Il regarde autour de lui d'un air paniqué et elle se rend compte qu'elle attire peut-être l'attention sur eux. Elle pose ses deux mains sur sa bouche pour étouffer son hilarité, tous ses muscles se crispant sous une montée soudaine d'adrénaline. Puis quand il rit à son tour, elle se détend, comprenant qu'il ne lui faisait qu'une farce.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle à voix basse.
- Quoi donc ? Je n'aurai donc pas le droit de voyager, moi ? fait-il à voix haute.
C'est à son tour de regarder si personne ne les a remarqué : elle se hausse dans son siège pour observer au-dessus du fauteuil devant elle si quelqu'un s'approche d'eux avec un appareil photo et un carnet dans les mains. Rien à signaler. Elle repose ses fesses et se tourne vers lui comme pour lui demander implicitement plus d'explications. Il soupire puis baisse ses lunettes sur son nez, en se penchant vers elle pour lui souffler sur le ton de la confidence.
- Je dois me rendre à Los Angeles pour affaire et ce vol était attractif à bien des points de vue.
Elle rougit et se détourne de ses yeux bleus, qu'il recache prestement derrière ses lunettes. Pour la détourner de son embarras, l'hôtesse de l'air se lance dans l'explication des consignes de sécurité, qu'elle écoute avec une certaine désinvolture : ce sont toujours les mêmes. Ceci fait, l'avion se met en marche sur la piste. Elle accroche sa ceinture juste avant qu'il ne soulève sa lourde carcasse du sol britannique pour voler vers d'autres cieux. Ses oreilles se bouchent alors que la pression de l'air change et elle doit retirer ses écouteurs. Elle ouvre et referme la bouche en espérant que cela suffira à améliorer son écoute mais en vain. Tom sort alors de sa poche un paquet de chewing-gum et lui en tend un, tout en prenant lui-même. Elle le remercie et constate rapidement que l'astuce fonctionne : elle finit par entendre à nouveau clairement.
Son voisin ne manifestant pas l'envie de s'entretenir avec elle, semblant même somnoler derrière ses lunettes, elle met en route un film sur la petite télé incrustée dans le siège devant elle. La qualité n'est pas incroyable mais elle fera l'affaire jusqu'à Dublin : elle a perdu l'envie de dormir et n'a pas d'autres choix que de s'occuper comme elle peut. Le catalogue propose un film anglais qu'elle apprécie beaucoup, « Quatre mariages pour un enterrement », et elle le lance sans attendre. Après une dizaine de minutes de visionnage, elle sent que Tom est sorti de sa « sieste » et regarde le film lui aussi. Elle lui sourit quand elle se tourne pour vérifier et qu'elle croise son regard, puis se réintéresse à l'intrigue. Elle a mis la version originale et a donc le plaisir de constater toute l'étendue de ce fameux humour britannique dont elle a tant entendu parler. Elle rigole souvent, pouffant pour ne pas déranger ces voisins, et rougit quand Hugh Grant et Andie MacDowell font l'amour. Elle détourne le regard tandis que Tom soupire, comme las. Il finit par dire, quand le plan passe à un autre :
- J'espère qu'ils s'entendaient bien sur le plateau, sinon ça a dû être un calvaire.
- Tu as dû déjà faire ça ? ne peut-elle s'empêcher de poser la question.
Elle s'en veut immédiatement, pas certaine de vouloir connaître la réponse. Mais il est trop rapide pour qu'elle la retire.
- Oui, plus d'une fois. A vrai dire, à chaque fois que j'ai dû jouer l'amant ou le compagnon de quelqu'un, cela dépassait la fiction. Je n'y ai jamais mis de sentiments, cependant, et je pense que c'en a blessé plus d'une. Ce sont les risques du métier. C'est monnaie courante dans notre profession. Elles attendaient toutes plus et je n'ai pas été capable de leur offrir ce qu'elles désiraient.
Ses joues déjà brûlantes deviennent incandescentes et elle se concentre très fortement sur le film pour ne rien répondre. Ne rien demander de plus. Laisser sa curiosité maladive de côté. L'avion amorce sa descente vers Dublin juste avant que le film ne devienne dramatique et elle en est reconnaissante. C'est toujours la partie qu'elle déteste le plus. Elle éteint la télé quand l'hôtesse passe dans leur couloir pour leur demander de boucler à nouveau leur ceinture. L'atterrissage se fait sans encombre et le pilote récolte les habituels applaudissements. Très vite, ils se dirigent comme un seul homme vers la sortie. Impressionnée par cette marée humaine, Joanne se glisse derrière Tom et le suit comme son ombre. Quand ils émergent dans l'aéroport, elle a déjà un peu plus de place pour respirer. Elle secoue ses bras qu'elle avait tenus autour d'elle comme si elle se faisait un câlin, et les laisse enfin le long de son corps. Tom la regarde, attentif :

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Those Ocean Eyes [FR]
RomanceJoanne Bouvier ne rêve que d'une chose depuis sa plus tendre enfance : devenir actrice. Mais pour le moment, elle se perd plutôt dans des études qui ne la passionne pas vraiment. Un job d'été plus tard, la voilà embarquée dans une aventure aux consé...