Personne ne fait réellement attention aux autres équipes. Il faut rester concentré sur sa propre course et sa propre performance après tout. Du moins c'est l'état d'esprit que nous partageons tous, ou presque. Entre nous et Zurich, l'histoire d'amour est beaucoup trop ancrée pour ne pas se permettre ne serait-ce que des salutations. Leur capitaine semble du même avis.
- Bonne chance Froggies.
Il parle fort en passant à côté de nous, toujours avec son accent allemand bien prononcé et un sourire en coin incrusté sur ses lèvres. Petits suisses contre Froggies, j'étais sérieux quand je parlais de love story entre nos deux équipes. Je vois mes coéquipiers les reluquer de la tête aux pieds sans même s'en cacher, mais c'est naturellement Thomas, notre capitaine d'équipe, qui répond :
- On n'a pas pour habitude de compter sur la chance, mais chacun ses us j'imagine.
Il conclut sur le même sourire en coin provocateur, avant de tout simplement leur tourner le dos. Je n'ai qu'une seule envie actuellement : découvrir leur tête quand nous les aurons battus. Parce que nous allons les battre, aucun doute là-dessus. Il y a une première à tout, et je sais que nous en sommes en capacité de le faire. Au moins pour leur faire ravaler leurs fanfaronnades.
C'est maintenant ou jamais. On se dirige tous sur nos marques respectives. En passant devant Loïc, je lui adresse un clin d'oeil auquel il me répond d'un hochement de tête. Je secoue mes mains dans le vide tout en marchant, stimulant une dernière fois la circulation de mon sang.
Tout le monde est en place. Tout le monde est prêt.
C'est presque l'ensemble du stade qui retient son souffle dans l'attente du coup de feu. Du moins est-ce l'impression que j'en ai. Jusqu'à ce qu'enfin la détonation ne retentisse à mes oreilles. Les gradins se réveillent d'un coup, encourageant les coureurs dans un brouhaha indistinct. Ou peut-être que je pourrais comprendre les cris si je m'en donnais la peine. Mais je suis entièrement focalisé sur Amyn.
Son départ est parfait. Sa trajectoire est parfaite. Ses foulées sont parfaites. Il se démarque rapidement des autres coureurs, mais reste toujours derrière le suisse. Du moins dans un premier temps. Il réussit l'exploit de rattraper les quelques mètres d'écart, juste avant de transmettre son témoin à Gabriel. Nos équipes sont littéralement au même niveau.
C'est absolument parfait. Être au même niveau qu'eux dès le départ est inespéré. Ça relève limite de l'exploit, quand on sait que c'est de là qu'il tire leur principale force. Leur stratégie a toujours été à l'inverse de la nôtre. Je sais que l'équipe compte beaucoup sur moi, et je suis le dernier à courir. Eux ont toujours mis leur principal atout en première ligne, pour décourager leurs adversaires. C'est un choix, qui jusque-là s'est avéré payant qui plus est. Jusque-là.
Le témoin est maintenant passé de Gabriel à Thomas, puis finalement à Loïc. Mes oreilles se bouchent complètement en le voyant s'élancer. Mon corps se prépare sa petite bulle étanche au monde extérieur. Un peu comme si les sons et autres facteurs sensoriels rebondissaient contre une surface plane et invisible m'entourant, sans jamais plus m'atteindre.
On est toujours au coude à coude avec Zurich, ayant installé de précieux mètres d'écart avec les autres équipes. Les gars ont réellement progressé, encore plus que ce que je croyais. Aucun d'eux ne s'est laissé distancer, tous ont été à la mesure du défi imposé. Ils m'offrent l'opportunité de l'emporter sur un plateau d'argent.
J'aperçois alors le suisse à mes côtés commencer à s'élancer en préparation de la réception de son témoin. Un débutant, sachant que nos coéquipiers sont au même niveau, serait sûrement tenté de s'élancer lui aussi. C'est même sûrement ce que le suisse espère que je fasse. Mais je ne suis pas un débutant, je ne commets pas d'aussi grossières erreurs, du moins plus maintenant. Je connais par coeur cette équipe, je connais leurs stratégies et leur mode de fonctionnement. J'ai depuis bien longtemps compris qu'ils n'opèrent pas de la même manière leur transmission de témoin, même si les différences sont sensibles. Alors je le laisse s'éloigner de deux foulées, avant de m'élancer à mon tour.
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RomanceDes rires d'enfants. Une complicité d'enfants. Une confiance d'enfants. Seulement Rafael n'a plus rien d'un enfant. Son rire ne ricoche plus contre les murs, cette complicité est depuis longtemps enterrée et la confiance est une notion devenue c...