Chapitre 1 : L'arrivée.

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Le paysage défilait derrière la vitre de la voiture mais je ne le regardai pas. Je m'efforçai de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne penser à rien. Si seulement je pouvais revenir au point de départ, quitter cette route qui m'éloignait un peu plus de tout ce que j'aimais ! Je fermai les yeux et les rouvris. Rien n'avait changé, j'étais toujours bien attachée sur mon siège, telle une prisonnière.

Assise à côté de moi, ma sœur Elsa fredonnait un morceau des Beatles, son groupe préféré. Mon père me jeta un regard qu'il voulait complice dans le rétroviseur.

« Tout va bien, semblait-il dire. Nous allons commencer une nouvelle vie, nous allons être heureux tous les quatre ! »

Comment avait-il pu déménager, quitter Paris ? Comment avait-il pu abandonner la maison ? Je jetai un coup d'œil au GPS accroché sur le pare brise. Il nous restait une heure avant d'arriver à destination. J'essayai de me convaincre, comme je le faisais depuis un mois, que j'allai simplement passer des vacances dans une location, comme d'habitude ! Cette tentative fut brisée par la voix de souris de ma belle-mère :

« Maëlys, tu veux un gâteau ? »

Je me tournais vers elle. Sophie me tendait une boîte de gâteaux sans sucre, (elle les préparait elle-même). Pour les avoir déjà goûtés je savais qu'ils étaient si durs que l'on craignait pour l'état de ses dents à chaque bouchée.

« Non, merci. » répondis-je du ton le plus neutre possible.

Mon père me lança un regard du genre : « Tu ne fais aucun effort. »

Elsa poussa un infime soupir et ma belle-mère se tourna vers le paysage, l'air déçu. Comme à chaque fois que je la regardais, je me demandais comment mon père avait pu la choisir après avoir connu ma mère.

Sophie était une personne terne, aux cheveux châtains lisses et plats, parsemés de gris à certains endroits. Maman au contraire était plutôt flamboyante avec des cheveux roux foncés, des yeux rieurs et une voix forte et claire. Comment papa avait-il pu tomber amoureux de Sophie Lebrun?

Dès le début, ma sœur et moi avions tenté de l'accepter, de bien l'accueillir. Après tout, notre père essayait de refaire sa vie, nous devions donc de le soutenir ! Seulement, voir une autre femme assise à la place de sa mère à table, en voiture, dormant parfois à la maison et tenant la main de son père est assez dérangeant et perturbant. Pour ma part je ne pouvais pas le supporter !

Un jour j'avais surpris Sophie en train d'embrasser papa. Je leur avais lancé un tel regard que ma belle-mère avait préféré quitter la maison. Je n'avais pas parlé à mon père pendant une semaine après cet incident, et encore moins à Sophie lorsque je la croisais au collège ! En effet, Sophie Lebrun n'était pas uniquement entrée dans ma vie familiale contre mon gré, elle était également ma professeure de technologie au collège !

La technologie ! QUI a eu l'idée d'en faire une matière à part entière ?! Apprendre à manipuler les nouveaux outils informatiques peut être intéressant, mais réviser des schéma abstraits et des définitions sur des objets aussi divers qu'un portail ou une volière était extrêmement ennuyeux ! Je ne comprenais pas pourquoi elle avait choisi ce métier... Sophie nous avait raconté qu'elle envisageait plutôt de devenir ingénieur mais qu'elle n'avait pas le niveau pour poursuivre les études... Toujours est-il que la situation dans laquelle je me trouvais était particulièrement embarrassante ! Que se passerait-il si quelqu'un découvrait que ma belle-mère était Mme Lebrun ?!

A chaque fois qu'elle venait à la maison je priais pour qu'aucun élève ne l'ai vue sonner à notre porte ! Lorsque mon père l'amenait au collège en voiture je me levais plus tôt exprès pour pouvoir y aller à pied, tout en étant terrifiée à l'idée que quelqu'un ne reconnaisse papa ! Je n'avais rien dit à mes amies par crainte de leur réaction !

Le Papillon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant