Les bras chargés jusqu'au cou, on s'arrête à quelques mètres de la mer. Je lâche tout ce que j'ai sur le sable, laissant à Malo le soin de tout mettre en place. Je n'y accorde pas le moindre intérêt pour être honnête. Je suis complètement subjugué par les vagues devant moi. Même un enfant se rendant pour la première fois à DisneyLand aurait difficilement une mine plus émerveillée que la mienne actuellement. Je laisse mon regard se porter jusqu'à l'horizon. Partout, il n'y a que de l'eau. C'est tellement beau punaise. Je me sens remis à ma place, moi l'infime grain de sable dans cet univers qui me dépasse. Je pensais que l'air chargé d'embrun était un cliché, et me voilà maintenant à respirer à pleins poumons pour m'en galvaniser au maximum. J'ai tellement rêvé de pouvoir admirer cette vue, mais je n'en suis pas déçu, j'en suis à des années lumières.
- Ça impressionne la première fois, n'est-ce pas ?
Malo vient de se positionner devant moi, laissant lui aussi son regard se perdre dans les vagues. Il paraît calme, détendu, mais je sais que ce n'est qu'une façade. Sa paupière tressaute légèrement et ses mains ne savent pas rester en place plus de trente secondes. En réalité il stresse complètement.
- J'ai faim, pas toi ?
Pour être honnête je n'ai pas vraiment faim, du moins pas à ce point. Mais quand je vois ses épaules se relâcher alors qu'il m'entend, je souris intérieurement. Rien ne sert de le brusquer, c'est déjà énorme pour lui de se trouver là, je le sais parfaitement. Alors on s'assoit l'un à côté de l'autre sur la couverture qu'il a pensé à emmener.
Le cliché aurait pu être parfait. Un pique-nique avec des sandwich bien français, la plage déserte, juste nous. Mais ce n'est ni le lever ni le coucher du soleil, et surtout on est loin d'être en été. Pour parler franchement il caille. Alors on est à la plage certes, mais avec pulls et écharpes de sortis. Sauf que je m'en fiche, je me sens apaisé au-delà de l'imaginable, mes yeux ne parvenant pas à se décrocher de cette étendue bleue me faisant face.
Le repas se passe dans le silence, mais un silence différent du début de trajet. Il n'est pas gênant ni tendu. Il est au contraire léger. On profite tout simplement de ce moment, moi plus que tout. Alors après avoir fini de manger, c'est tout naturellement que je m'allonge de tout mon long et laisse le vent me caresser doucement le visage, mon regard se perdant au-dessus de moi dans les nuages. Un groupe de mouettes semble en plein ballet aérien, se laissant porter par des flux d'air chauds et froids connus d'elles seules. Je trouve ça étrangement fascinant.
Je sens Malo s'allonger à mes côtés, l'air tout autant plongé dans ses pensées que moi. Je voudrais tellement que tous les jours puissent-être comme celui-là, pouvoir partager des moments aussi simples mais aussi beaux.
Sa main vient très légèrement effleurer la mienne. Je ne sais pas s'il l'a senti et je sais que ce n'est pas intentionnel. Nos peaux ne se touchent même pas suffisamment pour empêcher le vent de passer au travers. Mais c'est là, c'est présent. Et nous on reste comme ça, toujours sans parler. Toute cette rancœur que j'avais pour lui, toute cette douleur transformée au fil des années en haine, tout ça semble lentement s'évaporer alors que mon cerveau se focalise sur ce contact si ténu. J'ai comme l'impression que cette main est la seule réelle chose me liant encore à la réalité, que ma propre main est la seule partie de mon anatomie à pouvoir encore réagir.
Mais soudain il se relève précipitamment, coupant court à ce contact. Sa chaleur pourtant si ténue me quitte, et je sens comme un spasme me traverser l'avant-bras à mesure que le vent glacial s'y substitue. Alors je me redresse sur un coude, le regardant avec incompréhension mais tentant par-dessus tout de cacher ma déception.
- On est quand même ici pour ton rêve, on ne va pas rester allongés dans le sable.
Je me rassois sur la couverture alors que l'incompréhension grandit dans mon regard. Déjà qu'il vient de briser le silence et le moment, en plus le voilà qu'il délire.
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Links I [BxB]
RomanceDes rires d'enfants. Une complicité d'enfants. Une confiance d'enfants. Seulement Rafael n'a plus rien d'un enfant. Son rire ne ricoche plus contre les murs, cette complicité est depuis longtemps enterrée et la confiance est une notion devenue c...