On commençait à s'ennuyer ici.
La masse noire bourdonnait dans le corps d'Abraham ; elle devenait plus puissante, elle voulait le contrôle.
Maintenant.
C'était drôle de torturer et trahir.
Mais elle voulait plus.
Elle voulait tuer.
Elle était trop impulsive. Trop jeune.
Elle prenait trop de place.
C'était inhabituel.
Elle grandissait et se développait trop vite. Peut-être étais-ce parce qu'il s'agissait d'un Sorcier d'une grande puissance, mais cela était impossible à dire.
Quoiqu'il en soit, on commençait à voir des changements physiques : Abraham avait perdu l'usage d'un de ses yeux. En vérité, la masse en lui avait fait ça pour en apprendre plus et voir par ses yeux.
Pour espionner.
Elle avait d'abord appris un peu du monde qui l'entourait, puis elle avait appris de l'entourage du Sorcier.
Il était hors de question qu'elle passe une telle opportunité de répandre le chaos !
- Ça va, papa ?
La masse fut interpeller en même temps que l'homme en qui elle bouillonnait. Intriguée par la jeune fille, elle ne la quitta pas de l'œil pendant un moment.
- Oui, je crois...
Il ne voulait rien dire, mais il se doutait que quelque chose clochait. Il le sentait. Ça avait été une intuition, mais à présent, c'était bien plus que ça. Il percevait des sons dans sa tête, comme des voix stridentes, grinçantes.
Il n'était plus lui-même, c'est pourquoi, une fois à l'abri, il avait prévu de s'enfermer dans la chambre anti-Démon pour s'assurer qu'il ne ferait de mal à personne.
Mais il savait qu'il y avait des risques.
Que, bientôt, les voix le rendraient fou, qu'il perdrait le contrôle, qu'il sentirait enfin la masse devenir lui, et lui devenir la masse. Devenir un monstre.
- Papa ?
Abraham releva la tête et sentit la main de sa fille sur son épaule.
- Je suis contente que tu ais guéri...
Il ne sut quoi dire. Il lui répondit par un faible sourire, mais il savait parfaitement qu'il n'était pas guéri, et il ne pouvait le lui dire. Il ne savait le lui dire.
Elle s'éloigna vers ses amis, le cœur lourd de douter de son père, mais elle n'avait pas d'autres choix que de se méfier. C'est ce qui lui brisait le cœur. Cela dit, au milieu de tout le monde, au milieu de tant de larmes et de souffrances, sa douleur passait inaperçue. Enfin, presque.
Quelques uns de ses amis avaient remarqué sa réaction inhabituelle mais n'osaient pas le lui faire remarquer.
Abraham serra le poing et le rapporta à sa poitrine, comme si quelque chose l'oppressait.
Malgré tout, il garda la tête haute pour faire croire que de rien n'était, même s'il endurait moultes souffrances à cette instant précis, comme si la masse lui avait enfoncé milles aiguilles dans ses poumons et son artère aorte.
Elle voulait être en charge. Il sentait une pulsion meurtrière essayer de prendre le contrôle de son esprit, mais il lutta. Il lui devint difficile d'avancer, puis de respirer, mais il ne devait pas se laisser faire.
Il ne le devait pas.
Au bout d'un petit moment, la masse céda, mais ça ne durerait pas, et le Sorcier le savait.
- On est encore loin ? On a des blessés, Abraham.
- Non, monsieur... On y est bientôt.
Abraham se tourna vers les blessés. Tout le monde était couvert de suie et de poussière, certains étaient recouverts de sang. C'était atroce. Comme la mort d'Ethan. Mais, pire encore, le Sorcier ne ressentait pas de culpabilité face à cela, alors qu'il se savait responsable. Il s'en doutait. La masse ne ressentait rien, et elle gagnait en territoire. Cela se reflétait sur les émotions de l'homme. Alors il se mit à penser à ce qui lui faisait ressentir des choses.
Son absence auprès de sa femme et sa fille, la mort de son ami...
Les choses qui lui faisait mal.
Il regarda sa fille qui avançait devant lui. Elle avait tellement grandi, elle n'était plus une enfant à présent, et elle risquait sa vie à cause de sa lignée, comme il l'avait fait avant elle.
Il n'était pas prêt à la voir comme cela. Comme une guerrière. Non, plutôt comme une arme. Il n'était pas prêt à voir sa fille comme une arme.
Il n'était pas prêt à la voir comme ce qu'ils avaient fait de lui.
La masse recula. Il sentit quelque chose se résorber en lui, juste un peu. Mais il se sentit un peu plus libre, déjà. Un sentiment qui ne durerait pas, il le savait.
Mais regarder sa fille le torturait et l'apaisait en même temps.
C'était difficile à expliquer.
Savoir qu'il n'avait pas été là, présent, à ses côtés, qu'elle avait presque grandi sans lui... Ça le blessait, ça lui brisait le cœur.
En plus, elle avait l'air proche d'un des Démons. Il était pas psychologiquement prêt à ça, en tant que père. Pour lui, elle était encore son bébé, sa petite fille...
Mais il fallait bien se rendre à l'évidence : à cause de toutes ses missions, il avait manqué tant de choses... Elle avait probablement dû avoir des copains ou des copines avant ce demi-Démon là. Il n'osait se l'imaginer.
Il repensa à la première échographie. Au ventre rond de sa femme... À sa femme, qu'il n'avait pas appelé depuis longtemps, trop longtemps.
Aux secrets qui les unissaient, et qui les rendaient distants envers leur fille, même inconsciemment.
Des secrets qu'il allait falloir lui révéler, sur elle, et sur tout le reste.
Et pire, car, bientôt, il ne serait plus là. Il avait pris sa décision.
Il ne pouvait laisser ce truc gagner. Il devait en parler, d'abord à des gens de confiance, puis enfin à sa fille. Il devait en parler à sa fille. Avant qu'il ne soit trop tard.
Le monstre qui grandissait en lui avait bien compris cela. Il ne se laisserait pas faire. Il s'agissait là d'une véritable guerre intérieure.
Abraham était à présent destiné à devenir un dieu de la mort. C'était comme ça et pas autrement. Et puis, il suffisait à cette atrocité de prendre le contrôle avant qu'il ne soit trop tard.
Et elle savait que ce n'était pas compliqué.
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~Pause~ Witches Descendants
ParanormalDans les temps anciens, il y avait une Confrérie de Sorciers qui veillait sur le monde. On les distinguaient à leurs couleurs de cheveux naturellement fantaisistes et héréditaires : Violet, Bleu clair, Rose, Vert, Turquoise, Rouge, et Bleu électriqu...