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Connor

Je regarde Isaac partir au ralenti et pousse un soupir agacé alors que Travis me demande s'il est mon plan cul. Si j'avais un jour la chance d'être avec un mec comme lui je ne me contenterais pas de coucher au contraire. J'ai beau ne pas le connaître plus que ça je sais que c'est un type bien et même si le fait de me laisser dans ma cachette nulle à chier n'a pas servi à grand chose au moins je n'ai pas été fouillé et personne n'a trouvé ce que je cachais dans mes poches. Je ne comprends même pas pourquoi il m'a filé son numéro et son adresse mais ça me touche vraiment.

Travis récupère son argent et m'emmène chez lui pour que je puisse profiter de sa salle de bain. Je saisis le téléphone qui ne me sert normalement que pour communiquer avec lui, toujours sous forme de code, pour envoyer un message à mon "bienfaiteur". Comme s'il était scotché à son portable il me répond presque tout de suite. Je ne peux retenir un sourire et quand je m'observe dans le miroir je finis par faire une grimace. On dirait plutôt un drôle de rictus, je n'ai plus l'habitude de sourire et ça se voit. 

En prenant appuie sur le pied qui ne me fait pas souffrir je grimpe dans la baignoire et me plonge dans l'eau chaude. Je me suis mal réceptionné tout à l'heure en quittant mon refuge et ma cheville n'a pas vraiment aimé. En même temps les portes étaient condamnées et même s'il y a bien quelques fenêtres au premier étage je ne suis pas cascadeur. Je m'en remettrai, de toutes façons je ne peux pas aller à l'hôpital me faire soigner je n'ai aucun papiers à part ma carte d'identité. Tout le reste est chez mes parents.

Mes parents... Penser à eux me fait toujours du mal mais au moins ça me permet de voir que je suis encore capable de ressentir quelque chose, que je ne suis pas devenu un être humain dépourvu de sentiments contrairement à ce que j'essaye de faire croire. Je me souviens encore de ce jour, il y a de ça plus de deux ans où je suis rentré à la maison avec en tête l'idée de leur avouer qui j'étais réellement. Pour mon copain de l'époque tout s'était bien passé avec sa famille alors il n'y avait pas de raison que ça se passe mal pour moi. Je m'étais lourdement trompé. Jamais je ne pourrai oublier la surprise et la déception de ma mère mais surtout le regard dégoûté et les mots de mon père. Ils me hantent chaque jour. Je ne suis selon lui qu'une pauvre petite merde infâme. Mes objections et les pleurs de ma mère ne l'ont pas attendrit. Rien, juste une haine pure et dure pour celui qu'il avait élevé.

Il ne s'est pas contenté de me foutre à la porte avec juste mon sac de cours et ce que je portais sur moi, il m'a aussi coupé les vivres, il m'a tout pris. Quand je me suis pointé chez mon copain pour lui dire que ça s'était mal passé je m'attendais à ce qu'il m'accepte et m'ouvre grand sa porte, encore une fois la chute fut brutale. Il s'en allait vivre ailleurs, à des centaines de kilomètres de moi parce que son père était muté. Quand le sort s'acharne sur moi il ne le fait pas à moitié. J'ai dormi chez lui jusqu'à son départ puis dans la rue ou sur les marches de la fac où j'étudiais depuis quelques mois jusqu'à ce qu'un matin une dame du secrétariat vienne m'annoncer que mon père ne payait plus les mensualités et que donc à moins de fournir l'argent j'étais à la porte une fois de plus. Ce sale type m'a vraiment retiré tout ce qui comptait !

J'ai échoué par hasard jusqu'à l'entrepôt où je dormais jusqu'à hier soir quand Travis m'est tombé dessus. Il avait l'air gentil et je lui ai confié toute mon histoire. Il ne m'a pas montré une once de pitié ou de compassion mais il m'a dit qu'ici je pouvais avoir une place et qu'en échange de quelques services il pourrait prendre soin de moi d'une certaine manière. Je l'ai cru et voilà où j'en suis aujourd'hui. J'ai goûté aux tentations de la drogue et je suis incapable de m'en passer. Je vends de la merde en poudre pour le compte d'un type qui n'a jamais mis le nez dedans parce que lui au moins est intelligent. Je récupère ma dose et un peu de liquide qui me permet tout juste de manger une fois par jour. Des fois j'aimerais être mort pour ne plus rien ressentir...

Il m'arrive de passer devant la maison de mon enfance en espérant que ma mère en sortira pour me dire que tout va bien et que je peux revenir mais ça n'arrive jamais. Elle est bien trop influençable pour penser par elle même et oser dire à mon père qu'il n'a pas fait ce qu'il fallait en me jetant à la rue.

Je reste dans l'eau jusqu'à trembler de froid et m'extirpe de la baignoire avec difficulté. Je m'enroule dans une serviette et regarde avec une grimace l'eau qui a prit une teinte peu engageante. En plus de tout ce que je suis, je suis d'une saleté épouvantable. Enfin j'étais, maintenant je sens bon le savon et j'ai l'envie d'aller frapper chez Isaac mais je ne le ferai pas. C'est bien trop dangereux pour lui. Si Travis vient à savoir qui il est nous risquons gros et le fait qu'il soit flic ne lui fera certainement pas peur.

Je sors de mon refuge temporaire alors qu'il me tend mes vêtements qu'il a passé à la machine. Ils sont toujours aussi usés mais ont un aspect légèrement plus présentable. 

-Tu devrais en acheter d'autres, ceux-là tombent en lambeaux, se moque-t-il.

-J'ai à peine de quoi manger tous les jours avec ce que tu me laisses alors des fringues ? Et puis je peux pas en piquer, le gars chez qui je créchais des fois ne vient plus se faire approvisionner alors c'est mort.

-Et ton gigolo ?

-Qui ? je demande ne voyant pas où il veut en venir.

-Isaac !

-C'est pas un gigolo ! le défendai-je. C'est un mec bien qui a un métier respectable !

-Du genre ?

Je ne réponds pas et enfile mes vêtements devant lui juste pour l'énerver parce qu'il n'aime pas ça. Il n'est pas homophobe mais c'est, je cite "un hétéro de pure souche" et il ne supporte pas de voir un mec désapé devant lui. Par provocation je lui balance à la tronche ma serviette avant d'enfiler mon jean.

-Me cherche pas trop Connor ! râle-t-il en se mordant la lèvre.

-Quoi ? Je fais d'un ton innocent.

Il a une drôle de manière de me regarder tout à coup, je me sens tout chose. C'est vraiment un super beau mec, dommage qu'il ne soit pas de mon côté de la barrière et surtout qu'il soit parfois si con. Il secoue la tête avant de me presser d'aller écouler le reste de la poudre ce que je fais en à peine une heure à un autre endroit stratégique. En errant en ville je croise des gars qui dormaient à l'entrepôt et qui m'entraînent jusqu'au parking souterrain d'un centre commercial. On peut sûrement y rester pour la nuit faute de mieux. Malheureusement le vigile ne l'entend pas de cette oreille et nous presse de dégager ce à quoi grand nombre de mes compagnons d'infortune protestent vivement. Je lève les yeux au ciel sentant que tout ça ne nous apportera rien de bon.

Mes craintes se confirment quand une heure plus tard nous nous faisons embarquer par des flics bien moins sympathiques que mon Isaac. Visiblement ce parking est une propriété privée et l'altercation avec l'agent de sécurité ne joue pas en notre faveur même si je suis un peu resté à l'écart de tout ça. Quand nous arrivons sur place on nous détrousse de tout ce qu'on possède, soit pas grand chose, et je tremble à l'idée qu'ils remarquent qu'il n'y a pas que des cigarettes cent pour cent tabac dans mon paquet. Un jeune policier qui doit sûrement avoir l'âge d'Isaac passe devant moi et je l'interpelle.

-Excusez-moi ! Isaac est ici ?

-Tu connais Isaac toi ? m'interroge le type dont le badge indique le nom de Parker Mayers.

-Oui j'ai son numéro et son adresse ! C'est un gros malentendu cette histoire ! J'ai rien fait moi ! Si vous l'appelez en disant que je suis ici il vous le dira !

Je croise les doigts pour que ça marche alors qu'il me presse de le suivre jusqu'à un petit bureau.

-Normalement je devrais te garder comme tes potes quelques heures juste pour vous faire flipper et vous dire que c'est pas bien, qu'il faut pas recommencer mais si tu connais Isaac je vais l'appeler.

Je hoche la tête incapable de prononcer un mot et me perds dans mes pensées jusqu'à ce qu'il me dise qu'il va venir. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter la rencontre avec un type aussi gentil qu'Isaac ?

Give me hopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant