Those Ocean Eyes [FR]

Chapitre 1

Yes - Merry Clayton

Certains fêtent l'obtention de leur diplôme de fin d'études en partant dans les chauds mois de l'été vers de nouvelles contrées, tropicales de préférence, pour se dorer la pilule et enfin mettre ses doigts de pieds en éventail - comprenez, ne rien faire du tout ! Oui, les études de droit sont longues et éprouvantes et j'ai failli abandonner plus d'une fois. Pourtant, je ne regrette pas. Je ne regrette rien.

Ou peut-être que si, je regrette une seule chose. Mais ça n'a plus d'importance.

Joanne referme son journal juste au moment où une de ses collègues fait son entrée dans le bungalow qu'elles partagent sur le site de vacances. Cette dernière remarque son air gêné et ne peut s'empêcher de lui demander, un sourire en coin :

- Mais qu'est-ce qu'elle nous cache, la petite Jo' ? Une revue pour adultes ?

- Toujours aussi élégante, Deb, dit la jeune femme en grinçant des dents.

Elle fourre son précieux carnet sous son oreiller et pour bien montrer qu'elle ne compte pas en dévoiler les secrets si facilement, elle s'assoit dessus en croisant les bras. Son regard noir croise celui de Deborah. Deux mois bientôt qu'elles travaillent ensemble en tant qu'animatrice sur ce camp de vacances, perdu dans la campagne provençale, et jamais elles n'avaient réussi à vraiment s'apprécier. Deborah était une adulte tout juste sortie de l'adolescence, à la curiosité maladive et aux blagues lourdes, tandis que Joanne était son exacte opposée. Plus vieille de quelques années, c'était là son premier vrai job d'été, alors que sa colocataire enchaînait les animations depuis deux ans. Très vite, elle s'était sentie obligée de coller la nouvelle recrue pour lui expliquer les tenants et les aboutissants de la vie au camping, sans se priver pour placer de temps à autre une ou deux remarques déplacées. Même les hommes du club vacances étaient moins gênants !

- On a besoin de toi au pavillon enfants, finit par lâcher Deborah en sortant de son placard un carton rempli de chasubles de différentes couleurs. L'activité de l'après-midi va commencer et tout le club se déplace.

- Tu m'étonnes, maugrée Joanne. Vas-y, j'arrive.

Deborah la détaille de haut en bas avant d'enfin tourner les talons, son carton dans les bras. Une fois la voie libre, Joanne passe la main sous son oreiller pour ressortir son carnet pour y finir sa page de la journée. Elle a besoin de se vider le cœur et l'esprit pour ne pas sombrer dans une folie créative et hyperactive. Ses doigts griffonnent à la hâte quelques mots avant de sceller à nouveau le journal et de le cacher, cette fois dans la sécurité de sa valise, sous la pile des culottes encore propres qui lui restent. Puis, relevant ses cheveux en une longue queue de cheval, elle sort elle aussi du bungalow, soupirant à la seule idée de l'après-midi qui l'attendait.

S'il y a bien une chose que je regrette, c'est de ne pas avoir poussé mon rêve jusqu'au bout...

Le club de vacances est un vaste complexe situé en plein cœur de la région Provence, entre deux anciens villages médiévaux. A flancs de collines, de petites maisons accueillent les familles de joyeux vacanciers qui essaient de s'arracher, au moins pour un temps, à la futilité du monde qui les entoure. Pour se ressourcer, disent-ils. Souvent, Joanne se demande pourquoi elle s'inflige cette torture à la sortie de son Master au lieu d'elle aussi profiter du soleil méditerranéen pour se poser un peu. Ce genre de pensée la prend souvent, si ce n'est toujours, au moment de faire l'activité des clubs enfants, dans l'après-midi. Ce jour-là, le rendez-vous est fixé au terrain de foot du complexe. En ces temps de coupe du Monde, les enfants sont bien entendus surexcités et elle peut déjà percevoir leurs cris à la sortie de sa petite maisonnette. Ses baskets traînent des pieds dans le gravier du chemin la menant vers le pilori et ses épaules s'affaissent déjà dans l'attente de la torture. Mais quand elle est enfin visible pour tous, elle redevient l'animatrice Jo', la préférée de tous.