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Isaac

J'étais certain de le trouver ici. Il me regardait comme s'il me défiait de le sortir de sa cachette, peu originale soit dit en passant, mais je sais que dans le fond il flippait à mort. Il me fait tellement de peine ce garçon... Il me fait ressentir des émotions qui m'étaient totalement inconnues jusqu'ici. Je m'inquiète pour lui alors que je ne le connais même pas.

J'espère qu'il arrivera à trouver une issue pour sortir de ce truc parce que toutes les entrées sont maintenant condamnées. Et puis j'ai l'espoir qu'il se serve du papier que je lui ai donné pour me trouver en cas de besoin. À la lumière du jour il est vraiment très beau même s'il semble fatigué. Mon collègue insistait pour revérifier la pièce dans laquelle j'étais mais je l'ai persuadé qu'il n'y avait plus personne. Je ne voulais pas qu'il trouve Connor. Et puis il peut me faire confiance je sais faire mon travail ! Enfin non sur ce coup il ne peut pas me faire confiance en fait...

On a trouvé des choses qui nous font penser que certains des jeunes qui squattent ici ne font pas que dormir. Par là j'entends la panoplie parfaite du petit junkie. Je croise les doigts pour que le petit gars ne fasse pas parti de ceux-là même si je sais qu'il est au courant de tout ça. Je repense au moment où il m'a demandé de partir hier soir et ça ne me rassure pas le moins du monde. Le type, ou les types, qui fournit toute cette merde n'est qu'un sale connard qui vend de la mort. En bas j'ai ramassé un gamin complètement comateux qu'on a vite envoyé à l'hôpital. Je croise les doigts pour qu'il s'en sorte sans trop de dégâts.

L'après-midi est plus tranquille, rien d'autre que de petites interventions de routine. En quittant le travail je vérifie mon téléphone pour la centième fois depuis que j'ai quitté l'entrepôt mais rien. Il n'a pas encore cherché à me joindre. Peut-être qu'il n'a pas besoin de mon aide ou alors qu'il est trop fier pour l'accepter. Je ne dis pas que je peux forcément lui apporter grand chose, d'ailleurs je ne sais même pas pourquoi j'ai fait un truc pareil, mais je peux au moins essayer de le remettre sur les rails. J'ai toujours eu cette volonté d'aider mon prochain. J'aurais pu être médecin ou travailler dans le social mais c'est la police qui m'attirait le plus. Quoique aujourd'hui je n'ai pas vraiment eu l'air d'aider ces gosses en les foutant dehors.

Quand je passe dans la rue où se trouve le vieux bâtiment je m'arrête et en fait le tour pour voir par où il a pu sortir. A moins d'être un petit cascadeur et de sauter d'une des fenêtres il n'a pas eu beaucoup de solutions. Quand je retourne du côté de la rue j'entre, encore, en collision avec un homme blond, mon âge environ, propre sur lui mais avec un regard qu'il voudrait impressionnant. S'il croit qu'il me fait peur c'est raté. J'ai peut-être l'air d'un mec tout gentil et doux comme un agneau je ne suis pas du genre à me laisser impressionné.

-On peut savoir ce que tu fais là toi ? demande-t-il d'une voix traînante qui m'agace déjà.

-J'ai appris qu'ils avaient fait virer les gars qui dormaient ici, je venais juste jeter un oeil.

-T'en connais d'ici ?

-Fous lui la paix Travis, je le connais c'est bon, intervient la voix de Connor.

Connor qui justement me regarde l'air de dire "t'es con ou quoi ?". Je croise les bras et j'attends. Il avance vers nous et je remarque qu'il boite légèrement. Je m'inquiète immédiatement et lui lance un regard interrogateur mais il n'a pas le temps de le répondre parce que le connard blond prend la parole.

-Tu le fournis ? interroge-t-il en se tournant vers le plus jeune.

-Parle pas de ça comme ça putain ! le réprimande le châtain.

Ok, ce gros con est le fournisseur et le petit mec revend pour lui. Sur quoi je suis tombé ? Je suis policier je dois bien pouvoir faire quelque chose mais là tout de suite je ne vois pas vraiment quoi ni comment faire sans me faire griller puisque visiblement il ne connaît pas mon secret.

-Rentre chez toi Isaac on se verra plus tard, me dit un Connor presque suppliant.

-T'as encore ce que...

-Ouais, ouais t'inquiète pas pour ça ! Allez on se voit bientôt !

Je lui lance un regard d'avertissement avant de partir en marchant le plus lentement possible. J'arrive à entendre quand l'autre lui demande si je suis son nouveau plan cul. Sûr que si je l'étais il ne traînerait pas par ici et ne vendrait pas de la merde. Au contraire, je prendrais soin de lui comme j'aime le faire avec mes partenaires. Enfin comme je le faisais puisque je n'ai personne depuis un moment. Mon dernier mec en date m'a tout bonnement jeté parce que j'étais trop gentil, trop affectueux. C'est dommage mais c'est ce que je suis et s'il n'apprécie pas c'est que c'est un abruti.

De retour dans mon appartement je file rapidement sous la douche et mange un truc sur le pouce. Quand mon téléphone sonne je me jette dessus avec l'espoir que ce soit lui. Je m'agace moi même d'avoir ce genre de réaction. Juste un message :

"S'il te plaît, ne dis rien pour ça sinon il pensera que c'est moi qui l'ai balancé et je le paierais cher."

Je pose mon portable et serre les poings en soufflant bruyamment. Je prends une profonde respiration avant de répondre :

"Viens à l'adresse que je t'ai donnée."

Sa réponse arrive en moins d'une minute, un simple mot "Impossible". J'appuie sur la touche d'appel mais rien, messagerie direct. J'ai le numéro, demain au bureau je tenterai de voir si je peux trouver à qui il appartient. Je vais me mettre au lit mais comme la veille je peine à trouver le sommeil. J'ai le visage de ce jeune garçon aux yeux sombres imprimé dans mon esprit. Je dois absolument savoir qui il est. Il m'obsède depuis que je l'ai vu hier.

Malheureusement le numéro qu'il a utilisé est celui d'une carte prépayée qu'on peut acheter un peu partout. Je soupire en me tirant les cheveux. Je ne vais pas réussir à mettre la main sur lui facilement je le crains. Je suis libéré plus tôt parce que c'est calme et qu'on me doit trop d'heures supplémentaires. Je passe par chez mes parents chose que je fais en général une fois par semaine. Ma mère me trouve préoccupé et veut absolument que je lui raconte pourquoi je suis aussi grognon. Je lui parle simplement de la mission d'hier sans entrer dans les détails. Je reste pour le dîner puis reprends la route jusqu'à chez moi.

N'ayant presque pas dormi l'autre nuit je sombre rapidement dans un sommeil sans rêve. Je ne sais combien de temps plus tard je suis réveillé en sursaut par la sonnerie de mon téléphone. Je reconnais le numéro du poste de police. Putain à cette heure-ci ! Il est 3h00 du mat' bordel !

-Ouais allô ? Je marmonne d'une voix toute endormie.

-Isaac ? demande mon interlocuteur.

- Parker ? Y'a un soucis ?

-On a chopé une bande de gamins qui faisait du grabuge en ville. Dans le lot il y a un Connor Smith qui dit te connaître et comme il avait ton numéro... Tu peux venir sur place ?

Give me hopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant