36

3.4K 363 120
                                    

Connor

Chassant les pensées qui se sont imposées dans mon esprit en parlant de douche, j'ouvre le sac qu'il a amené pour moi.

-Est-ce que ça te convient ? Demande-t-il mal à l'aise.

Des fringues, des livres... Des trucs que j'avais laissé chez mes parents. Il a vraiment gardé ça tout ce temps... Il y a un téléphone aussi. Neuf.

-Ouais c'est super. T'étais pas obligé tu sais.

Ça me met mal à l'aise de savoir qu'il a dépensé de la thune pour moi. Encore...

-Je sais. J'en ai envie c'est tout. Si je peux t'aider d'une manière ou d'une autre... Et puis au moins tu pourras me donner de tes nouvelles. Si tu veux...

Je sais qu'il se sent coupable pour ce qu'il a dit et ce qu'il a fait. Il se sent responsable de mon séjour à l'hôpital et de mon retour en cure mais il n'y a qu'un seul fautif. C'est moi. Je me suis cru plus fort que je ne l'étais et je suis parti. Si j'étais resté un peu plus, ça aurait sans doute été différent. Nous ne le saurons jamais. Ce qui compte maintenant c'est que toute cette histoire se finisse bien.

Nous avons discuté dans la voiture mais j'ai l'impression qu'il y a encore quelques non-dits. J'ai besoin qu'il comprenne pourquoi je me protège.

-Ton rejet m'a fait plus de mal que n'importe quoi d'autre dans ma vie, dis-je subitement. Je ne pourrai pas supporter que ça arrive de nouveau.

Repenser à ça n'est pas bon pour moi.

-Je m'en veux tellement si tu savais, soupire Isaac. Jamais plus je ne te repousserai si jamais tu décides que tu veux être avec moi.

Je le sais. Je le vois. La souffrance sur ses traits n'est pas feinte.

-Tu sais, si je t'avais trouvé dans cette position avec un autre, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Je ne sais pas quelle aurait été ma réaction... Je peux te comprendre.

J'aurais été dévasté. Anéanti. Comme quand j'ai cru qu'il était avec Parker.

-J'aimerais bien que tu gardes ça avec toi, dit-il en me montrant une clé.

-La clé de chez toi ?

Je fronce les sourcils et sors de ma veste celle que j'avais déjà et dont je ne me suis jamais séparé. Elle était pour moi comme un rappel de ce que j'avais perdu à cause de mes conneries.

-Oui. J'avais... Euh. La serrure a été changée. J'ai même été jusqu'à faire ça putain...

Je pince les lèvres sans lui répondre. À croire qu'il était vraiment déterminé à ce que je ne revienne pas dans sa vie. Ça fait mal.

-T'es pas obligé Isaac. Tu ne me dois rien.

Il a déjà tellement fait. Je ne pourrai jamais lui rendre ce qu'il m'a donné. Il n'a jamais rien exigé en retour. Tout ce qu'il voulait c'est que je sois libéré de la drogue et heureux. Il peut se réjouir, je le suis même si je dois attendre avant de dire que tout ça c'est bel et bien terminé. Dix-huit mois. C'est ce qu'ils ont dit.

-Je veux que tu la prennes, s'il te plaît...

Il avance d'un pas et mes yeux plongent dans les siens. J'y vois tellement de choses que je ne saurais analyser.

-Je vais partir.

-D'accord, je lui réponds en maîtrisant ma voix.

-Est-ce que je peux... Je pourrai juste... T'embrasser ?

Je ne pense pas vraiment que ce soit une bonne idée sachant qu'il va partir et que moi j'ai décidé de rester ici mais ce serait pour nous une bonne façon de faire la paix. Une manière de nous dire que tout n'est pas terminé. Qu'on pourra peut-être se retrouver un jour... Alors, finalement n'écoutant que mon coeur qui me crie de lui accorder ce plaisir, je fais oui de la tête.

En soupirant, de soulagement je crois, il pose une main sur ma joue et ses lèvres viennent rencontrer les miennes. J'ai l'impression que ça fait une éternité que nous n'avons pas échangé de baiser. C'est si bon. Je ne sais pas si je ne vais pas le supplier de rester ou juste de continuer à m'embrasser encore et encore. Je me surprends à gémir et à vouloir approfondir notre échange. Ses lèvres s'ouvrent naturellement pour laisser ma langue aller à la rencontre de la sienne. Elles se redécouvrent, dansent dans un rythme lent mais sensuel. J'ai l'horrible sensation que c'est un baiser d'adieu. C'est trop bouleversant pour un simple au revoir. Je pense qu'il le sent aussi parce que le gémissement qui passe ses lèvres est tout sauf un son de plaisir. Il illustre juste du désespoir.

Putain, pourquoi on en est arrivé là ?

Il ne me lâche pas, s'accrochant à moi comme si sa vie en dépendait. Mes mains sont nouées autour de sa nuque comme pour le garder près de moi. Comme pour l'empêcher de se reculer. Nos corps s'épousent parfaitement. Il est parfait pour moi. J'ai peur... Peur de le laisser rentrer sans moi et de revenir pour le trouver avec un autre. Il ne pourra pas m'attendre indéfiniment.

Quand nous manquons d'air, nous nous détachons l'un de l'autre sans pour autant rompre entièrement le contact. Il pose son front contre le mien. Sa main serre fort ma hanche et nos souffles se mélangent. Les miennes glissent sur ses épaules pour échouer le long de mon corps.

-Tiens, dit-il en me fourrant sa clé dans la main.

-Merci.

Je l'accepte, espérant de tout coeur trouver un jour la force de revenir dans cette ville qui ne m'a jamais rien apporté de bon excepté cet homme.

-Peu importe quand ce sera, avec ça tu sais que tu peux revenir. Que je t'attendrai. Encore et toujours...

Je déglutis et ravale mes larmes, je me contente juste d'un hochement de tête. Je n'arrive pas à croire qu'il veuille toujours de moi et qu'il soit prêt à m'attendre une fois de plus. Il déplace sa main de ma taille à ma nuque pour la caresser brièvement et avec un soupir à fendre l'âme il se recule. Mes doigts se crispent sur les manches de mon sweat pour ne pas le ramener à moi.

Il ramasse son sac et en souriant, bien que je puisse voir dans son regard la tristesse qu'il ressent à l'idée de partir, il quitte la petite chambre d'hôtel. Je tombe sur les fesses dans le petit lit où je dormirai cette nuit, la tête entre les mains et mon coeur me faisant terriblement mal. Une partie de moi s'en va avec lui. J'ai beau avoir un téléphone maintenant, grâce à lui, ce ne sera pas pareil.

Je me sens tellement mal et vide à nouveau. L'avoir revu pour qu'il reparte aussi vite c'est... Ça me tue. J'ai besoin de temps, je ne veux pas rentrer et prendre le risque de revoir certaines personnes. Je ne veux pas revenir dans la ville qui m'a vu tomber. J'y retournerai mais pas maintenant. Je veux être certain de ce que je veux faire avant d'y remettre les pieds. Mais ne pas être avec Isaac...

Franchement, suis-je vraiment prêt à le laisser partir de cette façon ? Je l'aime tellement...

Give me hopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant