Chapitre 27

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J'étais dans une chambre. Dans ma chambre. Je me regardais. J'étais belle. Pour lui. Mes yeux brillaient. Mon coeur battait d'un mélange d'excitation et d'appréhension.

Avec empressement, je mis une cape en velours par dessus mes épaules, en rabattis le capuchon sur ma tête, puis m'éclipsai de la chambre avec discrétion.

Je descendis l'escalier à pas de loup, et fermai la porte de la demeure silencieusement. Mes pieds foulèrent le sentier du jardin des roses. Des roses noires qui serpentaient l'allée sablée.

Cette nuit-là, on avait eu droit à une belle pleine lune. Les rayons pâles de l'astre lunaire suffisaient pour éclairer mon chemin jusqu'à la clairière. Les ombres m'effrayaient légèrement: Samaël venait de se volatiliser. On ignorait ce qu'il manigançait. Ma mère disait devoir prendre des mesures drastiques.

J'entrevis la surface miroitante du lac à travers les arbres, et me mis à courir dans sa direction de toutes mes forces. Quand je fus sur place, j'aperçus une ombre allongée au bord du lac, comme à l'accoutummée.

Je m'approchai à pas de loup. Discrètement, je me penchai en avant, puis criai tout à coup afin de tenter de l'effrayer. Ce fut évidemment vain.

Aidan ne broncha pas. Au contraire. Il sourit puis entrouvrit un oeil :

Je t'avais vue venir.

Arrête un peu de prédire mes moindres plans, veux-tu? maugréai-je.

Je ne peux pas, répondit-il.

Et pourquoi donc ?

Parce que c'est drôle de te voir contrariée ainsi.

Son doux murmure se mourrut dans le vent léger. Je combattis un sourire qui menaçait de fendre mon visage, et m'accroupis pour m'asseoir à son niveau.

Aidan, allongé sur le dos à ma droite, tourna la tête vers moi, et me regarda, souriant. J'observai ses traits qui représentaient à un détail près la perfection.

Cela faisait des jours que je l'aimais. Que j'alimentais le brasier ardent brúlant pour lui dans mon coeur.

J'aimais, et je savais que je n'en avais nullement le droit. Mais je n'y pouvais rien. C'était un sentiment qui vous prenait au dépourvu, un sentiment que vous ne pouvez contrer, qu'importe les efforts fournis pour.

Sans me mentir, j'aimais ce sentiment. Il me réchauffait. Me faisait sentir inexplicablement euphorique, chassait mes mauvaises pensées.

J'avais trouvé en lui un confident. Et j'espérais trouver en lui un amant, je n'avais pas peur. J'irais aussi loin que notre merveilleuse relation nous conduirait.

Je reportai mon regard devant moi, réfléchissant. L'inquiétude de ma mère grandissait de jour en jour, la prophétie était en voie de réalisation. Elle disait vouloir suspendre le temps. Cela ne ferait que retarder une évidence.

Elle voulait que nous partions.

Seulement moi, je ne voulais pas. Je ne pouvais pas. Rien ne me reliait à ce monde. Je ne tenais pas particulièrement à mes souvenirs ici. Toute ma vie n'avait été rythmée que par de funestes évènements, à partir des étranges circonstances de la mort de mon père.

Elle voulait que j'oublie toute mon existence pour pouvoir me rappeler de l'essentiel le moment venu.

Mais je ne souhaitais pas cela. Je ne voulais pas oublier toute une vie.

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