Those Ocean Eyes [FR]

Chapitre 49

Glory Box - Portishead

Dans un silence plus que pesant, la voiture se gare devant la petite villa dans laquelle Joanne a vu ses rêves les plus fous éclore. A travers la fenêtre, elle l'admire comme si c'était la dernière fois qu'elle la voyait. C'est peut-être le cas. A ses côtés, d'une voix plus calme que d'habitude, d'un air grave et compatissant à la fois, George lui donne ses dernières directives. Il lui indique qu'il se charge de lui trouver le vol et l'hôtel pour l'amener jusqu'à New York et que le départ se fera sûrement dans deux jours, soit déjà le surlendemain. Elle réagit à peine à cette nouvelle, hochant la tête sans détacher son regard du petit chemin menant vers la porte. Ne trouvant rien à redire, son agent se tait et elle comprend cela comme le signal qu'elle peut partir.

Elle se déplace comme dans un rêve, un silence sourd s'abattant autour d'elle, ses membres se mouvant au ralenti, comme pris dans une glue épaisse. Sur ce petit chemin qu'elle a emprunté pour la première fois il y a quelques semaines, elle repasse tous les souvenirs de ces derniers mois. Avec la nouvelle de ce tournage, de ce rôle, ses ambitions se réalisent. Tout cela grâce à une rencontre, une seule, faite un jour de septembre dans le Sud de la France. Qui aurait cru que cet acteur désagréable serait celui à lui offrir la vie de ses songes les plus dingues sur un plateau ? Ses conseils, sa patience, ses contacts, il lui a tout donné, sans rien attendre en retour. Aujourd'hui, elle le remercie en quittant ce nid douillet, en prenant son envol, bien malgré elle. Car le quitter n'a jamais paru aussi difficile qu'en cet instant. Indéniablement, elle s'est beaucoup attachée à lui durant leur aventure commune.

Quand ses doigts tremblants tournent la clef dans la serrure, elle a à peine le temps d'ouvrir la porte que Tom fond sur elle, sortant du salon à toute vitesse pour la confronter. Son visage souriant fond soudain pour se faire paniqué, ne manquant pas de remarquer le masque décomposé de la jeune femme. Impatient, il la questionne :

— Que se passe-t-il ?

Les yeux bruns de Joanne croisent les prunelles bleues de Tom. D'une petite voix, elle laisse échapper la nouvelle, manquant d'y mettre l'excitation attendue pour laisser transparaître ses vraies émotions.

— J'ai eu le rôle, dit-elle en refermant derrière elle.

— Mais c'est génial ! s'exclame aussitôt son colocataire.

En deux pas, il réussit à la rejoindre. Ses bras l'entourent soudain pour la féliciter mais produisent tout l'effet inverse : coincée contre son épaule, Joanne fond soudain en larmes. Les sanglots n'étaient pas ceux espérés par son mentor, qui s'attendait à des larmes de joie. Au lieu de cela, la détresse de sa protégée le frappe en plein cœur, comme un poignard acéré. Sa main vient aussitôt caresser ses cheveux pour l'apaiser et il comprend soudain ce qui la met dans un tel état. Comme si elle avait été un livre ouvert, avant même d'avoir eu besoin de prononcer la moindre parole, il expose la difficile vérité :

— Tu ne peux pas venir avec moi...

Son soupir trahit sa déception à lui, tout en montrant sa compassion. Contre lui, Joanne hoche la tête pour dire « non ». Il la serre un peu plus fort contre lui en lui murmurant des paroles de réconfort, souhaitant plus que tout montrer que, même s'il était triste, il ne lui en voulait pas. Qu'elle devait se réjouir d'avoir été prise et se concentrer là-dessus, qu'ils auraient tout le temps de se retrouver. Même si, au fond de lui, il savait combien ce serait dur d'en trouver le temps, avec leurs deux emplois du temps...

Avec douceur, il la débarrasse de son sac et lui demande de retirer ses chaussures, pour la guider ensuite vers le salon. Là, il l'assoit sur le canapé et recouvre ses jambes d'un plaid, pour l'aider à se sentir bien et protégée. Emportée par ses larmes, Joanne commence à sangloter plus fort, rendant sa respiration difficile. Vite, Tom va dans la cuisine chercher du chocolat et revenir auprès d'elle. Mais elle refuse la gourmandise des jours qui vont mal. Son cœur souffre trop pour l'instant.