Chapter 27

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Ce fut un désastre. C'était prévisible, mais ça ne change rien au résultat. Personnellement je sais que je n'ai rien à me reprocher. J'ai bien couru, plus que bien. On peut même dire que c'est moi qui ai sauvé cette course, pourtant Dieu sait à quel point je déteste me vanter.

Ça a foiré dès le début. Ils sont tous tendus, ça s'est vu tout le long de l'entraînement même si le coach n'a fait aucune remarque. Les tensions sont absolument partout, entre chacun de nous et pas qu'avec moi. J'ai vite compris que Gabriel est toujours remonté contre Amyn. Il lui reproche de ne pas avoir su tenir sa langue dans le van au retour de la mer. De son côté Amyn tente de faire amende honorable par tous les moyens, ce qui tourne bien souvent au ridicule. Loïc... je crois que ce n'est même pas la peine d'aborder son état d'esprit. Une porte de prison serait plus chaleureuse que lui. Et Thomas lui se retrouve coincé au milieu de nous, ne sachant où se positionner ni par où commencer pour ne serait-ce que tenter d'arranger les choses.

Moi, j'ai plus de pratique qu'eux tous réunis. Depuis plus de onze ans je mets de côté mes émotions. Je ne me laisse pas guider par elles. Et encore moins quand je cours. Donc oui, je suis bien le seul de cette équipe a être parvenu à ne pas foirer ma course.

- J'attends une explication.

Je suis encore rouge de mon effort, essoufflé. On vient de rejoindre le coach, lui et son visage complètement neutre. Il a les bras croisés contre son torse, le regard imperturbable. Pourtant il ne parle pas fort, ne crie pas ni rien. Je crois que c'est pire, bien plus effrayant de le voir si calme en apparence. Mes coéquipiers se regardent tous du coin de l'oeil, mais je refuse de rentrer dans leur jeu. Alors je réponds.

- Vous aviez raison coach, la cohésion dans l'équipe est le point le plus important. Et on ne peut même plus parler d'équipe en ce qui nous concerne.

On pourrait entendre une mouche voler. Le coach me regarde en silence, avant de hocher la tête. Une fois, puis deux et trois.

- Je vois. Je ne veux même pas savoir ce qui s'est passé pour que Rafael dise ça, et surtout pour qu'aucun de vous ne conteste. Néanmoins je veux que vous entendiez ceci.

Il s'arrête quelques instants, suffisamment pour tous nous regarder à tour de rôle et dans les yeux.

- Ça fait maintenant un paquet d'années que j'entraîne. Des équipes Espoir, j'en ai vu défiler. Et pourtant c'est en vous que j'ai décidé de croire. Je sais que vous avez le potentiel pour l'équipe de France, ces championnats ne devraient être qu'une formalité. Seulement pour ça, il vous faut grandir. Je ne vais pas vous sortir des histoires à dormir debout pour vous rassurer, je laisse ça à vos mamans. Non, moi je vous préviens que la vie réserve son lot de merdes à chacun, mais elle le fera bien plus encore pour chacun de vous. Il faut grandir. Se laisser déstabiliser avant même d'intégrer le haut niveau n'est pas acceptable. J'attends mieux de vous, parce que je sais que vous le valez.

Il marque à nouveau une pause, nous laissant digérer, avant de nous achever :

- Les qualifications sont dans cinq jours. Je ne veux pas vous y voir si vous n'avez pas réglé vos problèmes.

On a besoin de ces championnats si on veut entrer dans l'équipe de France. On le sait tous. Pourtant personne ne trouve rien à redire. Je ramasse ma gourde à mes pieds et me contente de suivre le mouvement, de rejoindre les vestiaires. Les dos sont courbés, les épaules affaissées. J'en fais partie. J'ai travaillé trop dur pour que ça se finisse comme ça, aux portes des qualifications. Et pourtant l'issue me paraît inévitable.

Je ne perds pas de temps pour me déshabiller et rejoins presque immédiatement les douches. Je n'ai jamais aimé la prendre ici, encore moins maintenant que j'y suis obligé. Et je ne veux pas m'attarder, je ne demande au contraire qu'à m'échapper le plus vite et le plus loin possible.

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