Chapitre 3

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Somebody to Love - Queen

Le mercredi était le jour de repos de toute la petite équipe d'animation du village. Pourtant, là où tout le monde traîne au lit le plus longtemps pour gagner quelques heures de sommeil, Joanne décide de se lever à l'aube. Ou plutôt, son cerveau très agité ne lui laisse pas d'autres choix. Quand elle comprend qu'elle peut insister tant qu'elle peut et qu'on ne lui accordera pas de repos supplémentaire, elle retire le drap de dessus son corps pour sortir du lit. A ses côtés, Louise s'agite mais demeure les paupières closes. Le cœur lourd, la jeune femme parcourt les courbes du regard, regrettant de ne pas être celle qui lui fallait, une fois de plus. Ne voulant pas perdre de temps, maintenant qu'elle était éveillée, elle rassemble ses affaires éparpillées dans la chambre pour se vêtir. L'ai du dehors était chaud, les rayons du soleil comme une caresse sur le village. Le silence régnait. En quête d'apaisement, elle laisse son regard parcourir le paysage du regard. Les montagnes des Alpes entourent le domaine, comme une muraille impénétrable. Qui voudrait quitter ce paysage paradisiaque pour retrouver la froide atmosphère des terres plus au Nord ? Sans doute aucune personne sensée. Malheureusement, Joanne n'était pas de ce genre-là. Elle avait une famille qui l'attendait, à qui elle avait imposé ses deux mois loin d'eux, pour faire un travail dont elle n'avait pas le besoin vital de réaliser. Ils n'étaient peut-être pas aisés mais ils ne manquaient de rien et surtout, elle sortait de cinq années d'études en droit. Tous s'attendaient là-haut à ce qu'elle passe le barreau dans peu de temps, ses résultats avaient été satisfaisants et pourtant, elle s'en sentait incapable. Pas qu'elle n'avait pas les capacités. Non, elle n'en avait simplement plus l'envie.

Quand elle avait eu ses résultats, elle n'avait pas sauté de joie comme ses camarades. Ses parents, si. Et elle avait compris qu'elle avait fait tout ça pour eux, plus que pour elle. Pour les rendre fiers. Les rassurer. Mais ses rêves étaient ailleurs et elle marchait droit vers elle.

La vieille camionnette fait un bruit d'enfer quand elle met le contact avant d'enfin se calmer une fois la grande pente à la sortie du village dévalée. Le regard droit devant elle, Joanne suit les instructions orales du GPS pour sortir un peu de la campagne et se rendre dans la grande ville la plus proche. Aujourd'hui, elle passe un entretien qu'elle sait important mais qui lui paraît pourtant si lointain, comme une illusion qui pourrait se déliter sous ses doigts. Son mail, envoyé quelques jours plus tôt, a reçu une réponse positive et très vite, la joie a laissé place à la panique. Ce matin, son estomac se tord dans tous les sens, si bien qu'elle n'a même pas songé à avaler quelque chose avant de partir.

- Tu vas avoir l'air fine si tu t'évanouis devant les recruteurs, Joanne, laisse-t-elle échapper entre ses dents.

Ses mains crispées sur le volant, elle prend une grande inspiration pour se détendre un peu, alors qu'elle s'engage enfin sur l'autoroute. La campagne a ses avantages mais les routes à 80 km/h n'en fait décidément pas partie. Le trajet dure un peu plus d'une heure et elle met encore une bonne demi-heure avant de trouver une place dans le centre-ville. Pourtant, elle est toujours en avance, comme elle le constate en jetant un regard sur l'horloge du tableau de bord. La camionnette garée, elle détache sa ceinture. Son cœur tambourine dans sa poitrine et son pouls s'accélère. Des pensées l'assaillent de toute part et il faut très chaud dans l'habitable. Elle ouvre la fenêtre mais ça ne suffit pas à stopper la montée de sa crise de panique. Celle qui était restée tapie dans l'ombre durant les derniers jours. Elle finit par l'envahir toute entière. Comme touchée par une balle invisible, Joanne doit mettre ses mains sur le volant pour y appuyer son front. Les larmes lui montent aux yeux et elle respire de plus en plus lentement. Des sanglots soulèvent sa poitrine à rythme irréguliers et pendant un temps, elle se laisse balloter par ses émotions avant d'enfin essayer de reprendre le contrôle. Cela commence par prendre une grande inspiration par le nez, tout en gonflant le ventre, bloquer la respiration quelques secondes, puis expirer bruyamment par la bouche. Elle répète cet exercice appris il y a quelques années, quand les crises se sont faites plus régulières, plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle se sente mieux. Elle finit enfin par relever son visage ravagé par les larmes. Un regard dans le rétroviseur lui montre l'étendue des dégâts.

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant