vers l'entrée du camp.

En réalité, la "Société" portait bien mal son nom, car, arrivés au milieu de la grande cour, ce fut le cuisinier, un poêle à frire brandi devant lui, qui nous accueillit aimablement en braillant avec hargne son mécontentement.

– J'en ai assez! Il est grand temps que l'on parte à la chasse de ces viles créatures voleuses de nourriture! Vous êtes bien une sorcière, alors parlez-leur! Faites-leur comprendre que j'ai besoin de mes légumes pour faire manger toute la tribu que vous êtes!

Je dus faire un grand effort pour ne pas éclater de rire. Le pauvre cuisinier, le visage rouge et les membres décharnés gesticulant de frustration, se trouvait planté devant nous. Il me toisa avec hargne et mépris avant de tourner les talons en marmonnant des insultes éttouffées.

Malheureusement, je n'allais pas pouvoir lui être d'une quelconque aide, ne parlant pas le language animal. J'avais beau comprendre plusieurs langues et dialectes, ce dernier ne faisait cependant pas partie de mon palmarès.

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