Those Ocean Eyes [FR]

Chapitre 21

Elle boit une gorgée de son chocolat chaud pour s'humidifier la gorge, avant de commencer son récit. Elle ne s'attendait pas à ce que la conversation s'oriente vers elle mais après tout, ce n'était qu'une suite logique des choses. Il s'était dévoilé à elle, ne serait-ce pas un juste retour que de faire de même ? Elle croque un bout de son muffin pour se donner du courage, se racle la gorge puis se dégonfle à la dernière minute.

- Tu es sûr que tu veux m'entendre me plaindre sur la médiocrité de ma vie ? fait-elle avec un sourire gêné.

- Oh allez ! la taquine-t-il. Ça ne doit pas être aussi terrible que ça. Tu dois bien avoir eu de jolies histoires d'amour.

- Pas tant que ça, se renfrogne-t-elle en reprenant du chocolat pour cacher son trouble.

Elle détourne le regard et elle l'entend tousser, visiblement mal à l'aise d'avoir osé poser la question. Elle se mord la lèvre, refoulant les larmes qui lui montent aux yeux. Elle s'était promis de ne plus verser une larme pour ces histoires de cœur. Elle l'entend demander une autre chose, orientant cette fois la conversation vers un sujet moins épineux.

- Parle-moi de tes rêves alors. On partage les mêmes mais sans doute pas pour les mêmes raisons.

- D'accord, se retourne-t-elle. Pour ça, je suis partante.

- Je suis désolé, dit-il mais elle passe outre ses excuses.

Elle finit de boire son chocolat et repose le gobelet vide sur le plateau. Elle se saisit de la serviette pour s'essuyer le coin de la bouche puis commence à jouer avec alors qu'elle prend la parole.

- Quand j'étais petite, j'étais très seule. J'étais enfant unique jusqu'à mon entrée au collège, à l'âge de onze ans chez nous. Je ne me rappelle plus de votre système scolaire, au Royaume-Uni, s'interrompt-elle soudain, mais voilà, jusqu'à onze ans, j'étais fille unique et cela m'a beaucoup pesé. Ce n'était pas vraiment la faute de mes parents, ils ont essayé. Vraiment dur mais la nature... Elle n'avait pas décidé de me faire l'honneur d'être grande sœur.

Elle hausse les épaules avec un petit sourire tendu, comme si ce n'était pas très grave comme histoire. Elle refoule ses sentiments et se cache derrière un masque insensible mais son cœur se serre rien que de repenser à cette période de son enfance.

- Finalement, ils ont été aidés et mon petit frère est né. Oh, c'était génial et depuis sa naissance, je n'ai plus été seule de ma vie ! Mais voilà, avant ça, j'étais seule, mes parents étaient occupés au travail ou à la maison et je devais jouer. Alors, j'ai commencé à m'inventer des histoires. D'abord, c'était avec mes poupées. Je les faisais parler tout en regardant des cassettes, puis quand c'était la nouveauté, des DVD. J'avais la chance d'avoir un vieux poste de télévision dans ma chambre et comme j'avais l'interdiction formelle de déranger mes parents, je regardais des tas de films. Et j'avais à chaque fois envie de traverser l'écran pour vivre toutes ces aventures et arrêter de m'ennuyer.

Elle a un air nostalgique depuis quelques minutes, pensif et songeur. Tom, les mains liées sous son menton, l'écoute avec toute l'attention du monde, sans l'interrompre une seul fois. Ses yeux sont brillants, comme s'il vivait ses émotions, comme si c'était les siennes. C'est seulement quand la voix de la jeune femme se tarit qu'il entre-ouvre les lèvres pour prendre la parole, de manière très douce et respectueuse.

- Je dois reconnaître que, malgré mes deux frères, j'ai vécu la même chose, dit-il. J'étais le plus petit, celui dont on se moquait dans la cour de récréation et parfois même à la maison. Personne ne voulait jouer avec le petit Thomas. J'ai trouvé un refuge à la solitude, comme toi. Mais c'était dans les œuvres de Shakespeare. Hamlet et compagnie. C'était mon passe-temps favori et ça m'a valu d'être encore plus considéré comme un étrange gamin. Ça m'a suivi jusqu'à mes études et même encore après. J'ai été acteur de théâtre pendant longtemps, très longtemps et j'adore toujours ça. C'est un de mes premiers amours. Un amour qui ne risque pas de m'abandonner du jour au lendemain.