Chapitre 6

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Quand j'ouvre enfin un œil, je trouve la pièce complètement vide. La porte en bois foncé tremble encore. Je me rends compte que c'est son claquement léger qui m'a réveillé. Ardalôn a dû sortir.

Je me lève précipitamment, étourdie par la rapidité de mon réveil. J'enfile mes chaussures et mets mes gants. Je passe la porte et surprends une légère brise matinale s'enfouir dans mes cheveux et glisser sur ma peau. Je pars à la recherche d'Ardalôn en suivant ses pas dans l'herbe aplatie.

Je vois son ombre au loin et essaye d'être la plus discrète possible. Il pénètre dans la forêt de l'Aube et je le suis.

La rosée du matin est encore présente dans les brins d'herbe si bien que mes chaussures en peaux sont mouillées. Je respire l'air pure d'Hauméa et en rempli mes narines. J'écoute les chants des oiseaux et le village s'éveiller lentement après la Cérémonie de la veille.

La forêt de l'Aube apaise mon esprit et me rappelle que je suis une petite partie de l'univers. Je suis rien et tout à la fois comme chaque personne qui vit dans Le cercle. Et je dois en sauver une en particulier avant que le trou noir ne le dévore.

J'avance plus vite pour rattraper mon retard que mes rêveries m'ont causé. Je sors finalement de la forêt de l'Aube et me retrouve dans une vaste clairière remplie de petites fleurs orangés et bleues. C'est magnifique. On dirait un coucher de soleil sur la mer, comme sur Namus.

Ardalôn s'engage déjà dans la prochaine forêt. Je ne sais pas depuis combien de temps, je marche, mais la curiosité parvient à me réveiller complètement et m'entraîne dans ma poursuite discrète. Les arbres qui m'entourent à présents sont beaucoup plus imposants que les précédents, plus denses, plus feuillus. J'ai même l'impression de replonger dans la nuit noire et étoilée d'Hauméa. Les arbres, hauts, forment un ciel sombre et les quelques interstices de lumières sont comme des petites étoiles au milieu des branches.

Cette forêt est plus inquiétante et plus froide. Des frissons me parcourent la peau et je regrette de n'avoir que ma robe de nuit sur le dos. J'entends des cris effrayants et des souffles derrière moi. Je me dépêche sans faire le moindre bruit, me maîtrisant pour éviter de courir, complètement apeurée. Mais, j'ai vécu pire qu'une forêt obscure et vivante. Alors je redresse la tête et suis les pas d'Ardalon qui poursuit son chemin silencieusement.

J'aperçois sa grande silhouette au loin, devant moi. Ses épaules larges et un peu tombantes, ses cheveux légèrement frisés au creux de son cou, sa démarche hésitante et assurée à la fois. Je suis le parfum légèrement boisé de ses vêtements. Finalement, il s'arrête à l'orée de la forêt, et s'agenouille devant un énorme tronc d'arbre. Je me cache rapidement derrière un autre, tout en priant pour qu'il n'écoute pas le son précipité de ma respiration.

Il baisse légèrement la tête et pose ses mains sur ses genoux. On dirait qu'il se recueille. Je n'arrive pas à voir l'arbre qui se tient devant lui, mais j'imagine qu'il a de l'importance pour lui. J'ignore quels sentiments l'habite en cet instant pourtant j'ai l'impression de percevoir sa tristesse et son désespoir dans la façon dont il se tient et la façon qu'il a de remuer doucement les lèvres en silence. J'entends des sons inconnus et j'imagine qu'il parle en Hauméen. Les accents sont chantants et les r légèrement roulés. On dirait comme une prière ou un chant qu'il chuchote du plus profond de son âme. Mon cœur est en train de s'aiguiser et il semble devenir sensible à cette prière, comme s'il avait déjà entendu ce genre de paroles auparavant.

Quelque chose de froid tombe sur ma main et je retiens un cri de surprise. Ardalôn se redresse brusquement et se retourne vers moi. Je me cache à nouveau et me rends compte qu'une larme à mouillé le dos de ma main. Je l'entends soupirer et se redresser lentement au bruit calme du froissement des feuilles mortes.

Les Conquérants du Cercle T2 - La princesse Oubliée. (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant