Je maudis mes parents. Je donnerais tout pour une aspirine. Sans rire, une aspirine n'a jamais tué personne jusqu'à preuve du contraire. Ils sont clairement dans l'abus.
Mais ils n'occupent qu'une place infime dans mes pensées actuellement. Car plus que quiconque, c'est moi que je maudis. Du plus profond de mes entrailles. Plus les minutes passent plus cette rage envers moi-même ne fait que s'accroître alors que bordel c'était justement censé être le contraire. La course existe pour me vider la tête, alors pourquoi pas cette fois, là où j'en ai justement le plus besoin ? Sauf qu'à chaque foulée de plus les images me reviennent, alors j'accélère, je m'acharne. Mes muscles me brûlent, le sang pulse à mes tempes, plus fort que jamais, mais ces satanées pensées refusent de se calmer.
Je me sens pitoyable. Et monstrueux. Je suis le pire meilleur ami que l'on puisse s'imaginer. Sans rire qui voudrait d'un type comme moi ? Lui est toujours adorable, trouve le courage de m'avouer ses sentiments au lieu de me reprocher de ne pas m'en être aperçu plus tôt. Ce mec est le putain d'idéal qu'on devrait tous rechercher. Et moi je fais quoi ? Ma pute.
Je ne sais pas ce qui m'a pris, je ne sais pas ce qui ne tourne pas rond chez moi. Je ne sais pas non plus ce qu'on mon esprit complètement à l'ouest s'est imaginé, mais c'est des conneries. Du début à la fin. Il va falloir que j'aille parler à Malo, que je m'excuse. Il a dû flipper. Mais pour lui dire quoi ? Désolé que mon esprit détraqué t'ait pris pour l'objet de ses fantasmes, je te promets que ça ne recommencera plus ? Pitié enfermez-moi.
De toutes façons je crois qu'il m'évite, je ne sais pas trop. Quand je me suis levé pour aller courir une heure plus tôt il était déjà parti. Mais surtout la maison était méconnaissable. Méconnaissable de la veille j'entends, parce que justement tout était à sa place. Absolument tout. Impossible que Sam ait passé sa nuit à faire le ménage, ce serait comme remettre en question les lois de la gravité ou le fait que la Terre soit ronde. Ce qui ne laisse qu'un seul candidat : Malo. À vrai dire je ne sais même pas s'il a dormi de la nuit. Même la tâche sur le tapis n'était plus là à mon réveil.
Mon humeur, qui n'était déjà pas au beau fixe, s'est considérablement assombrie quand j'ai pris connaissance de tout ça. En plus d'avoir fait le connard envers mon meilleur ami, l'une des personnes les plus importantes à mes yeux, je viens possiblement de gâcher le semblant de relation que j'avais avec mon semblant de frère.
J'accélère. Encore. Je veux fuir tout ça, fuir celui que je suis. Mais mon corps me ramène à l'ordre en poussant la sonnette d'alarme, alors je m'arrête net. Je suis en sueur, essoufflé, les jambes lourdes et en feu. J'ai encore déconné. L'entraînement de cette après-midi va être un calvaire. Si moi je le mérite, mes coéquipiers n'ont rien demandé eux. Une fois de plus je viens de me montrer égoïste.
Les rares personnes présentes dans la rue commencent à me regarder du coin de l'œil alors que je suis toujours immobile et le regard perdu dans le vague, le souffle court. Je m'oblige alors à reprendre le chemin de chez moi, en marchant et comme en pilotage automatique. Un pas après l'autre. J'ai passé une heure à me demander, encore et encore, ce qui avait pu déconner au point de me mettre dans cette situation. À me demander quelle seconde avait marqué le point de non-retour et me ferait perdre ces deux personnes. La vie serait tellement plus simple si je faisais exactement ce qu'on attendait de moi, si je me mettais en sourdine et restais en pilotage automatique.
Alors c'est ce que je fais. Je rentre chez moi. Je réveille Sam pour qu'elle ne soit pas en retard au conservatoire. Je déjeune. Je vais à la fac. Je laisse mon regard divaguer toute la matinée. Je prends en note de façon mécanique mes cours, laissant mes doigts pianoter d'eux-mêmes. Je suis resté dans cet état toute la matinée, puis tout le début d'après-midi. J'ai merdé mais il ne dépend que de moi de me rattraper, d'arrêter d'être aussi con ou d'agir sur un coup de tête.
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RomanceDes rires d'enfants. Une complicité d'enfants. Une confiance d'enfants. Seulement Rafael n'a plus rien d'un enfant. Son rire ne ricoche plus contre les murs, cette complicité est depuis longtemps enterrée et la confiance est une notion devenue c...