Chapitre 45

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Le déjeuner touche à sa fin. Les deux jeunes gens ont encore discuté, une fois leurs desserts engloutis. Sirotant leur milk-shake, admirant la mer, ils s'étaient échangés souvenirs et rêves d'enfants. La discussion était simple, naturelle. Les mots leur venaient sans honte ni gêne, sans réfléchir. Aucun jugement n'était formulé, ils se tenaient simplement là, à écouter l'autre parler. Ils ne s'interrompent que lorsque leur serveur leur indique que le restaurant va bientôt fermer, pour l'après-midi. Ils se lèvent alors, revêtant leur manteau. Tom part payer la note tandis que Joanne l'attend, dans l'entrée. Mains dans les poches, le nez dans son écharpe, elle observe son profil, se met à le dessiner dans sa tête. Son estomac est plein, à la fois de nourriture physique et de bonheur. Cela faisait longtemps, très longtemps, qu'elle n'avait pas échangé ainsi avec quelqu'un. La dernière personne était son frère. Cela voulait dire beaucoup.

Dans son élégant manteau noir, l'acteur va la rejoindre. Il termine de ranger son portefeuille puis lui offre son bras, comme pour l'aller. Elle le prend sans hésiter. C'est ainsi qu'ils franchissent le seuil de l'établissement, en sens inverse. Dehors, le vent s'est levé, sans doute la raison du déchainement des vagues qu'ils ont observées. Les surfeurs ont déserté et la plage est déserte. Une tempête se lève.

- Nous ferions mieux de nous dépêcher, marmonne le jeune homme.

Immédiatement, ils accélèrent la cadence, souhaitant rentrer chez eux au plus vite. Accrochée à Tom, Joanne se laisse entraîner comme une poupée. Quand le vent se fait plus fort et que la pluie l'accompagne, ils se mettent à courir. Leur euphorie leur fait piquer une pointe de vitesse, le tout en riant. Après plusieurs minutes de course effrénée, ils déboulent enfin dans le hall d'entrée. Tom referme la porte juste derrière sa colocataire et ils éclatent de rire. Les mains posés sur les genoux, tout en essayant de reprendre leur souffle, ils offrent un spectacle comique. Larmes aux yeux, la jeune femme finit par retrouver un rythme cardiaque correct. Son ami, lui, a mis moins de temps à récupérer, fort de sa nouvelle condition physique. Son manteau est déjà ôté et mis à sécher sur un cintre. Il tend à présent sa main vers elle pour la débarrasser du sien.

- Merci, fait-elle, la respiration encore un peu saccadée.

Elle passe une main dans ses cheveux. A quoi bon avoir pris une douche si c'était pour les retrouver mouillés à nouveau, trois heures plus tard ? Ils sont plaqués sur sa nuque, y répandant une sensation de froid qu'elle trouve plus que désagréable. Le jeune homme aussi a une coupe hasardeuse. Sans se consulter, ils se rendent dans leur salle de bain respective, d'un même pas. Là, Joanne allume le sèche-cheveux. Le tenant d'une main négligée, elle l'oriente vers sa chevelure et attend. Elle n'est pas pressée. Assise sur le rebord de sa baignoire, elle reste immobile pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce la chaleur devienne insupportable et que sa peau ne soit plus humide. Elle se regarde dans le miroir, à peu près sèche maintenant. Une bonne chose de faite, pense-t-elle.

Elle passe la tête par l'entrebâillement de sa porte, cherchant à savoir ce que faisait ensuite son colocataire. Le déjeuner qu'ils avaient passé ensemble l'avait mise sur un petit nuage et elle était triste de voir cette merveilleuse sensation déjà s'envoler. Derrière la porte de sa chambre, close, Tom ne réapparaissait pas. Elle entendait le bruit du sèche-cheveux, lointain. Soupirant, elle retourne sur son lit, refermant derrière elle. Shakespeare l'attend.

Quelques minutes plus tard, c'est la sonnette qui la tire de sa lecture. Elle perçoit les pas de Tom qui va ouvrir puis reconnaît la voix de Michael, le coach vocal. Elle se rappelle avoir été invitée à la leçon du jour et s'extirpe donc, non sans regret, de sa couverture. Chaussons aux pieds, elle va dans le salon, où les deux hommes se sont retrouvés pour échanger autour d'une tasse de thé. Ses cheveux pendant dans son dos, un gros pull enfilé pour apaiser la sensation de froid, le visage cerné et démaquillé, elle ne se sent pas très présentable face au mari de George, aussi élégant que l'était leur agent. Et Tom. Au milieu de tous ces spécimens du bon goût, elle se sentait décalée.

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant