Elle rentre à l'hôtel très énervée par l'échange qu'ils viennent d'avoir. C'est à croire qu'ils ne peuvent pas faire autre chose que se disputer, elle et lui. Pourtant, elle a la désagréable impression que cette fois, c'est de sa faute à elle. Elle sait bien qu'elle lui a menti concernant ses envies. Elle déteste son stage. Son tuteur a beau être très gentil et très pédagogue avec elle, ce n'est tout simplement pas ce qu'elle a envie de faire. Elle le sait mais s'obstine dans cette voie, au péril de sa santé et de ses amitiés. Tom n'essaye sans donc que de la raisonner, lui faire prendre conscience de la vérité derrière ce masque. Elle continue de faire l'autruche et s'emporte avec lui, constamment. Elle a envie de se taper le front contre la paroi de l'ascenseur, pour se maudire de sa bêtise. Elle se sent prise au piège.
La chambre lui paraît être un maigre réconfort. Son lit est un appel à la détente et elle s'assoit dessus avant même d'avoir retiré son manteau. Pendant quelques instants, son regard se perd dans le vide. Ses pensées divaguent, à la recherche de la dose suffisante de courage pour oser se lever contre l'adversité. La veille au soir, elle était déterminée. Tout s'était effacé à son réveil et ses angoisses avaient repris. Elle ne se sentait pas capable de le faire et se morfondait sur son sort, alors qu'il lui suffirait juste de se faire confiance, pour une fois. Soudain, le visage de George lui apparait et elle se tape le front de la paume de sa main, prenant conscience qu'elle s'était enfuie sans même le prévenir, alors même qu'il venait d'accepter de la prendre sous son œil.
— Mais quelle idiote je fais, murmure-t-elle, pleine de dépit.
Une grosse bouffée d'angoisse la submerge. Elle a sûrement dû le blesser, le décevoir. Elle l'a planté là sans sommation. Il ne voudra plus jamais travailler avec elle. « Pourtant, Tom a parlé d'un projet qu'il t'aurait trouvé », lui rappelle sa conscience. Alors peut-être ne l'a-t-il pas oublié ? Elle aimerait pouvoir poser la question mais tandis qu'elle attrape son téléphone, elle se retient. Non, elle ne peut pas continuer de jouer la girouette ainsi. Elle a pris une décision, elle doit s'y tenir maintenant. Elle doit retourner en France pour poursuivre son stage. Ensuite, elle avisera. Elle repose son mobile sur la table de chevet puis se rend dans la salle de bain pour se laver les cheveux. Elle prend le temps qu'il faut pour s'en occuper, passant et repassant sa main sur son cuir chevelu pour le masser. Elle applique son masque, le laisse poser en regardant une émission de TV anglaise. Puis, une fois la corvée finie, elle les enroule dans une serviette et attend patiemment qu'ils se dégorgent de l'eau accumulée. Elle se rend à la fenêtre. Maintenant qu'il fait jour, elle peut admirer le parc dans son ensemble. Au loin, elle voit même le palais de Kensington, résidence du Prince Harry et de sa femme Meghan depuis leur récent mariage. Elle se met à rêver de belles robes et de princesses, comme quand elle était petite. Elle a toujours eu une imagination débordante et c'est en partie de là qu'est née son envie de devenir une actrice. Enfiler un nouveau rôle à chaque film, vivre une nouvelle histoire, incarner un nouveau personnage, c'était une activité qu'elle faisait sans cesse étant enfant. Après avoir lu telle saga de fantasy, elle s'imaginait en elfe chevauchant à travers des contrées oubliées, épée à la main, prête à accomplir une quelconque prophétie. Quand elle découvrit les jeux vidéo, ce fut en Lara Croft courageuse et téméraire qu'elle s'incarnait, archéologue passionnée à la recherche d'une relique disparue.
En étant actrice, elle aurait pu être tout cela à la fois. Elle pouvait raconter autant d'histoires qu'elle le voulait, sans se sentir contrainte par une limite ou une autre. Il n'y avait aucune frontière, aucune barrière. C'était cela dont elle rêvait. Elle voulait s'échapper du monde réel, terne, ennuyeux, pour devenir quelqu'un d'autre et recommencer sitôt que l'occasion se présentait. Hélas, elle avait grandi et en devenant adulte, elle avait dû faire face à ce qu'on appelait des « responsabilités, la « société », avec son modèle de réussite qu'il fallait absolument suivre, au risque de paraître comme une marginale dans un cas contraire. Elle voulait être bien vue par ses pairs, par ses parents, et c'était bien là le souci : elle ne vivait pas pour elle mais pour les autres.
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Those Ocean Eyes [FR]
RomanceJoanne Bouvier ne rêve que d'une chose depuis sa plus tendre enfance : devenir actrice. Mais pour le moment, elle se perd plutôt dans des études qui ne la passionne pas vraiment. Un job d'été plus tard, la voilà embarquée dans une aventure aux consé...