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Isaac

J'avais prévenu Connor que je rentrerais tard aujourd'hui mais je ne m'attendais pas à être accueilli par un silence de mort. J'aurais dû éviter de traîner mais tout à l'heure nous avons réalisé un gros coup avec Parker. Le pire c'est que c'était totalement par hasard ! Les félicitations ont fusées de toute part même si c'est loin d'être fini.

J'avance jusqu'à la chambre qui se trouve aussi vide que le salon. Pas de bruits en provenance de la salle de bain. Rien. Où est-il passé ?

En panique je fouille chaque recoin de l'appartement, bien que ce soit absolument débile, mais il n'est pas là. Ni même ses affaires. Il n'y a plus rien qui pourrait me prouver qu'il était bien ici ce matin. C'est comme si je l'avais imaginé...

Contrôlant du mieux que je peux les battements désordonnés de mon coeur je me laisser tomber dans le canapé la tête entre les mains. L'évidence me frappe de plein fouet. Il est parti. Lui qui disait avoir peur que je l'abandonne c'est au final l'inverse qui s'est produit. Mais pourquoi maintenant alors qu'hier soir il semblait si désespéré à l'idée de ne plus être avec moi ?

Je reste comme ça de longues minutes, ou alors des heures, je suis incapable de le dire. S'est-il laissé manipuler par Travis ? S'est-il rendu compte que la drogue était plus importante que le reste pour lui ? Encore des questions sans réponses.

J'enlève ma veste et en sors mon telephone. Je veux lui parler et savoir. Tant pis s'il me dit d'aller me faire foutre tout ce dont j'ai besoin c'est de savoir s'il va bien. Quand j'appuie sur la touche de déverrouillage je remarque avec agacement qu'il est complètement à plat. Je cours jusqu'à la chambre, faible distance mais qui me paraît infiniment longue, puis récupère mon chargeur. Je patiente encore une poignée de secondes avant qu'il ne daigne enfin se remettre en marche.

Immédiatement l'icône des appels manqués s'illumine. C'est lui et ça date déjà d'il y a plusieurs heures. Il a laissé un message vocal que je m'empresse d'aller écouter. Je prie pour que la raison de son appel ne soit pas un cas d'urgence parce que je ne me le pardonnerai pas.

-Euh... Salut c'est moi. Enfin Connor. Enfin tu le sais, j'suis con.

Malgré l'angoisse qui me noue l'estomac je pouffe.

Bref j'aurais vraiment voulu te le dire de vive voix et te dire au revoir les yeux dans les yeux mais le temps presse. J'étais terriblement mal ce matin. J'avais envie plus que n'importe quoi d'autre de me défoncer la tête comme jamais. Tu n'étais pas là et je sais que dans tous les cas je ne pourrai pas toujours compter sur toi. Je ne veux pas être un boulet que tu traînes derrière toi.

Il ne l'est pas. Il ne le sera jamais.

Quoi qu'il en soit je suis allé voir ta mère avant de courir chez Travis. Le programme a changé. Ce connard de médecin a pensé que je devais suivre un truc plus cadré, un programme plus adapté. Et donc voilà. Je pars dans cinq minutes à trois heures d'ici. Pour me faire soigner. Pour toi. Pour nous. Parce que tout ce que tu m'as dit je le veux. Plus que n'importe quel rail de poudre.

Je le veux tellement aussi...

Je suis désolé d'être aussi faible, j'aurais voulu t'attendre et que tu m'accompagnes mais je sais que je n'aurais pas tenu.  J'aurais aimé que tu sois là pour me dire que tout ira bien mais tu as ton travail et c'est le plus important.

Non, le plus important c'est toi.

J'ai vraiment cru que je n'allais pas accepter. Je suis parti pour un mois. Sevrage, suivi psychologique et aucune visite. C'est ce qui sera le plus dur. Ne pas te voir, ne pas te toucher, ne pas te sentir, ne pas...

Sa voix se brise et mes dernières résistances aussi. Je sens les larmes piquer mes yeux.

Ne pas pouvoir te dire que je t'aime et que j'ai déjà hâte de te retrouver... Enfin, j'espère que comme moi tu vas compter les jours. Je ne pense déjà qu'à être dans tes bras. Merci de m'être quasiment tombé dessus ce soir-là. Merci de me donner de l'espoir. Et j'espère que tu ne trouveras pas ce message complètement con parce que j'ai jamais autant parler en si peu de temps. À dans un mois. Je t'aime Isaac...

Je t'aime aussi Connor...

Je suis assailli par plusieurs émotions à la fois. La fierté de ce qu'il a fait parce que c'était chaud et qu'il aurait pu aller directement chez ce connard pour s'approvisionner. La colère envers moi-même de ne pas avoir répondu à son appel parce que si je l'avais fait j'aurais pu lui parler et lui dire que je l'aime aussi. La tristesse... Triste de voir qu'il pense que mon boulot est ma raison de vivre plus que de l'avoir près de moi. Mal de savoir qu'il est parti avec ma mère et pas avec moi...

Ça aurait dû être moi qui l'accompagne ! Je m'en veux tellement de l'avoir laissé. J'aurais dû savoir qu'il allait mal et qu'il avait besoin de moi. Seulement même si je le voulais, je ne peux pas mettre ma vie entre parenthèses.

Tremblant je compose son numéro que j'ai déjà mémorisé et tente de calmer mes pleurs en espérant qu'il répondra. Au bout de plusieurs tentatives je lâche l'affaire. Il n'a peut-être pas le droit de communiquer avec l'extérieur. Ou est-il simplement occupé. Je compose un rapide message qu'il aura, j'espère, très vite.

"Je m'en veux de ne pas avoir été là pour toi. Je suis fier que tu aies pris la bonne décision. Tu vas y arriver. Tu vas me manquer mais je t'attendrai. Je t'aime."

C'est tout ce que je peux faire pour le moment. Attendre. Sans même manger, la faim qui faisait gronder mon ventre en chemin ayant totalement disparue, je me déshabille et me laisse tomber sur le lit à la place qu'il a occupé ces dernières nuits. L'oreiller qu'il a utilisé dans les bras je sombre dans un sommeil sans rêves.

Je me suis réveillé plusieurs fois guettant mon téléphone au cas ou il aurait répondu à mon message mais il n'y avait rien et je n'ai pas plus de nouvelles ce matin. Il est en sécurité... Je me passe cette phrase en boucle toute la journée pour ne pas craquer et aller le chercher pour le sortir de cet endroit.

-Isaac ? M'interpelle mon père alors que je m'apprête à aller me changer.

-Quoi ?

-Le gamin d'hier. Il a lâché des infos. Toujours le même nom qui revient. Travis.

-Ça me semblait un peu évident en fait, dis-je en me grattant le crâne.

-T'as réussi à voir la personne qui pouvait te filer des infos ?

-Non, il... Euh... Il est pas là. Il s'est absenté pendant un moment mais on pourrait essayer de faire sans lui. Je veux dire si vous arrivez à le faire parler un peu plus on saura peut-être où chercher.

-On ? Demande mon père en haussant un sourcil.

-Ouais je sais. Ça fait pas longtemps que je fais ce métier et ce genre de truc c'est pas de mon ressort. Je donnais juste mon avis.

Il ne peut pas ne pas avoir remarqué l'acidité du ton que j'ai employé. Je sais bien que comme tout le monde je dois faire mes preuves et gravir les échelons un à un. Surtout en étant le fils de chef. Je n'ai certainement pas envie qu'on dise que j'ai réussi grâce à mon cher papa. Sauf que faire la circulation, des contrôles de papiers et courir après des gamins ou ramener le calme après des bagarres n'est pas ce que je veux faire. Encore une fois je dois simplement attendre...

-Tu aides déjà beaucoup. Comme je l'ai dit hier, vous avez assuré avec Parker. Continue ton travail mais garde l'oeil ouvert d'accord ?

Il me fait un clin d'oeil me laissant légèrement choqué puis repart à son bureau. Je sors mon portable qui vibre dans ma poche croisant mentalement les doigts pour que ce soit Connor. Mais non, ce n'est que ma mère.

Je l'écoute parler pendant cinq minutes et raccroche plutôt rassuré. Même s'il était réticent, il a finalement parler très longuement au médecin hier. La nuit à été un peu difficile et ce matin il était agité mais l'équipe de soin semble optimiste. Je lui fais confiance. Il y arrivera.

Elle m'a demandé de garder mon uniforme pour la rejoindre à l'adresse qu'elle m'a donnée. Je me demande bien où et dans quoi elle m'embarque...

Give me hopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant