Chapitre 10

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Dans ces nuages qui m'entourent, brumes de souvenirs cotonneux, un visage se détache. Un visage aux traits masculins. Un regard bienveillant, un nez droit comme le mien, une cicatrice sur le coin du sourcil marquant dun trait creusé les souffrances de cet homme aux yeux doux. Douceur qui berce la douleur dune illusion.

J'ai l'impression de lavoir déjà vu, d'avoir senti cette odeur chocolatée qui se dégage de lui. Mes petites mains s'accrochent à son cou et je me sens, tout de suite, portée. Légèrement. Il me fait tourner dans les airs, riant avec mes gazouillements. Ça ne dure pas. Ça ne dure jamais.

Un grand bruit résonne au cœur de ce silence et le brise. Il est suivi dun millier de cris. Pourtant, je ne pleure pas comme jen avais l'habitude lorsque la peur me submergeait. Non, j'observe cet homme si chaleureux au sourire plein de non-dits. Il me pose par terre, me regarde encore avec amour. Ces yeux se froncent un quart de seconde et ses yeux brillent dune tristesse contenue. Il pose une main sur l'épaule de ma mère et court sans se retourner. Ma mère se précipite à l'intérieur me tenant à bout de bras. Je m'attarde sur le paysage qui défile à nos côtés : fumée et destruction, massacres et peur. Je sais, soudain, une chose, c'est la dernière fois que je verrais mon père.

Et courant encore, à bout de souffle, je tressaute, me cramponnant au cou de celle qui ma donné vie, je vois mon monde s'écrouler. Ce monde que j'apprenais à connaître et que les flammes ont brûlé.

Nous arrivons enfin dans cette immense maison où jai appris à marcher, à parler, un peu sans vraiment exprimer que des bruits ressemblant à ceux que j'écoutais en jouant. Maman crie, elle ordonne dans l'urgence. Des mots me parviennent, mais je ne les comprends pas. Pourtant, ils sont clairs dans mon esprit comme si, maintenant j'en saisissais le sens.

- Le Roi Kalis est en train de nous détruire par le feu ! Fuyez, mes compagnons !

Une jeune femme, habillée élégamment, d'une longue robe verte, s'approche de nous, les larmes aux yeux.

- Madame, vous m'avez fait appeler ?!

- Emmène-la, loin d'ici. Dans un endroit où il ne la retrouvera jamais.

- Mais ma reine !

- C'est un ordre ! Dit-elle dun ton sans appel.

- Et vous ? Qu'allez-vous faire ? demande la femme complètement paniquée.

Dans toute cette terreur générale, je prends le temps de la regarder. Cette femme accompagnait maman partout où elle allait. Elles buvaient dans des tasses, un liquide chaud, agréable à sentir, elles jouaient aux cartes, me laissant voir les siennes, elles se promenaient dans les jardins et s'amusaient à faire pousser toutes sorte de fleurs dun simple mouvement de la main.

Maintenant, les yeux rieurs ont été remplacés par un regard sombre, inquiet Une pâleur au visage dont je ne lui ai jamais vu. La dame me regarde, me prend dans ses bras froids, m'arrachant au confort de ceux de ma mère. Je pleure quand ma propre mère m'attache son pendentif autour du cou, lui aussi glacial. Que se passe-t-il pour que tout le monde court partout, se hâtent, abandonnant les enfants dans un coin, leur caressant les joues pour les rassurer.

- Pourquoi maman m'abandonne aussi ? Pourquoi la dame me serre-t-elle si fort contre elle ?

- Votre Altesse ! J'ai barricadé toutes les portes et jai posté deux gardes devant chacune !

Un homme arrive en courant, nous rejoins à bout de souffle. Ses cheveux longs accrochés en une queue-de-cheval à demi-défaite, lui chatouillent le visage. Ses yeux dévisagent la dame, maman et reviennent vers moi, me détaillant avec un sentiment d'horreur.

Les Conquérants du Cercle T2 - La princesse Oubliée. (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant