Chapitre 2

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Point de vue d'Emma :

-"putain de valise" m'écriais-je en lançant rageusement ma valise contre un mur, cette dernière s'ouvrit et mes vêtements s'étalèrent par terre, Jacob entra dans notre nouvel appartement assidument suivi d'Harlow qui ricana en m'entendant jurer dans toutes les langues possibles.

-"Putain, c'est toi qui a choisi cette valise alors ne viens pas te plaindre jeune fille" avait-elle dit en s'aidant de Jacob pour trouver une chaise où s'asseoir, le grand dadais flanqué de tâches de rousseurs ricana à son tour et aida Harlow à s'asseoir avant de reporter son attention vers mes vêtements gisant pathétiquement à terre.

-"des fois je me demande vraiment ou tu avais la tête pour acheter une telle horreur" fit-il remarquer en me montrant du doigt mes collants bleus à pois, je ris doucement et les pris dans ma main pour ranger le tout, il ne savait pas que c'était Harlow elle-même qui me les avaient offerts.

-"je ne parle pas de tes chaussettes ananas" répondis-je, il rit puis ramassa d'autres de mes vêtements en me lançant un regard moqueur.

-"ma mère n'est pas de cette avis, et le pire c'est que je dois les porter pour lui faire plaisir" Harlow explosa de rire en écoutant Jacob se plaindre de sa mère un peu trop envahissante, elle lui interdisait farouchement d'approcher les filles, Harlow et moi étions des sauvageonnes d'après elle et son fils était en danger lorsqu'il traînait avec nous, on risquait de le corrompre.

-"je n'oublierai jamais le moment magistral où elle m'as surprise en train de te donner ton premier baiser à dix-sept ans tout de même" s'écria Harlow secouée par son habituel rire hystérique avant d'ajouter :

-"elle t'a désinfecté la bouche" Jacob rit de plus belle, parce que c'était vrai. Harlow avait tellement eu pitié de lui qu'elle l'avait agrippé par le col et l'avait embrassé de force, il avait adoré ça mais sa mère a pété les plombs et il a passé un sale quart d'heure.

-"tu as toujours été celle de nous deux qu'elle aimait le moins" lui lançais-je avec un sourire espiègle, elle haussa les sourcils et se passa une main dans son indomptable chevelure auburn parcourue de boucles rebelles.

-"j'étais trop turbulente pour elle et surtout j'avais échangé ma salive avec son fils" me répondit-elle en se levant, elle marcha quelques pas et buta contre la table basse, elle jura et enfonça un coup de pied au pauvre meuble qui se décala de plusieurs centimètres. Harlow était aveugle.

-"je me demande toujours comment elle a pu accepter que je vienne m'installer avec vous" s'enquit-il en allant aider Harlow qui le repoussa en souriant.

-"elle pense que tu es gay" ricana-t-elle, Jacob lui tapa doucement l'épaule et me lança un appel désespéré. Jacob n'était pas gay, il était seulement malchanceux.

-"peut-être bien, de toute façon l'une de mes résolutions est bien de me trouver une copine" déclara-t-il avec conviction, ma meilleure amie pouffa et se jeta sur le canapé non sans avoir vérifié qu'elle ne craignait pas de s'étaler par terre.

-"pourquoi pas ? Il y a tant de filles au Massachusetts !" tentai-je pour le rassurer. Il s'assit, me condamnant à ramasser le reste de mes vêtements seule et reporta son attention vers son téléphone.

-"Je compte bien intégrer l'équipe de Hockey" dit-il en servant un ver de soda à Harlow qui s'en est saisie presque immédiatement.

-"beaucoup de joueurs universitaires sont acceptés dans de bonnes équipes" fis-je souligner en me rappelant du parcours brillant de mon frère, il avait intégré les providence pendant un an et devait passer pro pour les Bruins de Boston cette année, Jacob était très prometteur, il avait largement sa chance.

-"je l'espère bien, j'aimerai bien vous voir toutes les deux avec mon maillot dédicacé à scander mon nom depuis les gradins" dit-il en croisant les bras d'un air songeur, Harlow faillit s'étouffer avec son soda avant de rire doucement.

-"le carré VIP très cher, avec boissons comprises" corrigea-t-elle en le pointant du doigt.

-"très bonne idée, et toi Emma ? Quelles sont tes conditions ?" me demanda-t-il. Ayant enfin tout ramassé, je me fis une place au milieu et m'installai avec mes deux meilleurs amis.

-"j'aimerai avoir du popcorn salé gratuit" il plissa des yeux avant de me tendre une poignée de main avec un grand sourire aux lèvres.

-"marché conclu".

Notre nouvel appartement n'était pas si grand que ça mais il nous suffisait, Harlow partageait sa chambre avec moi, et Jacob avait la sienne, c'était équitable étant donné nos moyens. Normalement ni Harlow, ni Jacob ni moi-même pourrions nous offrir un appartement, chacun d'entre nous avait une part sombre, un fragment du passé qu'il souhaitait oublier, nous avions tous quitté nos maisons non pas par notre libre arbitre mais par contrainte et chacun avait sa propre raison. Nous étions tout le temps fourrés ensemble depuis plus de dix-huit ans et chacun a été présent pour l'autre lorsque une tragédie était survenue dans sa vie, je ne pourrai jamais vivre sans l'un d'entre eux ni même y songer alors lorsque Jacob a suggéré de s'éloigner de New-York pour venir à Boston aucune de nous deux n'avait objecté, de toute façon personne ne risquait de pleurer ma perte ni celle d'Harlow, c'était une nouvelle vie qui démarrait pour notre trio infernal et demain était sans doute le plus flagrant étant donné que c'était le jour de la rentrée universitaire : commencer de nouveaux cours dans une nouvelle université où personne ne nous connaissait, l'Université du Massachusetts était parfaite pour entamer une nouvelle vie loin de tout, loin de mon malheur.

-"je vais voir Stanley" dis-je en me levant d'un pas las, je traînai des savates et ouvrit la cage de Stanley, notre chien de compagnie, c'était un Labrador retriever et surtout le chien guide d'Harlow, nous l'avions adopté il y a trois ans lorsque Jacob l'avait retrouvé un soir de pluie seul et dans un sale état, il était immédiatement tombé sous son charme et nous donc, et comme notre trio était une démocratie nous nous sommes relayés sa garde jusqu'à ce qu'Harlow ne perde la vue : il était devenu son chien guide. À peine eus-je ouvert la porte de sa cage qu'il sauta sur moi, je ris doucement et le caressai, jamais de ma vie je n'avais vu un chien aussi affectueux.

-"Stanley !" s'écria Jacob en lui ouvrant ses bras, le chien accourut vers lui sous son rire sonore puis ce fut au tour d'Harlow de le prendre dans ses bras. Stanley était un véritable rayon de soleil, il éclairait nos journées de lamentations lorsque lassés de tout, nous nous mettions à nous ressasser nos expériences tragiques afin d'essayer de mieux avancer, faute de génie aucun de nous n'était vraiment arrivé à avancer bien au contraire nous étions toujours autant amochés les uns que les autres.

-"je vais sortir le promener, il doit en avoir marre d'être resté enfermé entre quatre murs" dis-je en lui glissant une laisse à son cou. Jacob acquiesça et lui caressa une dernière fois le haut de son crâne, Stanley devait avoir compris puisque sa langue pendait et sa queue ne cessait de remuer d'excitation.

-"apporte avec toi de quoi manger" me lança Jacob en allumant la télé, je pris mon téléphone et mes clefs posées sur le plan de travail et ouvris la porte.

-"viens Stanley on va bien s'amuser"

Dévoile moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant