Chapitre 24

192 19 19
                                    

Son prénom est la seule chose qui parvient à franchir la barrière de ses lèvres. Sa surprise est si grande que la terre commence à tourner. Elle se demande si elle n'est pas en train de rêver. D'une manière assez comique, elle passe la tête par le cadre de la porte pour regarder à gauche, puis à droite, si une équipe de caméra cachée ne se trouve pas dans les couloirs, occupée à lui faire une blague. Tom l'observe faire en haussant un sourcil, un sourire étirant ses fines lèvres. Elle croise son regard bleu. Le souffle commence à lui manquer. Elle avait oublié combien il lui avait manqué. Elle doit retenir une brusque vague d'émotions qui mouillent ses yeux et se racle la gorge pour reprendre contenance.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? demande-t-elle.

Elle ne veut pas le faire entrer dans son appartement, pas avant d'être certaine de ses intentions. Leurs derniers adieux lui laissent toujours ce goût acide en bouche et elle n'est pas tout à fait sûre de comment elle se sent par rapport à lui. Perdre son amitié lui avait coûté, tant qu'elle avait complétement enfouie sa peine en se perdant corps et âme dans la poursuite de ses rêves. Et d'une certaine façon, elle lui avait donné raison : elle n'avait aucune envie de faire du droit. Mais elle n'admettrait pas ses torts devant lui. Pas tout de suite.

- Je suis venu te parler, finit-il par avouer. J'espérais que tu me laisses entrer plutôt que d'avoir cette conversation dans ce couloir. Je suis presque sûr que ta voisine écoute aux portes.

Il indique d'un geste du pouce l'entrée qui se situe juste dans son dos. Comme pour corroborer ses dires, on entend des bruits de pas qui s'éloignent précipitamment. Joanne soupire, scrute le visage de celui qui a tant fait pour elle. Ses cheveux ont un peu poussé et ondulent en légères boucles autour de l'ovale de son visage. Sa barbe décore également ses joues, quoiqu'encore fine. Et ses yeux... Ses yeux sont toujours comme deux immenses saphirs qui sondent votre âme. Ce bleu limpide lui donne l'impression de s'y noyer. Elle ne s'y fera jamais. Après de longues secondes de réflexion, elle finit par s'écarter tout en lui tenant le battant grand ouvert.

- Merci, dit-il dans un murmure.

Il pénètre dans sa demeure et elle referme derrière lui, non sans jeter un regard suspicieux vers le palier de sa voisine. Une fois que la lumière du couloir disparaît, l'appartement est plongé dans une semi-obscurité. La nuit tombe de plus en plus tôt et seule la télévision encore allumé éclaire le petit studio de la jeune femme. Elle sent soudain le rouge lui monter aux joues alors qu'elle se rend compte du bordel dans lequel ce dernier se trouve. Tant pis, c'est la vie. Tom ne devrait pas se formaliser pour si peu. D'ailleurs, il semble observer avec grande attention et intérêt son lieu de vie.

- Je vois que tu t'es bien installée à Los Angeles, fait-il remarquer avec un petit sourire.

Il a mis ses mains dans les poches arrières de son jean, comme s'il se sentait hésitant, mal à l'aise. Elle remarque au même moment qu'elle l'a imité. Ainsi, ils sont deux à ne plus savoir comment se comporter l'un avec l'autre depuis leur dispute à l'aéroport. Pour casser cette imitation, elle croise les bras sur sa poitrine. Le grand T-Shirt qu'elle porte en guise de pyjama fait pâle figure à côté de la chemise de Tom. Décidément, cet homme a un sens du style indéniable. A-t-il jamais porté un vieux jogging dégueulasse le dimanche, en regardant des émissions banales à la télévision, comme elle en ce jour ? Cet homme était un concentré d'élégance et de raffinement.

- Il a bien fallu que je me trouve un toit à mon arrivée ici, finit-elle par répondre sur un ton égal. Cela ne me dit toujours pas ce que tu fais ici et comment tu as eu mon adresse ?

- Je t'ai vu, répond-il précipitamment. Dans cette... Série, si on peut appeler ça comme ça.

- Tiens donc ? s'étonne-t-elle. Tu es du genre à regarder des séries pour ado ?

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant