Chapitre 27

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Son corps porte les stigmates de son marathon de la veille. Lorsque la sonnette de la porte d'entrée la tire des bras de Morphée, elle peut sentir et entendre chacun des muscles de sa grande personne protester à grands cris. Les courbatures sont réelles, la fatigue aussi : il n'est que huit heures du matin quand George apparaît sur le pas de sa porte. Son visage est marqué par la petite nuit de quatre heures qu'elle vient de passer. L'agent artistique paraît surpris de la voir dans cet état-là et s'en enquiert dès qu'il entre dans le studio.

- Mais quelle est cette tête épuisée, ma chère ? s'inquiète-t-il. On dirait que tu n'as pas dormi de la nuit.

- C'est un peu ça, marmonne la jeune femme en enfilant un pull par-dessus son pyjama trop léger pour ces froides températures. J'ai travaillé tard hier soir.

- Comment fais-tu pour participer à des castings ? s'étonne-t-il. J'ignorais que tu avais un second métier.

- C'est purement alimentaire, le prévient Joanne. Je n'ai pas le choix si je veux rester aux Etats-Unis, je dois me payer un toit. Je les passe le matin et l'après-midi et je retourne travailler en soirée.

Dans sa tête, pour elle, elle rajoute : « on n'a pas tous les moyens de vivre de sa passion ». Et c'est tristement vrai. Même si elle s'entraîne dur pour réussir, elle sait bien que ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas assez. Tant qu'elle a cette contrainte à respecter, elle ne peut pas s'investir à fond dans ce qui la motive vraiment. Elle est prise au piège de cette société où il faut travailler pour se nourrir, vivre, payer ses factures. Même si George paraît très gentil, il est loin d'évoluer dans le même monde qu'elle. Il n'y a qu'à voir la qualité de ses vêtements, la belle montre qu'il porte aux poignets. Il paraît très loin des tracas qu'elle peut vivre. La fatigue lui fait monter les larmes aux yeux alors qu'un peu de désespoir s'empare d'elle. Ne ferait-elle pas mieux de rentrer en France, chez Papa, Maman ? Elle est peut-être trop jeune, trop fragile, pour vivre cette aventure seule et maintenant. Ou vivre cette aventure tout court. Elle n'a sans doute pas la trempe nécessaire pour réussir dans ce milieu. Elle se retrouve à deux doigts de congédier l'homme mais celui reprend la parole avant qu'elle ne commette quelque chose de regrettable.

- Je t'admire, soupire-t-il. Vraiment, confirme-t-il avec entrain en voyant ses yeux embués par la fatigue. Peu de personnes ont le mental d'assurer leur survie tout en poursuivant leurs rêves les plus fous. Tom m'avait prévenu que tu étais une dure à cuir, je suis ravi de le constater de mes propres yeux.

Le peu de sommeil a raison de sa retenue et elle sent ses joues devenir humides alors qu'un élan de gratitude emplit son être tout entier. C'est une des premières fois, depuis longtemps, que quelqu'un reconnaît sa valeur ainsi. Elle a du mal à s'aimer toute seule, alors quand quelqu'un lui montre de tels signes de respect, c'est une grande victoire. Sans qu'elle ne le voit venir, elle se retrouve enlacée par George qui, très paternel, lui caresse le dos pour l'apaiser.

- Je suis désolée, dit-elle entre deux sanglots. La fatigue...

- Fait perdre tous nos moyens, termine-t-il à sa place. Je sais, darling, j'y suis moi-même très sensible.

Il se recule pour regarder comment elle va. Elle essuie ses larmes avec la manche de son pull, ainsi que son nez. Si ce n'est pas très glamour, cela ne semble pas choquer plus que ça la personne en face d'elle. L'homme l'observe avec un petit sourire rassurant et lui montre comment respirer plus calmement après une crise de ce genre. Elle suit à la lettre ses indications puis le remercie une fois qu'elle a repris ses esprits.

- Ne me remercie pas, fait-il avec un geste désinvolte de la main. C'était la moindre des choses.

- Ce n'est pas le cas de tout le monde, malheureusement, réplique-t-elle avec un petit sourire triste.

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant