REVIENS

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Je n'y suis pas allée. J'avais pris ma décision. Je ne lui avais rien dis, pas d'excuses, pas de lettres, pas même un bête message pour faire mes adieux. J'aurais pu. Et j'aurais tellement voulu. Mais ce ne serait pas juste. M'avoir dans sa vie était égoïste et mes larmes aussi. 

Je m'en voulais d'espérer qu'il viendrait me chercher. 

J'avais arrêté de dériver. Je savais où je devais aller, quoi dire, quoi faire. En pilote automatique je m'étais mise en route. Sans m'arrêter j'avais décidé d'écrire moi même la fin de mon histoire. Pour la première fois depuis longtemps, j'avais un plan. Mon cerveau bouillonnait et je luttais pour ne pas retomber dans mes travers. Pour ne pas retomber dans la douleur et la haine. Pour la première fois je n'avais pas peur.

Je ne savais pas où j'allais. C'était flou. Mais je me souviens d'avoir pris l'avion. Je me souviens d'une longue marche dans une forêt. D'un gentil homme qui m'avait proposé d'appeler mes parents. Mais je ne m'étais pas arrêtée. J'avais besoin d'être loin. Toujours, toujours plus loin. Je repoussais les frontières, chassais les ténèbres, la lumière et les sens sous mes semelles. J'écrasais mes doutes, giflais mes peurs et j'avançais jusqu'à ce que quelque chose soit capable de m'arrêter. 

J'ai marché longtemps. Très longtemps. Une année peut-être. Ou peut-être plus. Je cherchais quelque chose. 

Le bonheur. 

Je cherchais mon bonheur perdu. J'aurais du savoir qu'il était derrière moi. Il était ce que j'avais quitté. Mais tout était trop flou. Je ne saisissais pas la notion de temps qui passait. Je dormais sur les aires d'autoroute, je mangeais là où les gens voulaient bien me donner une pitance. 

Je ne me suis arrêtée que quand j'ai entendu une voix. 

" Annabeth."

Je me suis arrêtée. Et je me suis effondrée. 

"Tu dois revenir."

"Non, je ne peux pas. Je suis trop loin maintenant"

"On n'est jamais trop loin pour être heureux, Beth"

J'ai relevé la tête. Et j'ai vu une image dans l'air. Flottant au dessus de ma tête. Une personne que je connaissais. Mais je ne me souvenais plus de qui c'était. 

"Ne fuis pas Annabeth. Ne nous fuis pas. Ne me retue pas une deuxième fois je t'en supplie."

Une image s'est formée dans ma tête. Un visage endormi, un filet de bave aux coins des lèvres et ma propre voix qui disait "Tu baves dans ton sommeil". Une autre image s'est formée puis une autre et encore une ... 

Les images d'un film qui défilait devant mes yeux. 

Un jet d'eau m'aspergeant, une fille brune avec un bandana qui hurlait contre un garçon aux cheveux noirs et aux yeux océans, un jeu de guerre "Capture l'étendard" me souffla mon esprit; un signe bleuté au dessus de la tête du même garçon, un voyage, une camionnette avec un lion, une antilope et un zèbre. Je me voyais attachée au mat d'un navire. Retenue par le garçon. Je me voyais lui sauver la vie. Je me voyais lui sauver la vie. Je le voyais partir, je me voyais l'embrasser avant qu'il parte, je le voyais revenir. Et je me voyais maintenant. Sur une aire d'autoroute. Le regard vide. 

Je me pris la tête entre les mains et les larmes roulèrent le long de mes joues pour s'écraser lentement sur le gravier brûlé. 

"Ce n'est pas ma vie."

"Si c'est ta vie Annabeth. Ca l'a toujours été. Ne repousse pas la vie. Ne me repousse pas. Tu as le droit d'être heureuse. "

"Je ne sais plus comment faire"

"Commence par te retourner"

Je ne voulait pas. 

Mais je me suis retournée. Et je l'ai vu. Le garçon aux yeux océans. Un sourire mélancolique posé sur elle. Je chancelai mais je me  relevai.  

"Annabeth ..."

Il se rapprocha. 

Je reculai. 

"Ne me retue pas une deuxième je t'en supplie"a t'il répété. 

Il avait l'air tellement triste. Je ne voulais pas qu'il soit triste. 

"Je ne suis pas guérie."

"Si, tu l'es"

"Je ne sais plus comment faire..." 

"Je t'aiderais..."

"Je ne peux pas vivre avec ce que j'ai fais."


Il avança. 

Je ne reculai pas. 

Il s'est posé juste devant moi. Et il m'a sourit. 

"Tu n'as plus a fuir Annabeth. Je ne te laisserais plus jamais t'en aller. Plus jamais"

J'avais envie de le croire. 

"Percy ..."

Je me souvenait petit à petit. Les images revenaient au galop. Incapables de se laisser oublier. Une nouvelle fois. 

" Je suis tellement ... tellement "

"Non. Je n'aurais jamais dû te laisser partir. J'aurais dû me battre."

Il serra le poing. 

"Pardonne moi Annabeth ..."

Je comblai l'espace qui nous séparait. Je comblai le vide qui emplissait mon coeur. Je colmatai la brêche avec des morceaux de lui. Son coeur, son sourire, sa beauté, sa gentillesse, son courage. J'emprisonnai la douleur et serra très fort. La douleur s'en alla. La malédiction s'envola. Les souvenirs ont repris leur place en moi. Ils ont planté leurs racines dans mes tripes, dans mon coeur. Et me suis juré de ne plus jamais me perdre dans ce fossé de douleur. 

Je me suis approchée de lui avec la douceur d'une plume. Je lui ai passé la main dans les cheveux et je lui ai soufflé : 

" Je te pardonne, Cervelle d'Algues"

Et je l'embrassai. 

Les fils déchirés de la toile se sont ressoudés entre eux. Le monde  a arrêté de retenir son souffle. Et nous avons triomphé, une fois encore. 

Pour une fois, les peut-être ont existé, les mais et les si se sont dissous. 

Et les mots se sont effacés. 



                                                                                          FIN

Pardonne-moi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant