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Isaac

J'essaye de me convaincre que j'ai réagi de manière excessive mais je n'y parviens pas. J'ai fait ce que je devais faire en l'empêchant de fumer ce truc. Ce n'est pas parce que l'autre jour j'étais trop surpris pour parler qu'aujourd'hui j'allais me taire. Il se bousille juste un peu plus qu'il ne l'est déjà et je n'accepte pas.

Quand je pense que deux minutes plus tôt on s'embrassait... Bordel ça me donne envie d'étrangler ce connard de blondinet qui a juste foutu en l'air ce moment. C'était doux, sensuel, parfait... Je passe les doigts sur mes lèvres en secouant la tête et pars prendre une douche. Quand j'en sors j'hésite à l'appeler mais range mon téléphone parce que je sais que têtu comme il semble l'être il ne répondra pas. À la place je décide d'aller courir un peu, avec de la chance je tomberai peut-être sur lui.

Je cours aussi longtemps que mon corps me le permet mais au bout d'un moment je dois bien me rendre à l'évidence. Non seulement il n'est pas dans le coin et en plus mes jambes manquent de me lâcher à tout instant. Je rentre chez moi dépité comme jamais.

Le lendemain au boulot je suis accueilli par un Parker bien trop curieux.

-Alors c'est qui ce Connor ?

-Je te l'ai dit, c'est le fils des voisins. C'est tout.

-Alors pourquoi tu rougis ? Me taquine celui-ci.

Je grogne pour lui montrer qu'il m'agace mais ça le fait juste rire un peu plus.

-Comment ça s'est passé avec les jeunes après ? Je demande pour changer de sujet.

-C'est juste des pauvres gamins qui n'ont aucun endroit où dormir. Ils faisaient rien de mal à squatter un parking mais bon... Le travail c'est le travail !

C'est exactement ce qui fait que lui et moi sommes amis. Nous avons les mêmes opinions sur certains sujets. Nous n'avons aucunement apprécié de virer ces jeunes de leur refuge.

-Y'a des nouvelles du petit qu'on a ramassé ?

Je repense à ce gosse comateux de l'entrepôt, il était vraiment mal en point...

-Ouais. Euh... Il est mort là-bas.

Cette nouvelle m'attriste énormément, voilà comment risque de finir Connor s'il ne se reprend pas en main et je refuse que ça arrive un jour.

-On a prévenu sa famille ?

-Non, il n'avait aucun papier sur lui. On ne sait pas qui il est...

-Je pourrai demander à Connor, dis-je tout haut.

-J'ai l'impression que ton petit copain ne fréquente pas que du beau monde, remarque mon collègue.

-C'est pas mon copain. Mais ouais il n'y a pas que des gens bien autour de lui.

Je cogite toute la journée sur ce pauvre gamin au destin tragique. En rentrant chez moi je cherche en vain après mon "protégé". Je décide de lui envoyer un message pour lui dire que j'ai besoin de lui sans préciser pourquoi. Évidemment je n'ai aucune réponse ni le jour qui suit. Je traîne le soir dans le quartier et même en ville mais rien. Ni lui ni un de ses potes ne croisent mon chemin.

Aujourd'hui je bosse de nuit et nous recevons un appel. L'alarme de sécurité d'une pharmacie s'est déclenchée et un groupe de trois individus ont été vus sur place. Nous sommes envoyés sur les lieux pour vérifier et peut-être les interpeller.

Mon collègue arrête la voiture un peu plus bas dans la rue et passe par derrière. Devant je tombe nez à nez avec celui que je rêve de revoir depuis qu'il a quitté mon appartement et en même temps la seule personne que je ne souhaitais pas voir ici.

-Merde fait chier ! Râle-t-il en écrasant son joint.

-Putain mais tu nous fait quoi là ?

-Rien... Je me balade.

-Connor mon collègue est derrière, tes potes vont se faire embarquer.

-Moi j'ai rien fait, je faisais juste le guet, déclare celui-ci comme si ça n'avait aucune importance.

Je regarde partout mais ne voit personne.

-Dégage !

-Quoi ? Demande-t-il complètement halluciné.

-Tire toi d'ici. Je dirai à mon collègue que tu t'es sauvé et que j'ai pas réussi à te rattraper.

-Et mes potes ? Je peux pas...

-T'as une minute pour te décider ou je serai obligé de t'embarquer aussi.

Il est hésitant. Sa liberté ou ses amis, qu'y-a-t-il de plus important pour lui ?
Le grabuge à l'intérieur semble le décider. Il hoche la tête et part en courant tout en lâchant une bordée de jurons. Sa course est lente sûrement à cause de sa douleur à la cheville.

Je viens enfin en aide à mon collègue lui disant que je n'ai pas réussi à choper le gars qui était devant. Il ne semble pas remarquer que je ne suis pas essoufflé après ma fausse course poursuite. Nous embarquons les deux gamins.

Ils cherchaient à voler le maximum de médocs. Tranquillisants, substituts aux opiacés... N'importe quoi qui puisse être avalé et les calmer. Bien sûr ils sont muets et refusent de parler. Ils ont des mines à faire peur et celui qui essaye de leur faire cracher le morceau s'y prend comme un manche, ce n'est pas en les agressant qu'ils diront quelque chose.

-Tu veux essayer ?

Je sursaute en entendant la voix de mon père.

-J'ai jamais fait ça, c'est pas mon job.

-Non mais je suis certain que tu y arriverais, dit-il.

Mon père est mon supérieur... Mon modèle aussi. S'il savait ce que j'ai fait ce soir je ne sais pas s'il hurlerait ou m'en collerait une pour me remettre les idées en place. Je le regarde attendant de voir s'il me laissera une opportunité de tenter ma chance et il le fait tout en observant dans son coin. En faisant preuve de patience et de gentillesse j'arrive à obtenir quelques infos.

-C'est Travis qui nous l'a demandé. En échange on aurait eu de quoi planer.

-Pourquoi voler des médicaments ?

-Parce que ça se vend aussi ! Ricane le gosse. C'est un autre des... Business de Travis ça.

-Ok et où on le trouve ce type ?

-On sait pas, y'a que Connor qui sait. Mais il nous l'a jamais dit.

Tout me ramène à lui...

-Et Connor, je le trouve où ?

-Va savoir, dans un squat, chez Travis, chez ce mec avec qui il a l'habitude de coucher ou alors le gars qui l'a ramené l'autre soir. On sait jamais où il peut être !

Je sors de la pièce mon père sur les talons. Il me félicite. En cinq minutes j'ai eu plus que l'autre en une heure. Je sens une sueur froide dans mon dos. Je lui cache des choses et je n'aime pas ça. Je pourrais lui dire tout de suite que je connais Connor mais... Qu'est-ce qui se passera ensuite ? Je ne veux pas qu'il ait d'ennuis même si ça veut dire que je fais n'importe quoi depuis que j'ai croisé sa route.

Je regagne mon appartement exténué et patiente encore plus d'une journée avant qu'on ne vienne sonner à ma porte en pleine nuit. Seulement vêtu d'un boxer, les cheveux en pétard et une main devant la bouche pour étouffer un bâillement sonore j'ouvre pour me retrouver avec un Connor dégoulinant à cause de la pluie.

-T'avais dit que t'avais besoin de moi...

Give me hopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant