Chapitre 38

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            L'obscurité l'enveloppe de son drap soyeux, réconfortant. Elle papillonne des yeux, l'impression d'être encore dans son rêve. Son corps est pourtant bel et bien réveillé. La nuit est tombée sur la ville et elle peine à retrouver ses repères. Elle tâtonne dans le noir, jusqu'à ses doigts effleurent son téléphone. 20h04. Elle baille en se redressant. Ses bras vont chercher le plafond tandis qu'elle s'étire pour dénouer ses muscles. Des bruits de conversation lui parviennent du salon. L'oreille tendue, elle ne parvient cependant pas à reconnaître les voix. Elle suppose qu'elles sont deux et qu'au moins l'une d'entre elles est à Tom.

Elle découvre l'identité de la seconde au moment où elle fait son apparition. Nonchalamment assis sur un des tabourets du bar de la cuisine, George la regarde entrer avec une expression se situant entre la réprimande et l'approbation.

— Mais regardez donc qui nous revient, ne peut-il s'empêcher de la narguer.

Elle grimace mais oublie son ressentiment au moment où il la prend dans ses bras. Elle n'avait pas remarqué à quel point elle était une boule d'émotions jusque-là. Au moment où elle enfonce sa tête contre son épaule, les vannes lâchent et elle éclate en sanglots. La fatigue, mélangée aux évènements récents, le départ de sa patrie, les « au revoir » avec sa famille, l'acceptation de soi, tout cela mis ensemble n'avaient été qu'une bombe à retardement. Même si elle avait bien dormi, elle demeurait épuisée et elle s'en veut instantanément de craquer ici, et maintenant. Elle se recule en tapotant la chemise de son agent, maintenant marquée d'une trace humide.

— Je suis désolée, bredouille-t-elle en reniflant.

Il écarte ses excuses d'un revers de la main. Il ne semble pas plus contrarié que ça. Main dans la main, il l'emmène jusqu'au divan. Tom accoure déjà avec une tasse de thé brûlant. Elle le remercie dans un marmonnement peu audible puis se mouche avec grand bruit dans le mouchoir qu'il lui tend. Elle s'éponge les yeux. Ça y est, demain, ils seront tout gonflés. Elle peste en son for intérieur et se brûle la langue avec sa boisson. Elle lâche un juron, cette fois bien audible, et se remet à pleurer.

— Je suis désolée, répète-elle à tout va en reprenant un mouchoir.

— Ce n'est rien, darling, la rassure Geoge en tapotant son genou. Lorsque j'ai quitté l'Angleterre pour m'installer ici, j'écoutais God save the Queen tous les soirs avant de me coucher. Véridique, tient-il à mentionner en pointant son index sur tom, qui le regarde, dubitatif. Vous pourrez le mettre dans ma biographie.

Son anecdote un peu décalé, plus son humour, arrache un petit rire à Joanne, aussitôt suivi d'autres pleurs. Décidément, même en essayant de toutes ses formes, elle n'arrive pas à s'arrêter.

— Je... Je...

Elle essaye de leur expliquer mais Tom s'assoit à côté d'elle et lui prend la main. Celle restée libre lui caresse le dos pour la détendre et il lui murmure des paroles de réconfort.

— C'est normal, dit-il. Cela fait beaucoup à digérer, même pour une personne aussi forte que toi.

— Il en faut du courage, ma grande, enchérit George. Allez, vide tes caisses de larmes, ça va te faire le plus grand bien. Et après, pense à respirer comme je te l'ai appris.

Il lui refait une démonstration et elle s'efforce de le suivre. Enfin, après un quart d'heure, elle trouve un peu de répit. Se mouchant une dernière fois, elle essuie ses larmes du revers de la main puis pousse un très long et très profond soupir, de ceux qui viennent du plus profond de votre être. La crise était arrivée comme ça, sans crier gare. Tout aussi douloureuse qu'elle fut, elle était salvatrice. Cela pouvait paraître contradictoire mais elle avait désormais les pensées plus claires.

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant