P2: Chapitre 2

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Tout le long du trajet, j'ai expliqué à Colin ce qu'est un laboratoire argentique, plus communément appelé une "chambre noire", et je lui ai expliqué comment ça fonctionne.

Nous arrivons ensuite au restaurant universitaire et on s'installe à une table avec nos plateaux. Je lui demande :

-Et toi, tu suis quel cursus ?

-Un master en animation et en motion design.

-De l'animation ? Je peux voir ?

-Si tu veux, mais... Je débute encore... Ce n'est pas top... Mes animations ne sont pas fluides et se rapproche plus d'une animatic que d'une vraie animation.

-C'est rien. Tu me montreras tes nouvelles animations à la fin de l'année et je verrais tes progrès. C'est normal que les débuts soient hasardeux.

Il me sort sa petite tablette et me montre une animation d'un couple dansant. La robe de la femme est assez fluide et les dessins sont jolis. Je lui dis :

-C'est vraiment bien pour un début !

-Merci. Je suis passionné d'animation. J'aimerais vraiment pouvoir un jour faire mon dessin animé ou alors un film animé. Peut-être qu'un jour, je travaillerais chez Disney ou Cartoon Network.

-J'espère pour toi.

Colin me regarde étrangement. Puis, après quelques hésitations, il me demande :

-Si c'est pas trop indiscret... Je peux savoir ce que tu t'es fait à la main ?

Je regarde ma main. C'est celle qui a été blessée lors du bal. La plupart des blessures ne sont pas encore cicatrisées et mes phalanges sont toujours rougies.

Mes parents m'ont tellement engueulé pour ça... Je pensais vraiment que je pouvais dire "adieu" à mon nouvel objectif d'appareil photo.

Je réponds à Colin :

-C'est... Compliqué... Il s'est passé énormément de choses ces deux dernières années et... Je ne suis pas encore prêt à en parler. Peut-être un jour, mais pas maintenant. Mais si ça t'intéresse tant que ça, t'as juste à taper mon nom dans Google et il doit sûrement y avoir des articles sur mes procès.

-Des procès ? En tant que victime ou accusé ?

-Les deux... Mais j'ai pas envie d'en parler maintenant. Sache juste que tout a bien finit pour moi.

Je n'ai pas spécialement envie de lui parler de tout ça dès nos retrouvailles... Et surtout du fait que je sois gay... Je sais que sa mère n'est pas trop d'accords avec "ça" et j'ai peur qu'elle lui ait monté la tête. Si jamais il pense comme elle... J'ai pas envie de revivre le même scénario qu'avec Hakim.

-Bon arrêtons de parler de moi. Parlons de toi. T'étais où ? Et pourquoi t'es là ?

-Alors, j'ai déménagé loin dans l'ouest. À Quimper. Là-bas, il pleut tout le temps, donc comme je ne pouvais pas trop faire d'activité en extérieur, je passais mes journées enfermée et pour pas trop m'ennuyer, j'ai commencé à dessiner et à faire de l'animation. Puis, quand j'ai dû choisir une école supérieure, j'ai postulé dans toutes les écoles d'art. J'ai été accepté dans presque toutes, mais j'ai choisi celle-là parce que j'avais envie de revoir ma ville natale et puis...au fond, j'avais un peu l'espoir de te retrouver. Même si pour moi, c'était peine perdue...

-Pourquoi ?

-Tu sais, en dix ans, je me disais que tu avais changé. Rien ne m'aurait dit si tu avais déménagé ou non, ou même si tu allais dans une école d'art. J'avais si peu de chances de te revoir...

-Et pourquoi tu ne m'as pas juste cherché sur les réseaux ? J'utilise mon vrai nom.

-Ma mère m'interdit d'avoir des réseaux sociaux... Elle m'interdit même d'avoir un smartphone... Regarde mon téléphone.

Il sort un petit téléphone à clapet. Je lui dis :

-Mais... T'es grand maintenant... T'es plus obligé d'obéir...

-Le problème, c'est que... C'est ma mère qui paye tout et si je fais un truc qui ne lui plaît pas... Elle arrête de me payer mes études, mon logement, ma nourriture... Tout.

-Je vois...

Je regarde mon assiette. Le pauvre... Il se fait contrôler par sa passion... Il ajoute :

-Mais maintenant qu'on s'est retrouvé, tu peux me passer ton numéro ! Comme ça, on ne se perdra plus jamais de vue !

Je souris à cette idée et nous échangeons de téléphone pour enregistrer nos numéros. Face a mon smartphone, Colin semble perdu. C'est assez marrant. On dirait un petit vieux. Puis il me demande :

-Au fait, tu viens au week-end d'intégration ?

-Je ne pense pas... Je n'aime pas trop les fêtes...

-Allez ! Viens avec moi ! Je ne suis jamais allé à ce genre de choses et maintenant que je suis majeur et loin de ma mère, je veux découvrir des nouvelles choses ! Je veux boire ! Je veux hurler ! Je veux danser !

-Bah, vas-y.

-Mais je ne veux pas y aller seul... Allez... Viens avec moi ! Je suis si content d'avoir retrouvé quelqu'un que je connais !

Comment je pourrais dire non à un visage si innocent. Je lui réponds simplement :

-Si tu veux. Mais tu sais que les week-ends d'intégration sont souvent accompagnés de bizutage ? Tu n'as pas trop peur ?

-Si t'es là, ça ira. Dit-il en souriant.

Pendant le reste du repas, nous ne faisons que rattraper les dix années passées. On a parlé encore et encore. On a ensuite regardé nos emplois du temps respectif et malheureusement, les seuls cours qu'on a en commun sont l'anglais et l'histoire. Puis en regardant l'heure, je lui dis :

-Il va vraiment falloir que j'y aille sinon je vais être en retard.

-Moi aussi. J'ai un cours de narration. On fait le chemin ensemble ?

-Avec plaisir.

⏳⌛

Ma première journée de cours terminé, je rentre chez moi. Dès que je traverse le palier de la porte, je ne peux cacher mon enthousiasme à mes parents et leur raconte ma journée, mes nouvelles connaissances ainsi que mes retrouvailles avec Colin. Je leur dit également que je compte faire le WEI. Ils sont sceptiques, mais acceptent.

Ensuite, je me rends dans ma chambre et mon premier réflexe est de lui envoyer un message. On discute pendant des heures jusqu'à tard le soir.

En dix ans, sa personnalité n'a pas changé, toujours remplis d'innocence. 

Dans la paume [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant