P2: Chapitre 8

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Après que Colin soit partit hier, j'ai passé tout l'après-midi à penser à Nils. Et hier soir, vers minuit, je lui ai envoyé un message lui disant que j'aimerais qu'on se voie. Je sais bien que, tant que je n'ai pas une discussion avec lui, je continuerais à me torturer mentalement.

Et voilà comment je me retrouve un dimanche matin au Starbucks à attendre Nils.

Je le vois entrer dans le café et il me repère assez rapidement. Il vient vers moi en souriant et me salue de la main. Il me dit :

-Hey. Ça fait un baille.

-Ouais. Répondis-je en souriant à mon tour.

-Je vais aller commander et je reviens.

-Pas besoin. C'est déjà fait.

Je lui montre sur la table les deux gobelets, dont un à son nom, et je lui dis :

-Un mocha glacé. Comme avant.

Il m'offre un sourire nostalgique et s'assoit. Je ne comprend toujours pas comment il fait pour apprécier cette boisson verte ignoble mais bon.
Il me demande :

-Alors ? Pourquoi tu m'envoies soudainement un message à minuit après m'avoir oublié pendant deux mois ? Dit-il, toujours souriant.

-Je ne t'ai pas oublié. C'est juste que ce n'était pas facile pour moi te revoir... Et désolé si je t'ai réveillé.

-Ne t'inquiète pas. Je ne dormais pas. Dit-il en regardant dans le vide.

En disant cela, je remarque la marque rouge laissé dans son cou, ce qui enlève mon envie de lui demander pourquoi il ne dormait pas.

-Tu n'as toujours pas répondu à ma question. Pourquoi tu voulais me revoir ?

-Disons que... mon psychologue privé me manquait. Ça me manque de ne plus pouvoir me plaindre.

-Profites-en, car dans cinq ans, mes séances te coûteront soixante euros de l'heure. Dit-il en riant.

Je lui souris. Puis mon regard s'assombrit et je lui dis :

-Tu m'as vraiment fait mal...

-Je sais... Et je me sens toujours coupable.

-J'ai beaucoup souffert et j'ai passé les derniers mois à te haïr toi et Nathan. Je vous haïssais de tout mon être. Et le pire, c'est que je ne pouvais rien faire contre ça... Je ne pouvais pas vous forcer à rompre juste pour que j'arrête de me sentir mal.

-Et... Est-ce que tu me détestes toujours ?

-Un peu... Enfin... Beaucoup moins qu'avant... Mais toujours un peu. Le truc, c'est que... J'ai l'impression que je n'ai pas le droit d'être énervé contre toi. Tu as fait tellement de choses pour moi que... Je me sens coupable de te détester.

-Tu as tout à fait le droit de me détester. Je le mérite.

-Mais je n'en ai pas envie ! On... On était des amis proche et... Et tu me manques vraiment et... Je suis fatigué d'être énervé contre toi. J'en ai marre de repenser tout le temps à ce qu'il s'est passé. Je veux juste tourner la page pour de bons.

Nils me sourit et me dit :

-T'as pas à te forcer... Si tu veux continuer de me détester, je comprendrai.

-Non, je le pense vraiment. Je veux recommencer. Je veux qu'on redevienne amis. Lui dis-je en lui souriant en retour.

-Et bien, dans ce cas, pour commencer, raconte-moi comment ça se passe pour toi dans ton école d'art ?

Pendant les minutes qui suivent, je lui parle de mes cours et je lui pose des questions sur ce qu'il devient. Il me parle de la fac de psycho, de ses nouveaux amis et de ses profs. Puis il me dit :

-Au fait, Nathan m'a dit qu'il t'a vu au WEI la semaine dernière avec un garçon. C'est ton nouveau copain ?

-Non. C'est un ami d'enfance que j'ai retrouvé. D'ailleurs... Je peux te parler d'un truc ?

-Vas-y.

Je lui explique la situation : le fait que Colin ait découvert ma sexualité et qu'il ne l'accepte pas à cause de tout ce qu'on lui a raconté. Je lui dis également qu'il est distant et que je ne sais pas comment faire pour qu'il comprenne que je suis normal.

Nils se pince le menton en signe de réflexion et dit :

-Cas difficile. Tu sais, lorsqu'on est enfant, on nous instaure le fait que "les parents ont toujours raison" donc on boit toutes leurs paroles aveuglément. C'est pour ça que, lorsqu'on apprend quelque chose comme: "le père Noël n'existe pas", c'est difficile d'accepter la mascarade. Et, plus le mensonge est long, plus il est dur à réfuter. Mais le fait qu'il t'ait posé des questions et qu'il reste ton ami est une preuve que tu es tellement important à ses yeux qu'il est prêt à remettre en question ce qu'il a acquis comme étant une vérité absolue.

-Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris.

-Bon. Pour faire simple, on est d'accord que la terre est ronde ? Bah, imaginons que tu aimes tellement quelqu'un que, si il te disait que la terre est plate, tu serais prêt à douter. Alors que si c'était une personne lambda, tu ne l'aurais pas fait. Là, c'est pareil. Il est dans une phase de remise en question, car il tient à toi.

-Donc... Je dois faire quoi ?

-Attendre. Attendre qu'il se rende compte de lui-même que tu es normal. Si tu essayes de le pousser ça risque de faire l'effet inverse.

Je soupire. C'est si compliqué la psychologie... Nils ajoute :

-Après... Il y a un cas qui pourrait expliquer pourquoi il ne l'accepte pas... Mais ça... Je ne peux pas le déduire sans le connaître. Il faudrait que je lui parle pour valider cette hypothèse....

-Quelle hypothèse ?

-L'homosexualité refoulée.

J'écarquille les yeux. Il ajoute :

-Si, comme tu l'as dit, on lui a mis dans la tête qu'être homosexuel est mal, si par hasard, il l'est lui aussi, il se peut qu'il ait fini par accepter que c'est mal et que, par conséquent, il devait renfermer ses propres sentiments. Dans ce cas, le problème change, car il ne doit pas t'accepter toi, mais s'accepter lui-même. Car, là, il apprend que ça fait des années qu'il se torture sans raison. C'est un peu comme si tu venais de passer vingt années en prison pour meurtre et qu'on te libère, car on vient de prouver ton innocence. Tu auras passé vingt années à être considéré comme un criminel. Mais, comme je l'ai dit, je ne sais rien de ce garçon. Je ne peux pas déduire sa sexualité simplement avec ce que tu m'as dit de lui.

Je n'avais pas pensé à ça. Je me souviens à quel point ça me torturait d'être gay avant mon coming out.

Nils ajoute :

-Et puis, tu sais, je ne suis qu'a deux semaines en fac de psycho. Il y a sûrement pleins d'autres explications à donner, mais pour l'instant, le seul conseil que je peux te donner, c'est d'attendre.

Il a raison. Colin et moi, nous ne nous sommes pas vus depuis dix ans, on se retrouve et il apprend que je suis gay... Ce n'est pas facile à encaisser.

Nils et moi continuons de parler de tout et de rien. Ça me fait bizarre d'être avec lui et de ne ressentir aucune animosité. Peut-être que je suis réellement en train de tourner la page...

Bien évidemment, je suis encore blessé de ce qu'ils m'ont fait... J'aurais préféré que Nathan me quitte plutôt qu'il me trompe... C'est le fait qu'ils m'aient menti touy les deux qui me rend triste... J'ai été trahi par deux personnes de confiance...

Mais maintenant, je vais mieux. Le fait de les savoir en couple ne me dérange plus autant qu'avant et je commence à les pardonner petit à petit. Même si au fond de moi, il y aura toujours cette rancune indélébile. 

Dans la paume [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant