Il y a foule. Les cars des différentes délégations se succèdent dans un étrange ballet aux portes du stade, quant à l'autre bout ce sont les camions des journalistes qui occupent toute la place. Les premiers rangs des gradins semblent déjà bondés, du moins de ce que je peux en voir jusque-là. Partout où mon regard se porte, je ne vois que des gens, par dizaines et dizaines. Ça pourrait me stresser. Or ça me galvanise.
C'est rarissime d'avoir la chance de passer des qualifications de cette ampleur dans son propre stade. Je m'entraine ici pratiquement tous les jours depuis plus de deux ans. Je pourrais parcourir sa piste les yeux fermés. L'avantage est considérable.
Une fois les portiques de sécurité franchis, l'on nous remet nos badges spécifiant notre statut d'athlètes. C'est à ce moment-là seulement que nous entrons enfin dans le stade, tous les cinq et du même pas. Et donc c'est tous les cinq que l'on s'arrête pour prendre pleinement la mesure de ce qui nous attend devant le monde présent. Plusieurs équipes adverses sont déjà sur la piste à s'échauffer alors même que notre poule ne passe pas avant plusieurs heures. Nous ne savons même pas contre qui nous sommes censés concourir, dans la mesure où nous n'avons toujours pas revu le coach.
- Tous ces illuminés qui pensent pouvoir changer le scénario du film...
Je me tourne vers Gabriel suite à son intervention, alors que lui a toujours le regard rivé sur nos adversaires. On pouffe tous face à sa prétention, mais un peu de confiance en soi n'a jamais tué personne après tout.
- Le coach est devant les vestiaires.
Thomas nous l'indique d'un coup de menton, alors c'est sans perdre de temps que l'on se dirige tous dans sa direction. Il nous voit arriver presque immédiatement et se contente de nous fixer du regard à mesure que nous nous rapprochons. Jusqu'à ce que nous lui fassions définitivement face.
- Bien. Les premières poules passent dans une heure. Vous ne passez pas avant deux bonnes heures. Vous êtes sur le couloir intérieur, ce qui est une bonne nouvelle, on l'a pas mal travaillé dernièrement. Vos tenues et vos dossards vous attendent, je vous veux de retour dans dix minutes.
On devrait bouger, s'exécuter. Mais c'est tout simplement étrange, et on le ressent tous. Alors bien sûr Amyn prend les devants et répond, la mine suspicieuse au possible :
- Quoi, vous n'êtes pas surpris ? Ou fier ? Ou fâché ? Ou curieux ?
- Non Amyn, je ne suis pas surpris ou fier ou fâché ou curieux. Vous aviez besoin que l'on vous secoue les puces. Vous avez réagi parfaitement comme je m'y attendais et comme il le fallait. Mais bêtes comme vous êtes, vous n'avez pas une seule fois pensé à désactiver l'alarme silencieuse pendant vos entraînements nocturnes. J'ai reçu un appel absolument tous les soirs sur soit disant une bande de jeunes squattant le terrain. Vous avez de la chance que c'est à moi que l'on en a référé avant d'appeler la police. Mais au moins vous vous êtes pris en main pour continuer votre entrainement. Si je ne suis pas spécialement fier, Amyn, c'est parce que je savais que je pouvais compter sur vous, je n'en ai pas douté à un seul instant, sinon vos derrières ne seraient pas présents aujourd'hui. Alors maintenant soit on continue cette charmante discussion père-fils, soit vous vous décidez à réagir et à enfiler votre tenue, qu'on montre enfin qui sont les véritables adversaires dont il faut avoir peur.
Un sourire carnassier s'étend sur nos visages, et le coach lève les yeux au ciel. Seulement il ne parvient pas à cacher son propre sourire d'amusement, et ce malgré tous ses efforts. Ça crève les yeux que l'excitation est présente chez lui aussi, il a attendu ce moment presque autant que nous.
C'est en un temps record que l'on se change tous. Il nous a laissé dix minutes, en à peine deux nous sommes déjà de retour. J'aime l'uniforme de l'équipe de Paris. Je ne le porte que lors des compétitions, et pourtant j'ai l'impression qu'il est comme une seconde peau. Cet uniforme est sans doute ce qui me définit le mieux, ce qui laisse ressortir celui que je suis réellement intérieurement.
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RomanceDes rires d'enfants. Une complicité d'enfants. Une confiance d'enfants. Seulement Rafael n'a plus rien d'un enfant. Son rire ne ricoche plus contre les murs, cette complicité est depuis longtemps enterrée et la confiance est une notion devenue c...