Chapitre 30

4.1K 148 8
                                    

Jour de l'incendie :
Point de vue d'Emma :

-"qu'est-ce que c'est cette note Harlow ?" m'enquis-je d'un ton moqueur en étudiant la copie d'Harlow assise près de moi. Jacob assis au fond de la classe riait aux éclats après avoir écouté notre enseignant monsieur White faire la leçon à Harlow pour près d'une demi heure. D'après lui, les racailles de sa trempe n'avaient en aucun cas leur place dans un lycée mais plutôt dans une maison de redressement pour adolescents à problèmes.

-"ne prends pas trop à cœur ce que t'a dit monsieur White, tu le connais dés qu'il voit une autre couleur de cheveux que le brun ou le blond, il devient hystérique" lui dis-je en lui tapotant doucement l'épaule.

Depuis quelques jours maintenant, la paix régnait chez nous. De façon générale, notre mère était partie quelques temps chez son nouvel amant et nous avait laissé sans un sou, rien de bien nouveau mais cette fois-ci, j'avais espoir que cet homme soit le bon, celui avec qui elle allait finalement s'installer et enfin nous laisser seuls. Pour de bon. Matthew avait pris les commandes chez nous et je prenais plaisir à l'assister, Hunter continuait d'impressionner son frère dans presque tous les domaines et Kelly faisait face à son premier amour. Rien de bien spécial, tout roulait à merveille et j'avais envie que cela continue. Si la chance nous souriait enfin, nous arriverons à vivre heureux tous les quatre. J'entrevoyais enfin quelques faibles rayons de soleil entre les amas gris de nuages menaçants.

-"j'aimerai vraiment aller voir un film" dit Harlow sur le chemin du retour en faisant les yeux doux à Jacob qui aveuglé par l'amour qu'il ressentait pour elle allait sûrement passer la soirée à regarder un film nul à mourir, sa mère allait le harceler d'appels et de messages auxquels il ne répondra pas et elle finira par aller le chercher elle-même en le grondant devant tout le monde. Harlow se sentira coupable quelques secondes et lui donnera un baiser sur les joues avant de s'éclipser comme une voleuse.

-"tu viens avec nous Emma ?" me demanda-t-elle avec un immense sourire. J'ai secoué de la tête en admirant sa mine déçue.

-"désolée Harlow, peut-être une prochaine fois, Matthew a besoin de moi" ais-je doucement dit en lui donnant une petite tape à l'épaule. Elle haussa un sourcil et me lança un regard condescendant.

-"besoin de toi ? Pitié épargne moi ce discours ! Tu es sa sœur pas sa femme, si tu veux t'amuser de temps en temps tu as le droit" Je me suis arrêtée de marcher et lui ai lancé un regard incendiaire pour lui signifier qu'elle venait encore une fois de dépasser les limites que je lui avais imposées. Je détestais sincèrement lorsqu'elle se mettait à juger les personnes de cette façon, comme si Harlow savait tout du chagrin, comme si Harlow était la seule personne sur terre à souffrir d'être née dans une famille dysfonctionnelle. Aucun de nous trois n'était heureux chez lui aux dernières nouvelles. 

-"si je veux aider Matthew alors je vais aider Matthew, je ne vois pas en quoi cela puisse te poser de problèmes" lui fis-je comprendre avec un ton ferme qui ne l'impressionna guère. Jacob roula des yeux, il ne prenait jamais part à nos petites querelles, il était le parti neutre, celui qui ne penchait d'aucun coté même s'il était raide dingue d'Harlow.

-"tout ça est très toxique Emma. Tu ne peux pas passer ta vie à prendre soin de lui, soin de ta famille. Si ta mère est une pute alors c'est à elle de prendre ses responsabilités" j'ai grogné en guise de mécontentement et l'ai assassiné du regard, elle secoué de la tête et a haussé des épaules comme si cela ne l'atteignait en aucun cas. Rien ne l'atteignait jamais de toute façon. Harlow avait un cœur de pierre et le mien était en verre.

-"comment oses-tu être aussi condescendante ?! Je n'ai pas besoin de ton avis Harlow, je fais ce que je veux ! Je sais très bien que Matthew est mon frère, pas la peine de me le rappeler" et je suis partie, le cœur en lambeaux. 

Je détestais me disputer avec Harlow mais cela arrivait de plus en plus fréquemment, elle n'avait jamais peur d'être directe ni désagréable lorsqu'elle le voulait et je détestais me faire dicter sa loi, tôt ou tard, elle devra bien apprendre à faire des compromis et arrêter de penser que tout  tourne autour d'elle. Etre honnête est une chose mais être méchant en est une autre, on ne peut pas se permettre de blesser les gens en clamant l'honnêteté, cela ne marche simplement pas, ou bien insulter le monde tout en prenant comme excuse le fait de simplement dire ce qui nous passe par la tête , c'est du n'importe quoi ! Les gens devraient apprendre à ne pas blesser les autres. Harlow était honnête mais avait également tendance à être méchante de temps en temps et c'était cela son plus grand défaut. Et aujourd'hui, elle m'a blessé.

J'ai marché tout en pensant à tout ce que je vivais ces derniers temps, cela ressemblait à un cercle vicieux ou nous étions tous piégés, toujours la même chanson et à la longue c'en était lassant. J'avais envie de voyager, de découvrir le monde, de m'évader, d'explorer le vaste inconnu, me plonger dans quelque chose qui m'échappe, j'avais envie d'être surprise, intriguée, éblouie et par dessus tout j'avais envie d'être heureuse. Ridicule, n'est-ce pas ? J'avais l'impression d'être spectatrice plus qu'actrice dans ma propre vie, sans but particulier, sans réel objectif à part celui d'être médecin et encore je déteste la médecine. Je veux avancer mais je reste enchaînée et personne n'a jamais tenté de me délivrer. De l'amour, c'est tout ce que je demande mais qui saura me le donner ? Personne je le crains.

-"putain mais fais attention ! Sale garce, on ne t'a jamais appris à normalement marcher ?" cette voix masculine me perça les tympans. J'ai levé les yeux et vis des yeux noisettes me foudroyer du regard, des cheveux châtains en bataille et un corps d'Adonis. Un jeune homme d'une vingtaine d'années se tenait en face de moi et essayait de sauver le peu pizza qu'il pouvait.

-"désolée" marmonnais-je sans m'accroupir pour autant, il avait l'air de se débrouiller à merveille.

-"ferme ta gueule, ce ne sont pas tes foutues excuses qui me ramèneront ma pizza" me dit-il en me bousculant sur le coté pour passer.   

-"je ne l'ai pas fait exprès" insistai-je en le voyant lever les yeux au ciel avec agacement, il rabattit sa capuche sur sa tête et continua son chemin sans prendre la peine de me répondre. 

-"connard" murmurais-je en continuant mon chemin à mon tour. 

Généralement, aux environs de ce début du mois, il faisait froid mais ce soir, il faisait un temps radieux. Le soleil commençait à lentement se coucher et peignait autour de lui une magnifique palette de couleurs écarlates, je ne voyais pas souvent un tel spectacle mais je savais l'apprécier. Les voitures roulaient plutôt doucement et les gens tout comme moi rejoignaient leurs foyers respectifs. C'était comme je le disais si bien la routine, sauf qu'en arrivant devant chez moi, tout se mit à tourner à une vitesse hallucinante, j'entendais des voix lointaines se mélanger, du vacarme, des pleurs et bien évidemment des expressions de surprise.

Je n'y croyais pas, je ne pouvais pas y croire, ça ne pouvait pas nous arriver parce que cela n'arrivait qu'aux autres. Les gens me regardaient avec pitié et me laissaient passer, quelqu'un a commencé à crier, un cri strident refusant de baisser en intensité, un cri de douleur et de désespoir, un cri qui a brisé le silence. 

C'était moi qui criais devant notre maison en flammes et j'allais continuer de crier toujours......

Dévoile moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant