C'EST IMPOSSIBLE.

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La vitesse à laquelle Sally releva la tête était juste incroyable. Elle semblait d'un coup reprendre vie devant nos yeux. Ses yeux bleus se heurtèrent au visage quelque peu amaigri de son fils bel et bien vivant.

D'un geste très lent et très doux, elle étendit le bras et effleura de sa paume grande ouverte les traits de son fils disparu. Ses doigts parcoururent l'arrête droite et affirmée de son nez, la courbe de sa mâchoire, la peau de ses joues et je sentis Percy frémir sous le contact tellement tendre des doigts maternels qui glissaient comme dans un rêve sur son visage. Les larmes se remirent à perler des yeux de Sally et tout à coup elle s'avança vers Percy puis l'étreignit. Elle le serra si fort contre elle que je crus entendre à un moment les os de Percy craquer. Ils fermèrent tous deux les yeux sous le coup de l'émotion.

La mère et le fils s'étaient enfin retrouvés.


Sally nous fit entrer. Les larmes dévalaient toujours ses joues mais ses yeux étaient envahis d'une joie si pure, si forte qu'elle me fit mal au cœur ... Oui, j'avais mal au cœur parce que tout cet amour maternel me rappelait sans cesse, cruellement que j'en étais totalement dépourvu.


Sally me prit dans ses bras à mon tour mais je n'étais plus là. Je sentais dans mes veines une telle haine, une telle rancœur que je devais me retenir de ne pas grimacer. Je savais que je n'avais pas le droit de penser ça mais c'était plus fort que moi. Je voulais tout détruire, tout abandonner et ... par dessus tout je voulais partir. Je voulais montrer à ma mère que elle m'avait détruit, je voulais dire à Percy que c'était sa faute si je voulais quitter ce monde avec tant de ferveur. Il m'avait abandonné ... Et je voulais lui rendre la pareille. Mais il y avait néanmoins quelque chose qui me poussait à répondre à ses sourires, quelque chose qui me poussait à me sentir bien quand il se rapprochait de moi en espérant que je ne le remarquerais pas. Une chose si forte qu'elle entamait à chaque fois un peu, ma carapace de haine et de colère. Je ne savais pas ce que c'était mais c'était beau. Il me faisait me sentir bien, mais ce n'était jamais assez. Le temps était notre ennemi dans ce combat. L'amour et la haine, le temps et cette putain de malédiction qui me ronge intérieurement depuis qu'il était partit. Le destin et les Parques. Ces foutues Parques qui me prenaient sans cesse tout ce que j'aimais, tout ce pourquoi ma vie valait la peine d'être vécue. Ce truc me tuait et je ne pouvait et ne semblait vouloir rien y faire. C'était moi et mes pensées, moi et ce mal qui me tue, moi et cet amour pour Percy qui ne semblait jamais être assez fort, moi et cette douleur, moi et ces poignards qui entament chaque parcelle de mon être, moi et mon envie de crever, moi et Sally qui me regarde en souriant, moi et ma tête à laquelle je tiens autant qui part en fumée, moi et ce putain de destin qui fait s'écrouler ma vie ... Encore une fois.


Et toute ma tristesse, toutes mes peines, mes douleurs, toutes mes incertitudes, mes colères, tous mes souvenirs d'enfance font que je suis ce que je suis, font que aujourd'hui, en ce moment même, en ce 16 septembre 2018, je me meurs et je n'y peux rien. J'espère que les juges vont m'envoyer aux Champs Elysées, parce que sinon c'est une sacrée arnaque hein ...


" Ils ne t'enverront pas au Champs Elysées ... Tes pensées sont tes ennemies à présent, fille d'Athéna ... Regarde le ... "


Je tourne mon regard vers Percy.


" Il t'aime tellement ... Son amour pour toi me donne envie de tous vous tuer, de tous vous plonger dans le désespoir ... Mais je suis patiente Annabeth Chase ... Ta douleur et ta haine seront les instruments de leur trépas. Et dans un avenir proche, tous tes amis, toute ta famille, toutes les personnes que tu as un jour aimé vont disparaître. Ils souffriront comme toi tu souffres et ils sentiront ta colère. N'Est-ce pas ce que tu veux ? Ton pauvre Percy va se laisser dépérir. Il suivra ton exemple. Arrêtant de parler, de se nourrir, il tentera même de mettre fin à ses jours ... Mais j'aime jouer vois-tu ma chère ? Alors la malédiction le touchera lui aussi ... Pendant que toi tu périras dans les Champs du Châtiments."

Les mots de Discorde me faisaient plonger dans un trou noir béant. J'essayais en vain de me raccrocher à son sourire, à ses yeux mais je glissais. De plus en plus vite, je voyais la lumière s'éloigner de moi et je voyais Percy suivre le même chemin. Une larme solitaire descendit le long de ma joue. Percy me regarda inquiet. Je l'ignore et me dirige vers l'escalier de secours.

Je monte les marches quatre à quatre et débouche sur le toit. La nuit va bientôt tomber et le soleil brûlant au crépuscule est caché derrière les nuages de pollution qui entourent la ville de New York.

Derrière moi, j'entends les marches de l'escalier craquer sous le poids d'une personne et je n'ai même pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit.

Il se place à mes côtés et tourne son regard vers l'horizon enflammé. Sans rien dire, sans rien faire.

Au bout d'un moment, il ouvre la bouche.

- Ne dis rien.

Je sais ce qu'il va dire mais je n'ai pas envie de l'entendre. Ce soir, c'est moi qui parlera. Et je sais aussi que ce qu'il va entendre ne va certainement pas lui plaire.

- Ce qui s'est passé entre nous n'est pas réel.

Je sens qu'il se fige à mes côtés et mo cœur se serre de plus en plus. Mais je n'ai pas le choix.

- Et ça ne le sera jamais.

Il ne dit rien.

- Je ne t'aime pas, Percy.

Je sens que son esprit est ailleurs. Et je continue.

- Et je ne t'aimerais jamais. Je te déteste ...

Sur ces mots, je tourne les talons, essayant vainement de retenir mes larmes. Je ne me retourne pas.

Et il ne me rattrape pas.

Alors que j'entame la descente dans les escaliers branlants, j'entends derrière moi un bruit accompagné d'un cri de douleur et d'un triste sanglot.

Je ne me retourne pas.

Pardonne-moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant