Chapitre 28

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Il faisait jour dans le monde des Ombres, et pourtant, il n'y avait pas de soleil. Le ciel était d'un bleu sale, et à défaut d'être peuplé de nuages, il semblait tacheté de bout de terre en suspension au dessus de nos têtes.

Nous étions à présent dans une ruelle, de part et d'autre, des bâtiments gris métallisé la bordaient. Le sol était poussiéreux, les personnes présentes marchaient d'un pas pressé, la tête penchée en avant, les épaules voûtées, croulant sous un poids imaginaire. Le poids de l'emprise archaïque d'un souverain sans pitié.

Je lassai mes sens s'imprégner de mon nouvel environnement. Un sentiment lugubre m'envahit.
Quelque chose clochait.

Intérieurement, je savais que je jour où je trouverais la dimension où se cachait le Seigneur, je le sentirais jusqu'au plus profond de mon âme. Je sentirais son désespoir. Or je ne sentais rien.

Samaël n'était pas là.

Je ne sus décrire ma frustration face à cette constatation. Évidemment qu'il ne serait pas là, cela aurait été trop simple, sinon.

On entama notre marche d'un pas pressé, baissant la tête, se mouvant dans la foule tels des fantômes. Nous finîmes par atteindre le semblant de place publique. Les personnes agglomérées huaient ou semblaient encourager quelque chose.

Je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait être, mais je n'allais guère tarder à le savoir. Un homme à l'imposante carrure prit place sur l'estrade. Nous nous arrêtames au moment où sa voix tonna au dessus des murmures bruyants.

– Chers citoyens de Néméris, aujourd'hui, l'une de nous, une bien pathétique esclave, une personne de la basse société, a eu le malheur de refuser le droit de vendre son enfant à son maitre. Pour cela, elle sera punie de son affront, et cela en étant affublée de six coups de fouet publiquement.

Je ne pus décrire le choc que je ressentis face à sa déclaration. Asher et Aidan m'avaient prévenue, mais je ne pensais pas que cela irait si loin. À ma connaissance, l'esclavage avait été aboli il y a des décennies, et ce genre de punitions barbares n'étaient plus de ce monde.
N'étaient plus de mon monde.

– Pas de réactions au quart de tour, Katy, me prévint Aidan.

Désespérée, je jetai un regard en direction de la pauvre femme qui allait être publiquement torturée. Bien que la raison m'eut poussée à ne point agir stupidement, je devais trouver un moyen pour éviter que cela ne se produise.

– Qu'attends-tu? me pressa Asher, on n'a pas toute la journée. Il reste à trouver où passer la nuit avant d'entamer les recherches !

Je l'ignorai, et m'éloignai des deux garçons, le cerveau tournant à plein régime. Je n'avais pas le choix, si je voulais éviter à cette femme de se faire lacérer la peau, j'allais devoir utiliser mes pouvoirs.

Derrière l'estrade, il y avait deux grands poteaux en bois qui soutenaient un curieux système de poulies. Une corde pendait à chacune des extrémités des deux poulies. Une petite lumière s'alluma dans mon esprit. Je venais d'avoir une idée brillantissime. Je souris.

– Katy, ce sourire m'inquiète, déclara Aidan, qui était revenu vers moi à grands pas.

– Fais-moi confiance, dis-je.

Je fixai la corde avec concentration, bougeant discrètement mes doigts graciles sous ma cape. Elle descendit lentement, très lentement, et alla s'enrouler autour du pied gauche du tortionnaire avec grâce, sous l'effet de mon enchantement.

Je formai un nœud avec la corde autour de sa cheville. Il ne s'aperçut de rien. L'homme leva le bras, préparant son coup. Je plissai les yeux de concentration.

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