Those Ocean Eyes [FR]

Chapitre 47

Les trois se regardent tandis que le principal locataire des lieux fait irruption dans le salon. Une brève seconde de silence gêné avant qu'il n'aille saluer George. A Joanne, il ne fait qu'un petit signe de tête. La jeune femme le voit pour la première fois de la journée : il est en tenue de sport, trempé lui aussi par la pluie qui s'est mêlée à la sueur. Leur agent se charge de faire la discussion pendant que la jeune femme se tient en retrait, mal à l'aise. Finalement, ils sont laissés seuls tous les deux, leur ami prétextant un nouveau rendez-vous à honorer. Un « au revoir » plus tard et les voilà qui se font face.

Sa main frotte son bras opposé dans l'attitude d'une femme préoccupée, lui se masse la nuque, incapable de savoir quoi dire. Finalement, le regard de Tom se pose sur l'assiette de pancakes sur la table et son visage se détend un peu.

— Oh, c'est toi qui les as fait ? demande-t-il en les pointant de son index.

— Oui, acquiesce-t-elle, j'ai pensé que cela pourrait te faire plaisir.

— C'est le cas, merci.

Le silence revient alors qu'il reste planté là, debout dans la cuisine. Elle demeure assise sur le canapé, cherchant comment crever l'abcès. Depuis hier soir, l'atmosphère est tendue et désormais qu'elle sait que son départ est proche, elle tient plus que jamais à briser la glace. Alors elle se lance, s'avançant légèrement sur l'assise comme si elle allait se jeter dans le vide, la voix timide mais claire.

— Tom, il faut qu'on parle, annonce-t-elle très sérieusement. Il y a de nouvelles rumeurs qui circulent sur nous et...

— Je le sais, l'interrompit-il, assez agacé. C'est pour ça que... Je suis allé courir, fait-il en désignant sa tenue de sport. Je n'ai pas pu dormir en voyant ces images, j'ai eu le besoin de courir. Je pensais pouvoir t'en parler avant que tu ne tombes dessus.

Cette simple phrase touche Joanne, qui accepte avec joie ce petit élan de compassion venant de sa part. Mais il demeure toujours quelque chose dont ils doivent parler, un sujet assez épineux qu'il faut bien traiter, un jour ou l'autre.

— Qu'est-ce qu'on va faire ?

— « On » ? répète-t-il. Parce que c'est comme ça, maintenant, nous sommes un « on » ? Je crois qu'avant toute chose, Joanne, il faut que nous prenions une décision.

— Une décision sur quoi ? le questionne-t-elle, frappée par le ton de colère qu'a pris sa voix.

—Sur la personne que nous voulons devenir l'un pour l'autre, assène-t-il, laissant planer un silence de quelques secondes. Je peux devenir un étranger pour toi, si c'est ce que tu veux.

L'espace d'une fraction de secondes, une ombre blessée alourdit ses traits. Touchée, Joanne réplique immédiatement, se levant de son siège pour lui faire face avec plus de force, son cœur parlant avant sa raison.

— Non, ce n'est pas ce je veux ! Tu vas bientôt partir, George me l'a dit, explique-t-elle devant son regard inquisiteur. Je veux profiter de toi. De ta personnalité, et aussi de tout ce que tu peux m'apprendre. Dans mes interviews plus tard, je veux pouvoir dire que c'est toi qui m'as tout appris. Que c'est toi qui es venu me sortir de ma routine pour me pousser à vivre mes rêves.

Une longue déclaration mais peut-être pas celle qu'il attendait. Leur relation était trop ambigüe, perturbée par ce jeu d'acteur qui leur faisait perdre leurs repères. Comment savoir ce qui est vrai dans ce monde fait de comédie ? A la place, elle peut certifier avoir besoin de lui en tant qu'enseignant, en tant que soutien. En tant qu'ami et mentor. Car c'est ce qu'il est, à ses yeux. La personne qui, au-delà des premières apparences, a été celle à croire en elle et à la pousser à faire des choix déraisonnés. A partir loin, dans l'inconnu, sans garantir d'arriver quelque part. Il avait été l'impulsion qui lui avait tant manqué pendant des années, le déclencheur d'une série d'événements, parfois infortunés, parfois surprenants. Depuis quelques mois, elle avait l'impression de vivre une nouvelle vie et c'était grâce à lui. Grâce à Tom, elle se sentait plus vivante.