- DRACULA -
Elle sait. Son cerveau a relié beaucoup d'éléments entre eux, même si son cœur refuse encore d'admettre l'horrible vérité. Elle préfère miser sur ses quelques pourcentages de doute, plutôt que d'accepter ma nature. Ce qui soyons honnête, m'arrange beaucoup. Elle m'a demandé si j'étais un vampire et pire encore, elle à envisager que j'ai pu tuer cette fille. Ses mots m'ont fait l'effet d'une grosse claque. Jamais, l'homme que je suis aujourd'hui aurait fait du mal à un humain et encore moins pendant le bal qu'Amé attendait avec impatience. Je suis lasse de tous ses mensonges, c'est fatiguant. Je n'aime pas lui mentir, mais je n'ai pas le choix. Je ne suis pas encore prêt, j'ai besoin d'encore un peu de temps avant de tout lui avoué. Je soupire. Lorsque mon cœur battait encore, j'étais un homme courageux, mais aujourd'hui, je suis un lâche. J'ai peur que ma nature me fasse perdre la femme que j'aime, pour toujours.
Je me suis assis à mon bureau depuis plus de cinq minutes, lorsqu'on toque à la porte. Anne entre dans la pièce avant de refermer doucement la porte derrière elle. Elle esquisse un faible sourire.
— Dure journée, dit-elle.
Je dirais plutôt dure semaine. Depuis le bal, plus rien ne va. Je suis dépassé par les événements. J'ai toujours eu le contrôle sur tout ou presque. Apparement, un vampire erre dans la ville et s'amuse à vider ses victimes de son sang. Je vais devoir le trouver et l'éliminer avant qu'il ne tue d'autres personnes. Il n'y a qu'un moyen de se débarrasser d'un vampire : lui trancher la tête. C'est la raison pour laquelle je suis toujours en vie malgré mes tentatives de suicide. Je n'ai jamais réussi à ressembler assez de courage pour m'infliger moi-même cette barbarie. Et le deuxième problème concerne évidemment la jeune femme qui vit sous mon toit. J'ignore quoi faire et comment réagir avec Amé.
— Comment s'est passé votre discussion ? demande Anne inquiète. Je suis désolé, je n'aurais jamais dû laisser vos bouteilles dans le frigo, c'était stupide de ma part.
Ce n'est pas sa faute, j'aurai pu les enlever aussi. À ce jour, Amé n'avait jamais touché et bu mes jus de tomate. Elle préférait ses boissons avec une tonne de sucre ajouté comme l'Ice Tea ou le Coca.
— Elle m'a demandé si j'étais un vampire et si j'avais tué cette étudiante, répondé-je simplement.
Elle grimace.
— Aie ! Et qu'avez-vous répondu ?
— Que je ne l'avais pas tué bien sûr ! J'ai une tête de tueur Anne ? m'inquiété-je.
— Évidemment que non, me rassure-t-elle. Amé est chamboulée par tous ces événements et elle commence à se poser beaucoup de question à votre sujet. Vous ne pourrez plus vous taire encore longtemps. Faites lui donc confiance, bon sang !
C'est le cas, mais il y a toujours ce petit doute. Cette maudite peur de l'effrayer et d'être rejeté. Si elle ne m'acceptait pas et qu'elle fuyait le château, que deviendrais-je ? Je me retrouverais de nouveau seul dans quelques mois pour l'éternité. D'ailleurs, je profite de cet instant pour aborder un sujet qui me tracasse depuis un petit moment.
— Vous connaissais l'histoire de la bête et la belle ? Anne, je suis ce monstre. Et l'équipe de Disney était complètement idiote de penser que la jeune fille pouvait tomber amoureuse de cette ignoble créature ! C'est impossible, à part dans ces stupides dessins animés.
— Arrêtez de faire l'enfant, bon sang ! Je vais vous botter les fesses si vous continuez à dire sottises pareilles, menace-t-elle.
J'esquisse un petit sourire. Heureusement qu'elle est là, pour me remotiver et me remonter les bretelles de temps en temps.
