Le reste de la semaine s'est écoulé dans une sorte de flou opaque et omniprésent. Sam sort de la maison dès qu'elle en a la possibilité, je ne sais même pas réellement pour aller où. Mais je ne suis pas mieux de mon côté. Entre les cours à la fac et les entraînements intensifs, mes pensées sont déjà bien assez occupées. À côté de ça, je m'arrange toujours pour rester chez Loïc un maximum avant de devoir rentrer. Parce que si ma soeur n'est pas là, il n'y a plus personne chez moi. Enfin une promesse qu'aura su respecter Malo : il travaille tout le temps.
Au début de la semaine je parvenais à le croiser le matin, en revenant de mon footing. La première fois j'avoue que ça m'a fait un choc. Le costard je veux dire. Ça devrait être proscrit d'être aussi canon. Je crois que lui aussi a été surpris de me voir, mais il n'a rien dit et s'est dépêché de partir. Le lendemain la même situation s'est répétée, et là je crois qu'il a compris. Donc soit il part plus tôt, soit il ne prend plus la peine de déjeuner. Toujours est-il que je ne l'ai plus revu plus de cinq minutes cumulées sur le reste de la semaine. C'est bizarre de se dire qu'on habite la même maison, que sa chambre est voisine de la mienne, et qu'on ne se croise qu'à peine.
Les rares fois où l'on s'entrecroise, lui allant dans une direction et moi l'autre, son expression est toujours neutre. Lui qui ne pouvait pas s'empêcher de sourire une nanoseconde au début semble aujourd'hui complètement éteint. Oui ça me fait de la peine. Je ne suis pas insensible non plus. Mais vous voulez que j'y fasse quoi ?
Sam dit n'en avoir rien à faire, mais je sais que c'est faux. Elle se protège je crois. Elle m'a rejoint presque un soir sur deux dans ma chambre cette semaine pour dormir avec moi. D'habitude c'est moi qui vais la voir. Quand elle le fait d'elle-même, c'est toujours synonyme que quelque chose va mal, qu'elle a besoin d'attention. Cette situation est merdique, j'ai en horreur cette vision d'elle. Sam c'est la fille sûre d'elle, en toutes circonstances. C'est une panthère et non un vulgaire chaton apeuré. Là encore, je ne sais pas quoi faire. Elle a bien vu que non, je ne l'oubliais pas pour retourner vers Malo. Mais la peur est rarement rationnelle. Je ne dis rien, la mettre en porte à faux serait encore pire. Je me contente de me décaler et d'ouvrir les bras quand j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir au soir.
Sauf que là on est dimanche. Les dimanches chez les Garnier c'est une notion qui se veut sacrée. Non, on ne va pas à la messe. Personne n'est croyant et encore moins pratiquant ici. Sacrée, parce qu'on mange en famille. Je ne parle pas d'une cousinade énorme ou de ramener la famille sur trois générations. Non, juste mes parents, Sam et moi. Et Malo maintenant. C'est le seul jour de la semaine où l'on peut être absolument certain de partager ce moment, le reste du temps c'est un peu comme au loto. Tu as de la chance ou tu n'en as pas. Je préférerais mille fois vivre sans tout ce faste et cet argent et avoir une vraie relation avec mes parents. Mais business is business.
Quand je suis revenu de ma course quotidienne ce matin-là, je ne m'attendais pas à retrouver à nouveau Malo dans la cuisine. Lui n'a pas semblé surpris de me voir entrer. Il s'est contenté d'un léger regard dans ma direction puis s'est à nouveau concentré sur sa tâche. Je ne vais pas fuir dès que je le vois, ça en devient ridicule. Il faut savoir faire face. En rougissant et baissant la tête certes, mais au moins je ne fuis pas.
- Tu sais si vous avez de l'ail ? Je ne le trouve pas.
Je relève les yeux de mon verre de jus de fruits et le regarde comme un demeuré. Il est à peine sept heures du matin. Qu'est-ce que ça peut lui faire de savoir si on a de l'ail à sept heures du matin ?
- Dans l'arrière cuisine. Troisième étagère au fond à droite.
Quoi ? Il m'a posé une question, je lui réponds. Il n'a pas nécessairement besoin de savoir ce que j'en pense. Il hoche la tête et part dans la direction de l'arrière cuisine. Pour une fois il a laissé tomber le costard et ne porte qu'un simple short en coton accompagné d'un t-shirt ample. Et pourtant, même en pyjama, j'ai l'impression que sa prestance reste inchangée. C'est rageant si vous voulez mon avis. Il revient à peine cinq minutes plus tard, deux gousses d'ail à la main.
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RomanceDes rires d'enfants. Une complicité d'enfants. Une confiance d'enfants. Seulement Rafael n'a plus rien d'un enfant. Son rire ne ricoche plus contre les murs, cette complicité est depuis longtemps enterrée et la confiance est une notion devenue c...