Chapter 3

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Média : Rafael


Je me contorsionne au-dessus de ma sœur pour atteindre mon portable sur sa table de chevet sans la réveiller. Elle remue légèrement mais rien de plus. Je me relève alors, réajuste la couverture sur elle et quitte sa chambre. Hier c'est tout naturellement que je l'ai rejoint dans celle-ci pour passer la nuit, plutôt que seul dans mon lit. Je pense qu'elle comme moi nous en avions besoin. Et dire que bientôt on va venir retourner notre petit équilibre...

Alors ce matin plus encore que les autres, j'ai besoin de mon moment de sérénité. Je me suis donc levé à la même heure depuis de nombreuses années maintenant. Pas besoin de réveil, c'est comme si mon corps était programmé pour se réveiller pile à cette heure et pas une seconde de plus. À quoi bon dormir une seconde de plus ? Dormir est le plus gros gâchis que je connaisse. Si un jour quelqu'un découvre un moyen de vivre sans, n'importe quoi, je prends. Et ouais, là encore je suis l'opposé de Sam. Cette fille est la procrastination personnifiée.

Je m'habille presque mécaniquement et descends les escaliers, tâchant de faire le moins de bruit possible. Je me dirige rapidement vers la cuisine, remplis ma bouteille, et je suis enfin prêt. On pourrait penser que seule ma maison est encore endormie, mais une fois sorti dehors on se rend facilement compte que c'est le monde entier qui semble comme suspendu. Pas de bruits de circulation, pas de chien aboyant, ni même personne de pressé au point de te bousculer sans prendre le temps de s'en excuser. Non, juste le silence apaisant. Mon Dieu que j'aime ça.

Je sautille sur place pour me réchauffer et me préparer, puis commence à m'éloigner doucement de chez moi dans de longues foulées. Je cours sans écouteurs, sans aucune musique. Peu de gens me comprennent. Mais si justement j'aime ce silence si éphémère, ce n'est pas pour m'assourdir avec de la musique. Simple logique. Après comme tout le monde je sais apprécier cet art, vraiment. Juste pas maintenant.

Maintenant c'est à une toute autre forme d'art que je me dédie, entièrement. La course.

Courir, c'est ce genre de moment où tu te retrouves seul face à toi-même. Plus aucune gêne à ressentir, plus aucune bonne conduite à respecter. Les clous dans lesquels il te faut rester, c'est toi-même qui te les fixes. Alors je laisse tout derrière moi, absolument tout. Je ne m'alourdis d'aucun poids, au contraire je m'en libère et me sens infiniment plus léger pas après pas. Mon cerveau se focalise uniquement sur ma foulée, ma respiration se calant presque instinctivement sur cette dernière.

C'est pour cette raison que la course est devenue en plus d'une passion une réelle nécessité. Je crois que je peux compter sur les doigts d'une main les jours qui se sont écoulés sans que je ne cours depuis que j'ai découvert cette sensation libératrice.

Je n'en ai jamais parlé à personne ceci dit, en dehors de Sam bien sûr. Tous mes amis et même mes parents s'imagine que je cours uniquement par passion, que je concours uniquement par rage de vaincre, sans jamais se douter de la nécessité que cela représente au-delà de la simple passion. Si on me l'enlève, il ne me reste plus rien. Je serais le Rafael vide, autant intérieurement que l'image que je renvoie quotidiennement. Ce gamin apeuré de tout et de tous qui n'osera jamais s'affirmer. Si je n'ai plus la course, je n'ai plus de point d'ancrage à ma vie. Le vrai drame c'est que je ne dramatise pas, alors qu'ô combien je l'aurais préféré.

L'air frais et mordant de ce début d'année m'attaque de plein fouet, et je laisse mon sourire s'épanouir sur mes lèvres en prenant bien soin de ne pas m'essouffler. J'aime encore plus courir à cette époque de l'année, où tu sembles devoir lutter au début, avant que la chaleur de ton propre corps ne paraisse irradier tout autour, à la mode d'un chauffage ambulant.

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