— Je lui dirais tout prochainement, promis-je. Vous allez bien en ce moment ? Comment se passe votre chimio, que disent les docteurs ?
Elle a longtemps essayé de me cacher sa maladie et ses aller-retour à l'hôpital, mais on n'échappe pas à ma surveillance aussi facilement. J'ai tout de suite remarqué le changement lorsqu'elle a entamé le traitement. Évidemment, elle a essayé de le cacher au mieux pour ne pas éveiller les soupçons et les inquiétudes, surtout auprès d'Amé. Elle a rapidement acheté une perruque et n'a pas hésité à mettre le prix pour qu'elle ressemble le plus possible à des cheveux naturels. Le maquillage a aidé à masquer son teint blafard et ses traits tirés par la maladie. Elle m'a alors tout raconté. Les médecins ont découverts un cancer des paumons en stade avancé. L'opération a été exclue à cause de l'emplacement de la tumeur jugée trop dangereuse à retirer. Anne étant malgré tout en bonne santé, ils ont alors opté pour une chimiothérapie avec espoir de guérison. Le traitement est lourd et fatiguant, mais elle tient bon. Elle se bat pour essayer de vaincre le mal qui la ronge depuis des années. C'est une femme courageuse du haut de ses soixante-dix ans.
— Très bien, je suis en rémission d'après les docteurs, sourit-elle.
J'aimerais me réjouir avec elle, mais je ne peux pas, car je sais qu'elle ne me dit pas la vérité. Anne a toujours été une bonne menteuse pour ne pas inquiéter les autres. J'aurais pu la croire, car elle est très convaincante. Pas de tic nerveux ou autre qui pourraient la trahir, mais malheureusement pour elle, j'ai un détecteur à mensonge infaillible. Grâce à ma condition de vampire, je peux savoir quand quelqu'un dit la vérité ou non. Comment ? Lorsqu'une personne ment, un si minime soit-il, son rythme cardiaque change et s'accélère. En être formidable que je suis, je parviens à capter cette infime différence. Anne est une femme forte, mais j'ai bien peur que la maladie finisse par avoir raison d'elle. Sa perte serait très difficile à bien des égards.
— Ne faites pas cette tête d'enterrement, on n'en est pas encore là. Je suis encore en vie, sourit-elle.
— Vous n'avez pas intérêt à mourir maintenant. N'oubliez pas que je vous ai sauvé et que votre vie m'appartient, lui rappelé-je. Et je n'ai pas encore décidé de vous laisser aller vous la couler douce au paradis.
Anne esquisse un sourire. Elle me connaît par cœur après tant d'années à mes côtes. Même si mes mots semblent froids et méchants au premier abord, ce n'est pas le cas. C'est ma façon d'exprimer mes sentiments de manière détournée, sans avoir l'air d'un ourson au coeur d'artichaut. Oui je sais, je suis légèrement tordu.
— Je ne mourrais pas avant d'avoir assister à votre mariage avec Amé, taquine-t-elle.
Mon rire raisonne dans la pièce. Quelle idée absurde. Moi, une abomination de l'enfer dans une église de Dieu ? Et qui plus est avec Amé ? Le tableau bien que ridicule, me fait presque envie. Je serais ravie et émerveillé de voir Amé à mes bras, portant une magnifique robe blanche.
— Parfait, alors vous ne mourrez jamais, souris-je. Maintenant allez-vous reposer. Vous avez une chimio demain si je ne me trompe pas. Soyez en forme.
— Oui, le taxi vient me chercher à dix heure. Je vais écouter vos conseils et aller me coucher. Bonne nuit.
Sur ces mots elle sort de mon bureau et me laisse seul avec mes pensées.
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Dracula
VampireCent cinquante ans qu'il erre sur cette terre. Il est lassé, mais il n'arrive pas à mourir,quoi qu'il fasse. L'immortalité peut paraître bien au premier abord. On jouit de la jeunesse éternelle, mais quand on est seul, cela devient vite un cauchema...