Chapitre 38

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Marcher dans les sables épais n'est pas de tout repos. Je me tords plusieurs fois la cheville. Ça demande un effort constant. Ça irait beaucoup plus vite si j'enlevais mes chaussures. Je commence à en dénouer les sangles bien trop serrées. Ingwé se retourne et m'observe sans rien dire. Percevant son regard sur moi, je me relève et croise les bras. Malgré l'obscurité, je vois très bien son regard moqueur. Je me retourne pour observer Ardalôn. Il a exactement la même tête que lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Cet air qui m'insupportais. Ça n'a pas changé.

- Quoi ?

J'attends leur réponse en essayant de deviner ce qui peut bien clocher. La dernière fois qu'Ardalôn à arborer ce sourire, c'était pour me dire que j'avais de la mayonnaise sur le nez. J'examine mes habits, mes mains. Je ne vois pas où est le problème.

- A ta place, je n'enlèverais pas mes chaussures, Elwi. Dit-il enfin.

- Pourquoi ?

Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'ils ne me disent pas qui a l'air de les amuser autant.

- Sais-tu pourquoi, on appelle cette vallée, la Vallée des Sables Noirs ? Demande Ingwé.

J'ai envie de lui répondre bêtement que le sol est recouvert de sable et que celui-ci est noir, et que c'est la logique même d'avoir nommé ce lieu ainsi. Mais je me retiens. Quelque chose me dit que ce n'est pas tout à fait la réponse à sa question.

- L'appellation « Sables Noirs » est juste un moyen de camoufler ce qui se trouve réellement sous nos pieds. Répond-il en me souriant.

- Tu marches sur des cendres, chérie. Termine Ardalôn.

Je reste bouche bée. Des cendres... Ce n'est apparemment pas des cendres de machines ou d'objet qui ont été brûlés. Je grimace de dégoût. En réalité, cette vallée est bien plus qu'un aéroport.

C'est un cimetière.

Sans un mot, je déglutis et reboucle les sangles de mes chaussures et me relève aussi dignement que possible.

- Sage décision. Conclu Ardalôn.

- Ne traînons pas. Les Larniens sont réveillés à présent. Lance Ingwé en accélérant le pas.

Il a raison. Le jour commence à se lever. Il fait moins sombre, cependant des nuages d'un gris éclatant se sont levés et chargent le ciel. Le tonnerre gronde au loin. Je n'ai aucune envie de marcher dans la cendre mouillée.

Nous atteignons l'autre partie de la forêt des Pleureurs avant que la pluie ne s'abat sur nous. La vase dans laquelle nous marchons, s'accroche à nos chaussures. Nos pas sont rythmés par des bruits de suçons très désagréables qui me laissent des frissons dans le dos. J'ai l'impression que les arbres sont sur le point de nous engloutir. Leurs grandes branches molles et fines s'accrochent à mes vêtements. On dirait qu'ils veulent nous ralentir ou nous empêcher d'avancer.

Les bras d'Ingwé se sont illuminés de deux flammes puissantes. Elles nous permettent de nous repérer dans ce labyrinthe de feuilles. J'ai l'impression qu'on tourne en rond et qu'on passe toujours devant les mêmes endroits, les mêmes buissons, les mêmes arbres larmoyants de gouttes d'eau. Personne ne parle. Nous sommes bien trop concentrés à éviter les marres de boue. Les respirations de mes compagnons sont régulières et rassurantes. Elles me rappellent que je ne suis pas seule. Ardalôn, qui termine la marche, laisse une marque sur les arbres pour éviter qu'on se perde. Le problème, c'est que l'obscurité permanente nous empêche de repérer ses traces. Même le feu d'Ingwé semble percer difficilement la nuit qui ne cesse jamais sur Larn.

Après plusieurs heures de marche, Ardalôn décide de toucher l'écorce des arbres. Il fronce les sourcils. Il semble communiquer avec nos hôtes végétaux.

Les Conquérants du Cercle T2 - La princesse Oubliée. (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant