Les Conquérants du Cercle T2 - La princesse Oubliée. (Terminé)

Chapitre 13

Je marche dans la forêt de l'Aube. Orest ne s'est toujours pas réveillé depuis notre affrontement, la veille. On m'a obligé à remettre mes catalyseurs aux mains. Ardalôn et Austin m'ont raccompagné dans la petite maison dans laquelle Wilryne m'a recueilli. Ils ont dit que je ne devais pas apparaître en public pour l'instant. Ils ont dit que je devais me reposer. Mais j'ai bien vu leurs mines inquiètes derrière leurs sourires feints.

J'ai failli tuer un Gardien. Voilà la raison pour laquelle ils m'ont écarté. Tout s'est passé si vite que je n'ai pas eu le temps de le réaliser.

Je m'assois sur un tronc fraîchement coupé, couché sur l'herbe mouillée d'une fine pellicule de rosée. La tête entre les mains, j'essaye d'oublier le poids de ma couronne ridicule. Je tente d'oublier le poids sur mes épaules. Je n'ai pas choisi d'être la fille de Nix. Je n'ai pas choisi d'être princesse d'Eris, d'être l'ultime survivante de mon peuple. Et pourtant, je suis prête à le porter, ce poids. Je suis prête à me sacrifier pour la justice, pour la paix. Pour ces valeurs que j'ai apprises, qu'on m'a inculquées et que je veux poursuivre. Ma véritable mère, m'a demandé de préserver le Cercle. C'est ce que je ferai.

Je suis rongée par le sentiment profond d'avoir été trahie. Mais c'est surtout la facilité avec laquelle j'ai accepté ces révélations qui me tracassent le plus. Ma vie n'a été que mensonge. Et ça ne me fait rien. Je devrai pourtant être en colère, furieuse, et triste. Mais je ne le suis pas. Peut-être qu'au fond de moi, je m'en doutais. Peut-être, est-ce la raison pour laquelle je me sentais mal dans ma peau. Peut-être, est-ce, ce qui m'a poussé à participer aux Jeux. Parce que je savais, que cette vie sur Dell, n'était pas la mienne. Je devais retrouver celle que j'avais perdue.

C'est un sentiment étrange qui me submerge. J'ai l'impression d'être vulnérable. Je sais que ce que j'ai vu est la vérité. Je sais que je suis Eris, la princesse oubliée, celle qu'on croit morte. Le problème c'est qu'on me croit morte que je soit Elwing, ou Eris. C'est comme si je n'avais plus aucune identité. Et je me sens fragile.

Comment suis-je supposé délivrer Daerôn, lui qui m'a permis de découvrir qui je suis réellement. Il a besoin de moi. Et surtout, comment vais-je faire pour sauver le Cercle ? Je n'arrive même pas à me contrôler ! J'ai été fascinée par ces différents pouvoirs toute ma vie ! Et maintenant, que j'ai la chance d'en posséder, je n'arrive pas à les maîtriser. Je suis pitoyable. Ce savoir devrait couler dans mes veines ! Mais c'est comme si j'étais prisonnière d'un corps qui n'est pas le mien. Qui n'est plus le mien.

Je soupire. L'aube est déjà là. Magnifique. Elle me scrute derrière ses nuages roses et son ciel orange et les arbres discernent mes pensées dans leur silence. Je regarde à nouveau mes mains, emprisonnées dans ses grandes feuilles à la membrane sombre. Je suis un danger pour les autres. J'ai déshonoré Hauméa. Un soupçon de colère vient irriguer mon cœur perdu. Je finis par hurler pour essayer de me débarrasser de ces émotions contradictoires et de cette noirceur qui envahit mon cœur à chaque fois que je ressens cette amertume.

- Tu ne crois pas que c'est suffisant d'avoir failli me tuer ? Tu veux, en plus, réveiller tous les habitants ?

Je relève brusquement la tête. Orest se tient devant moi, il se sert d'une béquille de bois pour se soutenir. Je m'apprête à me lever pour le serrer dans mes bras.

- A ta place, j'éviterai. Tu pourrais le regretter.

- Je n'avais pas l'intention de recommencer. Dis-je en baissant la tête.

- Je ne veux pas te faire de mal. Dit-il en haussant un sourcil.

Un sourire s'étire sur mes lèvres. Je soupire de soulagement.