Chapitre 30

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La voilà de retour dans cet aéroport, prête cette fois-ci à rentrer définitivement chez ses parents. Elle essaye de ne pas trop penser à ce retour forcé et aux conséquences qu'il y aura derrière. Elle serre les dents au moment de présenter son billet à l'embarquement. Ainsi donc, c'est la fin. Elle va s'installer dans l'avion, à la place qu'elle a réservée. Elle se retrouve coincée dans la rangée du milieu et le voyage s'annonce déjà long. Elle soupire, prend son téléphone et met ses écouteurs. Elle laisse la musique envahir son esprit, en espérant que cela viendra étouffer ses pensées parasites qui l'assaillent depuis plusieurs jours. Ses yeux sont rouges, gonflés. Elle a beaucoup pleuré, presque au bord de la déshydratation. Elle pleurera sûrement en revoyant sa famille. Ils lui ont beaucoup manqué, pourtant, les retrouver avant d'avoir réalisé son rêve a un goût amer. Cela lui rappelle son échec. Et Joanne a horreur des échecs. Son perfectionnisme à toute épreuve a beaucoup de mal à digérer ce fait. Pourtant, elle a elle-même décidé d'abandonner. Par fatigue, désespoir, manque de confiance en elle. Elle le sait, elle en est consciente. Mais cela ne l'a pas empêché de monter à bord de cet avion.

Peut-être que Tom a raison. Elle maîtrise la fuite mieux que personne.

De rage, elle en retire ses écouteurs. Cela ne sert à rien, elle ne parviendra pas à se calmer. Les mots qu'il lui a crié à la figure sont gravés au fer rouge dans sa mémoire et la hantent. Elle n'est pas capable de faire face et d'assumer ses choix. Elle n'est pas capable de prendre des risques. Elle est trop peureuse pour cela. Comment a-t-elle pu imaginer pouvoir dévier un jour du chemin qu'on lui avait tracé ? Comment a-t-elle pu penser avoir du talent ? Comment a-t-elle eu l'audace de s'imaginer en grande actrice ? Elle se hait pour avoir été aussi naïve. Elle se hait pour être aussi faible. Elle a bien raison de retourner dans les jupons de Maman. C'est là qu'est sa place.

Il n'y a rien d'intéressant à dire sur le trajet en avion. La traversée de l'Atlantique en sens inverse prend plus de temps qu'à l'aller mais cette fois, elle débarque directement à Paris-Charles de Gaulle. Tirant sa valise derrière elle, elle pénètre dans le grand hangar où attendent les familles. Elle se met sur la pointe des pieds pour tenter d'apercevoir la sienne et c'est finalement une étreinte surgissant de nulle part qui la prend par surprise.

— Léon ! s'exclame-t-elle en reconnaissant son frère.

Elle l'étreint de toutes ses forces, prenant conscience de combien son petit frère, avec qui elle est si proche, lui a manqué. Et combien il a grandi en son absence. Elle-même est une grande femme mais il est en train de la rattraper.

— Bon sang, ce que tu as poussé ! dit-elle en le regardant dans son ensemble. Qu'est-ce que Maman t'a donné à manger ?

— Que de bonnes choses, répond cette dernière.

C'est à son tour d'enlacer sa fille dans ses bras, puis à son père. Joanne Bouvier est de retour chez elle et la sensation de bien-être la réconforte un peu. Elle se sent protégée désormais. Avec ses parents à ses côtés, et son frère en fidèle allié, elle paraît invincible. Si seulement elle était capable de l'être sans eux...

— Alors, cette aventure américaine ? demande son père en récupérant sa valise. Tu as vu de belles choses ?

— Oui, répond la jeune femme en leur emboitant le pas vers la sortie. J'ai pu découvrir un mode de vie très différent du nôtre. Si vous voyiez leur supermarché, c'est énorme !

— Tu as mangé beaucoup de hot-dogs et de fast-food ? s'enquiert l'estomac sur patte qu'est Léon. Mon rêve d'aller là-bas et de dévorer un énoooorme cheeseburger plein de gras et de...

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant